Chère madame,
Votre situation est délicate, mais l'article que vous avez découvert est très pertinent et peut vous donner des pistes pour agir, même des années après les faits.
Il convient de distinguer plusieurs points dans votre demande.
L'arrêt de la Cour de cassation et la responsabilité de la banque
L'article du Particulier fait référence à un arrêt important de la Cour de cassation (1ère chambre civile, 19 juin 2024, n° 22-14.733) qui a effectivement condamné une banque à rembourser les sommes retirées par un père sur les livrets d'épargne de ses enfants.
Cet arrêt est crucial car il rappelle que, même si chaque parent est administrateur légal des biens de son enfant et peut effectuer des opérations bancaires, la banque a un devoir de conseil et de vigilance. Elle ne peut pas se contenter de ses règles internes si celles-ci vont à l'encontre de l'intérêt de l'enfant ou des principes de l'administration légale conjointe.
La Cour de cassation a jugé que le retrait de sommes importantes sans information de l'autre parent et sans justification de l'intérêt de l'enfant (par exemple, pour ses besoins directs, ses études, sa santé) constitue un manquement de la banque. Les fonds des livrets d'épargne d'un enfant sont considérés comme lui appartenant, et leur utilisation doit être faite dans son unique intérêt. Un retrait pour les besoins personnels d'un parent est illégal.
Votre conseiller bancaire s'est donc probablement trompé en affirmant qu'il n'y avait aucun manquement de la part de la banque.
Pouvez-vous engager une action en justice ?
Oui, il est envisageable d'engager une action en justice contre la banque, sur la base de cet arrêt qui fait jurisprudence.
Les arguments seraient les suivants :
Le fait que votre ex-conjoint ait vidé intégralement le livret (20 000 euros, une somme importante pour un enfant de 5 ans) sans que vous soyez informée.
L'absence de preuve que ce retrait a été fait dans l'intérêt exclusif de l'enfant.
Le manquement de la banque à son devoir de vigilance et de conseil en n'alertant pas l'autre parent ou en ne demandant pas la justification de l'intérêt de l'enfant pour un tel retrait.
Le délai pour agir (prescription)
C'est la question la plus délicate, mais il y a des arguments pour considérer que le délai n'est peut-être pas expiré.
Le délai de prescription de droit commun pour les actions personnelles (comme une action en responsabilité civile) est de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
Les faits remontent à 2018. Un calcul simple ferait expirer le délai en 2023.
Cependant, il y a plusieurs arguments qui peuvent reporter le point de départ de ce délai, notamment quand il s'agit des droits d'un enfant :
L'intérêt de l'enfant : L'action que vous pourriez engager est au nom de votre enfant, pour récupérer les fonds qui lui appartenaient. L'enfant étant mineur au moment des faits (5 ans en 2018 le délai de prescription ne court pas contre un mineur. L'action pourrait commencer à courir seulement à partir de sa majorité (18 ans), soit en 2031 dans son cas (5 ans en 2018, donc 18 ans en 2031).
La découverte de l'information juridique : Vous venez de découvrir l'article qui vous éclaire sur la responsabilité potentielle de la banque. Bien que cela ne suspende pas automatiquement la prescription, certains juges peuvent prendre en compte la date de la "révélation juridique" de vos droits.
Compte tenu de ces éléments, il est fort probable que l'action ne soit pas prescrite car elle serait menée au nom de votre enfant.
Étapes à suivre
Réunissez tous les documents :
Relevés du livret A de l'enfant montrant le solde avant et après le retrait, ainsi que l'opération de retrait.
Tout échange écrit avec votre conseiller bancaire de l'époque où il justifiait l'absence de manquement.
Toute preuve de la situation financière instable de votre ex-conjoint (si cela peut montrer que les fonds n'étaient pas utilisés pour l'enfant).
L'article du Particulier.
Consultez un avocat spécialisé :
C'est la première étape indispensable. Un avocat en droit bancaire ou en droit de la famille (compétent sur ces questions) pourra analyser votre dossier précisément, évaluer vos chances de succès et la meilleure stratégie à adopter (action contre la banque, contre l'ex-conjoint, ou les deux).
Il pourra confirmer si l'action n'est pas prescrite au nom de votre enfant.
N'hésitez pas à entreprendre cette démarche. L'arrêt de la Cour de cassation constitue un précédent très favorable pour les parents qui se trouvent dans votre situation.
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il y a 5 jours
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