Cher Monsieur,
Bonjour !
C'est une excellente initiative de vouloir rendre votre procès fictif crédible et réaliste. Le système judiciaire français, notamment en matière pénale, est complexe.
Ayant assisté à des audiences publiques, vous avez déjà une bonne base.
Voici des éléments pour répondre à vos questions sur la phase d'instruction et le déroulement du procès.
1. Comment se déroule la phase d'instruction ?
La phase d'instruction (ou information judiciaire) est une étape préalable au procès, menée par un Juge d'instruction. Elle est obligatoire pour les crimes et facultative pour les délits complexes ou sensibles.
Son objectif : Rassembler des éléments à charge (prouvant la culpabilité) et à décharge (prouvant l'innocence) afin de décider s'il y a lieu de renvoyer une personne devant une juridiction de jugement (Tribunal Correctionnel pour un délit, Cour d'Assises pour un crime).
Déroulement typique :
Saisine du Juge d'instruction :
Le plus souvent par un "réquisitoire introductif" du Procureur de la République (qui demande l'ouverture d'une instruction).
Parfois par une plainte avec constitution de partie civile de la victime.
Ouverture de l'information : Le juge d'instruction (J.I.) est saisi "in rem" (sur les faits) ou "in personam" (sur des personnes déjà identifiées).
Actes d'enquête : Le J.I. mène ou fait mener toutes les investigations nécessaires :
Auditions : Il auditionne la personne "mis en examen" (la personne soupçonnée, avec des droits spécifiques : avocat, droit de se taire), les témoins, la "partie civile" (la victime).
Expertises : Il ordonne des expertises (médicales, balistiques, psychiatriques, psychologiques, financières, informatiques...).
Perquisitions et saisies : Il autorise ou réalise des perquisitions et saisies de documents, objets, ordinateurs.
Commissions rogatoires : Il peut demander à la police judiciaire (gendarmes ou policiers) d'effectuer des actes précis (auditions, perquisitions) en son nom.
Confrontations : Il peut confronter les déclarations de différentes personnes (accusé/victime, accusé/témoin...).
Contrôle judiciaire / Détention provisoire : Le J.I. peut décider de placer la personne mise en examen sous contrôle judiciaire (obligations régulières : pointage, interdiction de se rendre dans certains lieux...) ou en détention provisoire (en prison) si les conditions sont remplies (risque de fuite, de pression sur les témoins, de récidive...). Cette décision est prise après débat devant le Juge des Libertés et de la Détention (JLD).
Clôture de l'instruction :
Lorsque le J.I. estime l'enquête complète, il notifie la fin de l'instruction aux parties.
Le Procureur et les avocats (défense et partie civile) peuvent demander des actes supplémentaires (demandes d'actes).
Le Procureur rend son "réquisitoire définitif" (il demande le renvoi devant une juridiction de jugement ou un non-lieu).
Les avocats peuvent déposer des "mémoires en défense".
Décision du J.I. :
Ordonnance de non-lieu : Si les charges sont insuffisantes ou si l'infraction n'est pas caractérisée (l'affaire est classée, la personne est libre).
Ordonnance de renvoi : Si les charges sont suffisantes. La personne mise en examen est alors renvoyée devant le Tribunal Correctionnel (pour un délit) ou la Cour d'Assises (pour un crime).
2. Quelles en sont les participants ?
Le Juge d'instruction (J.I.) : Magistrat du siège (indépendant), il dirige l'enquête de manière impartiale, à charge et à décharge.
Le Greffier d'instruction : Il assiste le J.I. à tous les actes d'instruction et dresse procès-verbal des auditions et des décisions.
Le Procureur de la République (ou son substitut) : Magistrat du Parquet (ministère public), il représente la société. Il déclenche l'action publique, requiert l'ouverture de l'instruction, propose des actes au J.I., et à la fin, requiert le renvoi ou le non-lieu.
La personne "mise en examen" : C'est la personne contre laquelle il existe des "indices graves ou concordants" rendant vraisemblable sa participation à l'infraction. Elle a des droits spécifiques (assistance d'un avocat, droit de se taire, accès au dossier).
La partie civile : La victime qui s'est constituée partie civile pour demander réparation de son préjudice. Elle a le droit d'être informée, de demander des actes au J.I. et d'être assistée par un avocat.
L'avocat de la défense : Représente la personne mise en examen. Il veille au respect des droits de son client, demande des actes, conteste la détention provisoire, etc.
L'avocat de la partie civile : Représente la victime, veille à ses intérêts et à la recherche de la vérité.
Les officiers et agents de police judiciaire (OPJ/APJ) : Policiers et gendarmes qui mènent les investigations sur commission rogatoire du J.I. ou sous l'autorité du Procureur.
Les experts : Des professionnels spécialisés (médecins, psychologues, comptables, informaticiens, balisticiens...) nommés par le J.I. pour éclairer des points techniques de l'enquête.
