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Rappelons brièvement l'enjeu.
Les assurances "emprunteurs" adossées aux contrats de crédit par les banques ont été durant de longues années, des sources de marges substantielles, les polices vendues par les réseaux bancaires atteignant des niveaux de prime plus élevés et fréquemment sur la base de l'assiette maximale à savoir le montant du
capital emprunté et non le capital restant dû sur la durée d'un crédit.
Les banques doivent désormais accepter la concurrence des polices souscrites hors de leur réseau à des
niveaux de prix parfois beaucoup plus attractifs.
Mais le consommateur n'étant pas forcément en capacité de mesurer immédiatement l'intérêt financier de la
concurrence, ou placé en situation de pouvoir procéder efficacement à une mise en concurrence, le marché de la souscription par l'intermédiaire des réseaux bancaires demeure important.
La loi "Hamon" du 17 mars 2014 et applicable aux seuls prêts conclus à compter du 26 juillet 2014 permet la résiliation par l'emprunteur dans l'année suivant la signature de l'offre de prêt du contrat d'assurance "emprunteur".
L'arrêt du 29 mars 2015 rendu par la Cour d'Appel de Bordeaux (CA Bordeaux, Première chambre civile, Section A, n° de rôle : 13/0723) avait fait l'objet de nombreux commentaires et la décision de la Cour de Cassation était attendue.
Dans son arrêt, qui pourtant concerne le droit antérieur à la loi "Hamon", la Cour d'Appel avait
estimé que les contrats d'assurance emprunteur portant en partie sur l'assurance de dommages étaient soumis à L. 113-12 du code des assurances prévoyant la possibilité de résilier le contrat d'assurance à l'expiration d'un délai d'un an en envoyant une lettre recommandée à l'assureur au moins deux mois avant la date d'échéance.
Cet arrêt était d'ailleurs conforme à la jurisprudence antérieure de la Cour de Cassation (Civ. 1ère 7
juillet 1987 N° 85-14605) : "Attendu qu'en un troisième moyen, il est encore reproché à la cour d'appel d'avoir considéré que les contrats de groupe " invalidité-décès " ressortaient à la catégorie des " assurances mixtes " auxquelles s'appliquaient les dispositions de l'article L. 113-12 du Code des assurances (...) soumise, comme telle, à la possibilité de résiliation annuelle prévue par l'article L. 113-12, alinéa 3, du Code des assurances et que la dénonciation des polices avait donc été régulière".
La loi "Hamon" venait, en conservant cette faculté, offrir en complément une période de résiliation d'un an suivant la signature de l'offre de prêt. Mais la loi Hamon s'applique t'elle aux contrats souscrits antérieurement (ce qui eût posé le sujet bien connu de l'application de la loi dans le temps) et efface t'elle pour les contrats postérieurs le bénéfice de l'article L113-2 du Code des Assurances ?
La position exprimée par la Cour
d'Appel de Bordeaux est réduite à néant et vient clore le débat sur la
combinaison de la loi Hamon avec l'article L113-2 du Code des assurances.
La Cour d'Appel de Bordeaux avait pris le soin, avec prudence, de limiter son analyse à la période antérieure à
la loi Hamon. Le doute était permis pour les polices postérieures, la loi Hamon n'ayant pas la vocation affichée de réduire la protection des consommateurs.
Et pourtant...
La première chambre civile de la Cour de Cassation a tranché le 9 mars 2016 (Civ. 1ère 9 mars 2016 n° 15-18899 et 15-19652 - Publié au Bulletin)
La Cour de Cassation n'a évidemment pas pris pour référence la loi "Hamon", évitant toute difficulté sur l'application de loi dans le temps. Mais le sort réservé à la combinaison de la loi Hamon et de l'article L113-12 du Code des Assurances ne fait plus guère de doute...
C'est en s'attachant à l'article L. 312-9 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n°
2010-737 du 1er juillet 2010 et à l'article L. 113-12 du code des assurances, et surtout au principe selon lequel les lois spéciales dérogent aux lois générales (Specialia generalibus derogant) que la Haute Cour a tranché (1).
Attendu que le premier de ces textes, qui régit spécialement le contrat d'assurance garantissant, en cas de survenance d'un risque qu'il définit, le remboursement total ou partiel du montant d'un prêt immobilier restant dû, ne prévoit pas de faculté de résiliation du contrat ou de substitution d'assureur ; (...)
Attendu que, pour accueillir la première de ces demandes, l'arrêt retient qu'à défaut de dispositions spécifiques, il n'y a pas lieu de considérer que l'article L. 312-9 du code de la consommation exclut toute faculté de
résiliation de l'adhésion au contrat d'assurance de groupe souscrit par le prêteur, laquelle est soumise à l'article L. 113-12 du code des assurances ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes et principe susvisés ;
Le principe aura donc eu raison de l'article L 113-12 du Code des Assurances, et de la capacité pour les
consommateurs, à chaque échéance, de substituer le contrat d'assurance de leur crédit, par un contrat souscrit sur le marché à des conditions plus compétitives.
Inversement l'économie d'une couverture projetée sur la durée d'un crédit peut aussi justifier une analyse
particulière.
La recherche de l'équilibre est sans fin...
(1) Lire sur le sujet : LES PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT ET LA HIÉRARCHIE DES NORMES Pierre Brunet in L'architecture du droit. Mélanges en l'honneur de Michel Troper, Economica, 2006, p. 207-221.
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