Bonjour,
La situation que vous décrivez est très grave et constitue un manquement majeur aux obligations d'une tutrice. La tutrice a pour mission de gérer les biens de sa fille mineure dans le seul intérêt de celle-ci, et non pour son propre bénéfice. Vider le compte de sa fille s'apparente à une malversation ou un abus de pouvoir dans le cadre de la tutelle.
Voici ce que la mère risque juridiquement et ce que la fille, devenue majeure, peut faire :
1. Manquements aux obligations de la tutrice
En tant que tutrice, la mère avait des obligations légales strictes :
Gérer les biens "en bon père de famille" (aujourd'hui "en personne prudente, diligente et avisée") dans l'intérêt exclusif de sa fille.
Rendre des comptes de gestion au Juge des Tutelles au moins une fois par an.
Obtenir l'autorisation du Juge des Tutelles pour les actes de disposition importants (ventes, retraits significatifs de sommes d'argent non justifiés par les besoins de l'enfant). Un retrait de 20 000 € sans justification claire et pour le bénéfice de l'enfant aurait normalement nécessité une autorisation.
2. Risques juridiques et recours pour la fille (devenue majeure)
La fille, étant désormais majeure, peut agir en justice contre sa mère.
a) Action en reddition des comptes et en responsabilité civile (Tribunal Judiciaire)
C'est la voie la plus courante et directe :
Demande de reddition des comptes : La fille peut d'abord exiger de sa mère qu'elle lui rende des comptes détaillés de sa gestion des biens pendant toute la période de la tutelle. La tutelle prend fin automatiquement à la majorité, et la reddition du compte de gestion final est obligatoire (Article 511 du Code civil). Si ce compte n'a pas été rendu ou s'il est incomplet/faux, elle peut l'exiger.
Action en responsabilité civile : Si la reddition des comptes révèle que la mère a détourné des fonds (comme les 20 000 €) ou mal géré les biens de sa fille, celle-ci peut engager une action en justice devant le Tribunal Judiciaire pour obtenir la réparation du préjudice subi, c'est-à-dire le remboursement des sommes détournées.
Preuve : La fille devra apporter la preuve que les 20 000 € étaient bien sur son compte et qu'ils ont été retirés sans justification ni autorisation légale (ex : relevés bancaires).
b) Prescription de l'action civile : C'est le point CRUCIAL.
L'action en responsabilité contre le tuteur pour sa gestion est soumise à un délai de prescription.
L'action en reddition des comptes et en responsabilité civile contre le tuteur se prescrit par 5 ans à compter de la fin de la tutelle.
La tutelle prend fin à la majorité du mineur (18 ans). Si la fille a, par exemple, 20 ans aujourd'hui, elle a encore 3 ans pour agir. Si elle a 24 ans, elle a encore 1 an. Si elle a 25 ans ou plus, l'action est potentiellement prescrite.
c) Dépôt de plainte au pénal (pour les faits les plus graves)
Si le détournement des 20 000 € est avéré et qu'il y a intention de la part de la mère de s'approprier ces fonds sans droit, cela peut constituer des infractions pénales graves :
Abus de confiance (Article 314-1 du Code pénal) : Le fait de détourner des fonds qui vous ont été remis (ici dans le cadre de la tutelle) et que vous deviez rendre ou utiliser d'une certaine manière. La peine encourue est de 3 ans de prison et 375 000 € d'amende. La prescription est de 6 ans à compter de la découverte des faits.
Abus de faiblesse (Article 223-15-2 du Code pénal) : Si la mère a profité d'une vulnérabilité particulière de sa fille à l'époque (ce qui peut être le cas pour un mineur sous tutelle, même sans déficience intellectuelle), la peine peut être plus lourde.
Un dépôt de plainte au pénal peut être envisagé, mais la procédure est plus longue et plus lourde. C'est souvent l'action civile qui est privilégiée pour obtenir le remboursement des sommes.
Que doit faire la fille ?
Votre amie doit agir rapidement, surtout si sa majorité est récente :
Réunir les preuves : Relevés bancaires du compte de la fille montrant les retraits des 20 000 €, décisions du Juge des Tutelles concernant la gestion de ses biens, tout document relatif à la tutelle.
Contacter un avocat : C'est indispensable. Un avocat spécialisé en droit de la famille et du patrimoine ou en droit des majeurs protégés pourra l'aider à :
Évaluer la prescription.
Demander la reddition des comptes.
Intenter une action en responsabilité civile pour obtenir le remboursement.
Conseiller sur l'opportunité d'une action pénale.
Saisir le Juge des Tutelles : Même si la fille est majeure, elle peut demander au Juge des Tutelles d'ordonner à sa mère de lui rendre le compte de gestion final et de le vérifier. Le Juge des Tutelles a un rôle de contrôle sur la gestion des tutelles.
Si la fille a bien conservé des traces des retraits et que l'action n'est pas prescrite, elle a de bonnes chances d'obtenir gain de cause.
Merci d’indiquer que j’ai répondu à votre question en cliquant sur le bouton vert de ma réponse.
Cliquez ici pour commenter la réponse ci-dessus