Les témoins : Personnes ayant des informations sur les faits. Ils sont entendus par le J.I. ou les OPJ.
3. Comment ça se passe lors de l’apparition de nouveaux éléments dans l'enquête entre la phase d'instruction et le procès ?
C'est une situation fréquente et complexe.
Si l'instruction est toujours en cours : Le Juge d'instruction intègre ces nouveaux éléments à son enquête. Il peut ordonner des actes supplémentaires pour les vérifier, auditionner de nouveau les parties, etc. Le dossier est complété avant la clôture.
Si l'instruction est clôturée et la personne renvoyée devant une juridiction de jugement :
Avant l'audience : Les nouveaux éléments peuvent être portés à la connaissance du Procureur (pour le Tribunal Correctionnel) ou de l'Avocat Général (pour la Cour d'Assises).
Si ces éléments sont mineurs, ils pourront être présentés lors de l'audience.
S'ils sont majeurs et susceptibles de modifier l'orientation de l'affaire, le Procureur/Avocat Général peut demander la réouverture de l'information judiciaire au Juge d'instruction s'il s'agit d'un crime, ou la saisine d'un nouveau J.I. pour un supplément d'information s'il s'agit d'un délit. C'est rare mais possible.
Pendant l'audience :
Des éléments peuvent être produits (par le Procureur, la défense, la partie civile). Les pièces nouvelles doivent être communiquées à toutes les parties avant l'audience pour respecter le "principe du contradictoire" (chacun doit pouvoir en prendre connaissance et y répondre).
Si un élément nouveau est capital et nécessite des vérifications approfondies que le tribunal ne peut pas faire sur le champ (ex: expertise), la juridiction peut décider un renvoi de l'affaire à une date ultérieure pour permettre ces vérifications ou un supplément d'information.
Si un témoignage inattendu ou une révélation survient en pleine audience, le juge président peut demander une suspension d'audience pour que les parties puissent s'en entretenir et adapter leur défense. Si l'élément est trop bouleversant, il peut y avoir un renvoi.
4. Y a-t-il un procédé de déroulement pour les phases d'instructions, procès et jugement ?
Oui, il y a un ordre très précis.
A. Phase d'Instruction (voir point 1 pour le détail)
B. Déroulement du procès (Tribunal Correctionnel ou Cour d'Assises)
L'ordre est globalement similaire, mais la Cour d'Assises est plus solennelle et longue.
Appel de l'affaire : Le Président (du Tribunal ou de la Cour) ou le greffier appelle l'affaire. Vérification de l'identité de l'accusé/prévenu.
Exposé de l'affaire par le Président : Le Président fait un résumé des faits et de la procédure. Il lit l'ordonnance de renvoi. Il met en contexte l'accusation. C'est l'introduction du sujet.
Interrogatoire de l'accusé/prévenu : Le Président interroge l'accusé/prévenu sur les faits qui lui sont reprochés. C'est le moment pour l'accusé/prévenu de donner sa version.
Formulation standard : "M. [Nom], vous êtes ici aujourd'hui pour [faits reprochés]. Qu'avez-vous à dire à ce sujet ?" ou "Reconnaissez-vous les faits qui vous sont reprochés ?".
Examen des éléments de personnalité : Le Président (ou le Juge assesseur) interroge l'accusé/prévenu sur sa vie personnelle, professionnelle, ses antécédents judiciaires, son enfance, sa famille. Des rapports (enquête sociale, expertise psychologique/psychiatrique) peuvent être lus.
Audition des victimes et parties civiles : Les victimes sont entendues, souvent d'abord par le Président, puis par les avocats et le Procureur. Elles décrivent les faits et le préjudice subi.
Audition des témoins : Les témoins cités par le Parquet, la défense ou la partie civile sont entendus. Ils prêtent serment de dire la vérité. Ils sont interrogés par le Président, puis par les avocats et le Procureur.
Lecture des expertises : Les experts sont appelés à la barre pour présenter et commenter leurs rapports. Ils répondent aux questions des juges et des parties.
Réquisitions du Procureur (ou Avocat Général aux Assises) : Le Procureur expose son analyse des faits et du droit. Il présente les preuves à charge et demande au tribunal de déclarer l'accusé coupable et de prononcer une peine. C'est le "réquisitoire".
Formulation standard : "Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les juges (ou jurés), le Ministère Public va maintenant requérir...".
Plaidoiries des avocats :
L'avocat de la partie civile : Plaide pour la reconnaissance de la culpabilité et demande la réparation du préjudice de la victime (dommages et intérêts).
L'avocat de la défense : Plaide pour l'acquittement, la relaxe, ou des circonstances atténuantes. C'est le "plaidoyer".
Dernier mot de l'accusé/prévenu : Il a toujours le droit de prendre la parole en dernier.
Formulation standard : "M. [Nom], avez-vous quelque chose à ajouter pour votre défense ?".
Délibéré : Le tribunal (ou la Cour d'Assises avec le jury) se retire pour délibérer en secret sur la culpabilité et la peine.
