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Dans un arrêt du 1er février 2019, n° 421694 (publié au Recueil Lebon) le Conseil d'Etat a jugé que la protection fonctionnelle de l'Etat s'étend aux agents non-titulaires de l'Etat (de nationalité étrangère) recrutés à l'étranger, alors même que leur contrat est soumis au droit local.
" Il résulte d'un principe général du droit que, lorsqu'un agent public
est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la
collectivité dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées
contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne
lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait
l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle, et, à
moins qu'un motif d'intérêt général ne s'y oppose, de le protéger contre les
menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il
est l'objet. Ce principe général du droit s'étend aux agents non-titulaires de
l'Etat recrutés à l'étranger, alors même que leur contrat est soumis au droit local ?".
Il est symptomatique de relever que cette règle ici rappelée s'applique de notre point de vue à toutes les
fonctions publiques quelle soit la durée du lien juridique qui lie la collectivité et l'agent.
Au cas d'espèce, un afghan avait été recruté comme interprète pour l'armée française alors déployée en
Afghanistan. Après le retrait des forces françaises, il a demandé un visa long
séjour qui lui a été refusé. Après un recours, le TA de Nantes a enjoint au
ministre de l'intérieur de réexaminer sa situation, en vain. Cet interprète est
arrivé en France irrégulièrement, donc sans visas, et a sollicité la protection
fonctionnelle sous la forme d'une demande de titre de séjour auprès du ministre
des armées. Se heurtant au rejet implicite de sa demande, il a saisi le TA de
Paris qui a rejeté sa demande. Il s'est pourvu en cassation.
La protection fonctionnelle est ici justifiée par le fait que l'agent, ayant travaillé pour l'armée française,
ne pouvait bénéficier d'une réelle protection des autorités de son pays d'origine.
En réalité, cet agent avait une autre voie de secours. En effet, il aurait pu
faire une demande d'asile, et cette demande, appuyée par des preuves concrètes
des risques qu'il encourt dans son pays d'origine, aurait sans doute également
prospérée devant l'OFPRA ou la CNDA. De ce point de vue, la protection
fonctionnelle est une autre option offerte à des agents étrangers de nationalité
étrangère, recrutés par l'administration française. C'est au regard des
circonstances très particulières du pays d'origine (contexte sécuritaire,
menaces sérieuses et dangers personnels encourus) que la protection fonctionnelle
peut être accordée à l'agent. Dans ce cas, et à titre exceptionnel, la
protection fonctionnelle peut exceptionnellement conduire à la délivrance d'un
visa ou d'un titre de séjour à l'intéressé et à sa famille, et ce même si l'agent
avait seulement été recruté pour une durée déterminée. Une analyse plus poussée
nous amène à dire que pour une collaboration contractuelle simplement occasionnelle
avec une administration française à l'étranger, en cas de risque d'atteinte
avérée à sa vie, un agent de nationalité étrangère, fut-il même simple
fournisseur de biens et service à l'administration française, peut, à titre
exceptionnel, bénéficier d'une protection fonctionnelle. Le régime juridique des
agents étrangers qui collaborent avec l'administration française dans leur pays
d'origine, mérite d'être précisé.
Jean-Arnaud NJOYA
Docteur en droit
Avocat au Barreau de Paris
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