Bonsoir,
Je comprends parfaitement votre sentiment de frustration et d'injustice face à une décision du Procureur de la République qui vous semble incompréhensible, d'autant plus qu'il semble reconnaître la présence de preuves.
Il est crucial de bien comprendre le rôle du Procureur et les voies de recours possibles.
Le Procureur de la République a un rôle particulier en France : il est le chef du Ministère public et décide s'il y a lieu d'engager des poursuites pénales. Il est soumis au principe de l'opportunité des poursuites.
Cela signifie que, même s'il a connaissance d'une infraction et de preuves, il n'est pas obligé d'engager des poursuites s'il estime que :
Les preuves, bien qu'existantes, ne sont pas suffisantes pour emporter une condamnation devant un tribunal (il doit prouver la culpabilité au-delà de tout doute raisonnable).
L'infraction est de faible gravité et une autre mesure (rappel à la loi, médiation) est plus appropriée.
Les faits relèvent davantage d'un litige civil.
Il y a des considérations d'intérêt public.
Le fait que le Procureur "relate les preuves dans le réquisitoire" ne signifie pas qu'il les estime "accablantes" au point de garantir une condamnation ou qu'il estime devoir poursuivre. Il peut les relater pour justifier un classement sans suite, par exemple, en expliquant pourquoi, malgré ces éléments, il considère que les poursuites ne sont pas opportunes ou pas fondées en droit.
Quelles sont vos possibilités ?
Vos options dépendent de la décision exacte prise par le Procureur :
Si le Procureur a classé l'affaire sans suite (décision de "classement sans suite") : C'est la situation la plus courante lorsque le plaignant estime que les preuves sont ignorées.
Le recours hiérarchique : Vous pouvez adresser un recours motivé au Procureur Général (le supérieur hiérarchique du Procureur de la République) près la Cour d'Appel. Vous devrez exposer pourquoi vous estimez que le classement sans suite est injustifié et que les preuves sont suffisantes. C'est une démarche simple, mais son succès est rare car le Procureur Général a aussi un pouvoir d'appréciation.
La plainte avec constitution de partie civile : C'est le moyen le plus efficace pour forcer une enquête judiciaire et contourner le pouvoir d'opportunité du Procureur. Vous déposez une plainte auprès du Doyen des juges d'instruction du Tribunal Judiciaire. En vous constituant partie civile, vous devenez acteur de la procédure.
Le Juge d'instruction est alors obligé d'ouvrir une information judiciaire (une enquête approfondie).
Vous pourrez demander des actes d'enquête (audition de témoins, expertises, confrontations...).
Cette procédure est plus complexe et nécessite l'assistance d'un avocat. Elle entraîne le versement d'une consignation (une somme d'argent qui vous est restituée si la plainte est jugée recevable et fondée, mais qui peut être conservée si la plainte est abusive).
La citation directe : Si les preuves sont d'une évidence telle qu'une enquête préalable n'est pas nécessaire et que les faits relèvent d'un tribunal (ex: Tribunal correctionnel, Tribunal de police), vous pouvez directement citer la personne présumée coupable devant le tribunal. C'est rare et risqué si le dossier n'est pas "prêt à juger" sans enquête.
Si le Procureur a engagé des poursuites, mais avec une qualification moindre ou que vous estimez insuffisante :
Vous devez vous constituer partie civile devant la juridiction de jugement (Tribunal correctionnel, par exemple).
En tant que partie civile, vous pourrez demander au tribunal de retenir une qualification juridique des faits plus grave si vous estimez que les preuves le permettent. Vous pourrez aussi demander des dommages et intérêts pour le préjudice subi.
Votre avocat aura un rôle crucial pour développer ces arguments.
Si l'affaire est déjà entre les mains d'un juge d'instruction :
Le juge d'instruction mène l'enquête. Vous avez la possibilité de demander au juge des actes d'enquête supplémentaires (audition de témoins, expertises, confrontations...). Ces demandes doivent être écrites et motivées par votre avocat.
Le juge n'est pas obligé d'accéder à toutes les demandes, mais il doit y répondre.
Le problème des témoins qui travaillent sur le même lieu
C'est une difficulté majeure, notamment dans les contextes professionnels où les témoins peuvent craindre des représailles (pressions, licenciement, mise au placard) de la part de la personne mise en cause ou de la hiérarchie.
L'importance de leur audition officielle : Demandez que ces témoins soient auditionnés par les enquêteurs (police/gendarmerie) ou le juge d'instruction. Une déposition officielle a plus de poids qu'une simple attestation.
Les "attestations de témoin" (Article 202 du Code de Procédure Civile) : Si les témoins sont réticents à se rendre à la police, ils peuvent rédiger des attestations écrites, datées et signées, accompagnées d'une copie de leur pièce d'identité. Elles doivent préciser les faits dont ils ont personnellement eu connaissance. Celles-ci sont recevables mais ont moins de force qu'une audition par un officier de police judiciaire ou un magistrat.
Protection des témoins : Dans des cas très graves (mais c'est rare pour des délits "courants"), il peut exister des mesures de protection des témoins (anonymisation, etc.), mais elles sont exceptionnelles et soumises à des conditions strictes.
Rôle de l'avocat : Un avocat pourra discuter avec les témoins potentiels et leur expliquer leurs droits et l'importance de leur témoignage, tout en les rassurant sur la confidentialité de la procédure.
Conclusion
Votre démarche de "faire de l'observation supplémentaire avec des pièces supplémentaires" est bonne, mais elle doit s'inscrire dans une stratégie juridique claire. La première étape est de savoir quelle est la décision exacte du Procureur.
Le conseil le plus important est de prendre attache sans tarder avec un avocat spécialisé en droit pénal (si c'est une affaire pénale) ou en droit du travail (si c'est lié au travail et qu'il y a d'autres enjeux). Lui seul pourra analyser votre dossier, la décision du Procureur, et vous conseiller sur la meilleure voie de recours pour défendre vos droits.
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