C. Jugement
Retour en salle d'audience : Le Président rend la décision.
Lecture du jugement/arrêt : Le Président (ou le greffier) lit le dispositif de la décision :
Prononcé de la culpabilité ou non-culpabilité (acquittement/relaxe).
Si coupable, prononcé de la peine (emprisonnement, amende, TIG, interdictions...).
Décision sur les intérêts civils (dommages et intérêts pour la victime).
Information sur les voies de recours (appel, cassation).
5. Peut-on accepter ou refuser d'entendre un témoin ou de présenter de nouveaux faits ?
Oui, mais sous certaines conditions.
Pendant l'instruction : Le Juge d'instruction a de larges pouvoirs pour décider des actes qu'il estime utiles. Il peut refuser d'entendre un témoin ou de réaliser un acte si cela ne lui semble pas nécessaire à la manifestation de la vérité. Les parties peuvent alors formuler une "demande d'acte" au J.I. Si le J.I. refuse, elles peuvent faire appel de ce refus devant la Chambre de l'instruction.
Pendant le procès :
Témoins : Les parties (Procureur, défense, partie civile) peuvent citer des témoins. En général, les témoins régulièrement cités sont entendus. Le Président de l'audience a un pouvoir de "police de l'audience" et peut refuser un témoin si son témoignage n'est pas pertinent ou s'il vise à retarder la procédure.
Nouveaux faits/éléments : Les éléments de preuve doivent être soumis au principe du contradictoire. Cela signifie qu'ils doivent être communiqués aux autres parties un délai raisonnable avant l'audience pour qu'elles puissent en prendre connaissance et préparer leur réponse. Si un document ou un fait est présenté à la dernière minute sans avoir été communiqué, l'autre partie peut demander son rejet des débats ou un renvoi de l'affaire pour avoir le temps d'en prendre connaissance. Le juge apprécie la "loyauté de la preuve".
6. Y a-t-il des formulations « standards » et un vocabulaire particulier ?
Absolument ! Le langage juridique est très codifié.
Vocabulaire clé :
Juge d'instruction : Dirige l'enquête.
Mis en examen : Personne soupçonnée durant l'instruction.
Prévenu : Personne jugée devant le Tribunal Correctionnel (pour un délit).
Accusé : Personne jugée devant la Cour d'Assises (pour un crime).
Partie civile : Victime demandant réparation.
Parquet / Ministère Public / Procureur de la République / Avocat Général : Représentent la société.
Greffier : Assiste le juge, rédige les PV, authentifie les actes.
Délit : Infraction de gravité moyenne (vol, escroquerie, coups et blessures...). Jugé par le Tribunal Correctionnel.
Crime : Infraction la plus grave (meurtre, viol, braquage...). Jugé par la Cour d'Assises.
Contravention : Infraction mineure (stationnement, petite vitesse). Jugée par le Tribunal de Police.
Garde à vue (GAV) : Mesure privative de liberté pendant l'enquête de police.
Détention provisoire : Incacération avant jugement, décidée par le JLD.
Contrôle judiciaire : Mesure alternative à la détention provisoire.
Ordonnance de non-lieu : Arrêt de la procédure, pas de procès.
Ordonnance de renvoi : Décision d'envoyer devant une juridiction de jugement.
Réquisitoire : Demande de peine du Procureur.
Plaidoyer : Argumentaire de la défense.
Délibéré : Période où le tribunal juge.
Acquittement : Jugement de non-culpabilité pour un crime.
Relaxe : Jugement de non-culpabilité pour un délit.
Condamnation : Jugement de culpabilité avec prononcé d'une peine.
Dommages et intérêts : Somme allouée à la victime pour son préjudice.
Formulations courantes :
Ouverture d'audience : "À l'audience de ce jour, [date], la Cour/le Tribunal...". "L'audience est ouverte."
Interrogatoire : "M. [Nom], veuillez décliner votre identité complète." "Les faits qui vous sont reprochés sont..." "Que contestez-vous dans ces faits ?"
Serment du témoin : "Vous jurez de dire toute la vérité, rien que la vérité. Levez la main droite et dites : 'Je le jure'."
Fin des débats : "Les débats sont clos."
Annonce du délibéré : "Le Tribunal va se retirer pour délibérer." ou "La Cour va suspendre l'audience pour délibérer."
Lecture du jugement : "Le Tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement après en avoir délibéré en chambre du conseil..." "La Cour, après avoir délibéré..."
Dispositif du jugement : "Par ces motifs, la Cour/le Tribunal, statuant publiquement et en premier ressort (ou en dernier ressort si pas d'appel possible)..." "Déclare M. [Nom] coupable des faits de...". "Condamne M. [Nom] à la peine de..." "Prononce l'acquittement de M. [Nom]."
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Bonjour,
Merci infiniment pour cette réponse très complète, celà va m'être très utile pour enrichir mon récit.
Très belle journée à vous.
il y a 2 jours
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