I. Un accord protecteur : quelles garanties pour les Algériens en France ?
L'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 constitue un traité international, qui bénéficie en droit français d'une autorité supérieure à celle des lois, en vertu de l'article 55 de la Constitution. Il a pour effet de prévaloir sur les dispositions législatives internes, y compris celles du CESEDA, dès lors qu'il régit une matière déterminée. Ce principe a été réaffirmé à de nombreuses reprises par la jurisprudence du Conseil d'État et de la Cour de cassation.
Contrairement à d'autres conventions bilatérales en matière migratoire, l'accord franco-algérien a une portée exhaustive : il encadre non seulement les conditions d'entrée et de séjour des Algériens en France, mais également leur accès au travail, leur droit au regroupement familial, la délivrance des certificats de résidence et leur renouvellement. Le CESEDA n'est donc applicable qu'à titre supplétif, pour des questions de procédure, de preuve, de retrait en cas de fraude, ou en l'absence de stipulation de l'accord sur un point précis.
Toute réforme ne pourrait résulter que d'une renégociation avec l'Algérie, l'accord relevant du domaine diplomatique. Ni une loi française ni un décret ne peuvent le modifier unilatéralement. Le Conseil d'État l'a rappelé à plusieurs reprises : tant que l'accord est en vigueur, il fait obstacle à l'application de dispositions législatives contraires, même postérieures.
À ce jour, aucune dénonciation formelle de l'accord n'a été engagée par la France. La proposition de loi adoptée à l'Assemblée nationale en 2025 a une portée symbolique et politique, mais ne produit aucun effet juridique contraignant tant que l'exécutif ne lance pas une renégociation formelle avec les autorités algériennes. En d'autres termes, le régime particulier de l'accord reste intégralement applicable, et les prérogatives qu'il confère aux ressortissants algériens ne peuvent être écartées par la loi ordinaire.
II. Un statut à part, mais pas sans limites : les revers d'un régime spécial
Contrairement aux idées reçues, l'accord franco-algérien n'offre pas un simple avantage généralisé aux ressortissants algériens : il prévoit des droits spécifiques, mais aussi des restrictions et contraintes propres. Il s'agit d'un régime équilibré, avec ses atouts et ses contreparties.
Parmi les principaux avantages :
- La délivrance automatique d'un certificat de résidence d'un an "salarié" pour les Algériens justifiant d'un contrat de travail et des conditions de logement adéquates, sans procédure d'autorisation de travail préalable.
- Un regroupement familial facilité, avec une condition d'un an de résidence en France seulement (contre 18 mois en droit commun), et la possibilité d'inclure les enfants recueillis par kafala.
- Des procédures simplifiées de renouvellement et de délivrance, avec une jurisprudence constante favorable à la stabilité du séjour.
Mais ce régime comporte aussi des limitations méconnues :
- Il n'intègre pas les nouveaux titres de séjour issus du CESEDA, comme les cartes pluriannuelles ou les statuts "passeport talent", ce qui peut restreindre la mobilité ou la valorisation des compétences.
- Il prévoit une interdiction stricte de la polygamie, y compris pour les membres de famille demandant le regroupement.
- Le regroupement familial doit être réalisé en une seule fois, et un refus peut être opposé en cas de menace à l'ordre public.
- Le terme utilisé est celui de "certificat de résidence", distinct de la carte de séjour, ce qui peut entraîner des incompréhensions ou une perception erronée du statut.
Enfin, comparé à d'autres conventions, comme celles conclues avec le Maroc ou la Tunisie, l'accord algérien est le seul à ne pas renvoyer à la législation nationale française pour ses conditions de fond. Il offre ainsi une véritable autonomie juridique, mais dans un cadre qui peut apparaître figé et inadapté à certaines situations contemporaines.
En somme, l'accord de 1968 crée un statut migratoire particulier, qui confère des garanties solides mais aussi des rigidités. Il demeure un outil bilatéral puissant, dont la modification nécessiterait un dialogue politique de fond entre les deux États. Jusqu'à preuve du contraire, les ressortissants algériens continueront d'en bénéficier intégralement.