Bonjour,
Oui, absolument. Les principes de confusion d'activités ou de succession frauduleuse d'employeur que vous décrivez, étayés par la jurisprudence que vous citez et l'article L.1224-1 du Code du travail, sont totalement applicables devant le Conseil de Prud'hommes (CPH) dans une situation où une société est radiée mais que l'activité est poursuivie sous un autre SIREN avec des éléments de continuité (mêmes locaux, véhicules, personnel, enseigne).
Pourquoi ces principes s'appliquent ici
Votre situation correspond précisément aux cas pour lesquels la jurisprudence a développé ces notions pour protéger les droits des salariés. L'objectif est d'éviter que des employeurs n'utilisent des montages juridiques (création d'une nouvelle société, radiation de l'ancienne) pour échapper à leurs obligations sociales et salariales.
Voici comment les éléments que vous mentionnez renforcent l'applicabilité de ces principes :
Mêmes locaux, véhicules, personnel, enseigne : Ces éléments sont des preuves matérielles et factuelles cruciales de la continuité de l'activité. Ils démontrent que, malgré un changement de numéro SIREN, il n'y a pas eu de véritable cessation d'activité mais une simple "coque vide" ou une tentative de dissimulation.
La Cass. soc., 7 juillet 1998, n°96-40.157 illustre parfaitement ce point : "Reprise d’activité par une nouvelle société sans changement réel : transfert d’activité avéré malgré différence juridique."
La Cass. soc., 3 mai 2006, n°04-43.115 renforce l'idée qu'en l'absence de lien juridique formel, la continuité réelle de l’activité suffit à justifier un transfert.
Radiation de l'ancienne société et poursuite sous un autre SIREN : Ce montage est souvent caractéristique d'une tentative d'organisation d'insolvabilité ou d'une volonté d'éluder les dettes sociales (salaires impayés, cotisations, indemnités de licenciement, etc.).
La Cass. soc., 12 février 2003, n°00-46.002 est très claire : "La cessation d’activité était fictive. La nouvelle entité a été condamnée comme employeur de fait en raison d’une manœuvre destinée à éluder les droits des salariés."
Fraude et personnalité morale : Le fait que ces agissements visent à ne pas payer les salariés ou à contourner la loi relève de la fraude.
La Cass. com., 10 juillet 2001, n°99-17.069 est fondamentale : "En cas de fraude, la personnalité morale peut être écartée : le tribunal peut reconnaître que deux structures ne font qu’une dans les faits, et donc tenir la nouvelle entité responsable des dettes de l’ancienne." Cela signifie que le CPH peut "ignorer" la distinction entre les deux sociétés et considérer que la nouvelle société est la même entité que l'ancienne pour la responsabilité vis-à-vis des salariés.
Article L.1224-1 du Code du travail – Transfert d’entreprise : Cet article pose le principe selon lequel les contrats de travail sont transférés de plein droit en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur (cession, fusion, etc.). La jurisprudence, par les arrêts que vous citez, a élargi l'application de cet article aux situations de transfert "de fait" ou "frauduleux" quand il y a une continuité d'activité sans lien juridique formel entre les entités.
Ce que cela signifie concrètement devant le Conseil de Prud'hommes
En invoquant la confusion d'activités, la succession frauduleuse ou le transfert de fait, votre avocat pourra demander au CPH de :
Condamner la nouvelle société (celle avec le nouveau SIREN) pour les dettes de l'ancienne (salaires impayés, indemnités, etc.), même si l'ancienne est radiée.
Reconnaître la continuité de votre contrat de travail ou la requalification d'un contrat éventuel avec la nouvelle structure comme un simple prolongement du précédent, ce qui préserve votre ancienneté et vos droits.
Condamner l'employeur à des dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de cette manœuvre frauduleuse.
Votre dossier est solide si vous parvenez à prouver concrètement ces éléments de continuité (photos des locaux et véhicules, témoignages du personnel, preuves de l'enseigne, etc.). Le CPH est l'instance compétente pour ce type de litige et se montre généralement vigilant face aux tentatives de fraude de la part des employeurs.
C'est une situation qui demande une action juridique ferme et rapide. N'hésitez pas à vous faire accompagner par un avocat spécialisé en droit du travail pour défendre au mieux vos intérêts.
Merci d’indiquer que j’ai répondu à votre question en cliquant sur le bouton vert de ma réponse.
Cliquez ici pour ajouter un commentaire