Chère Madame,
Bonjour,
Votre question est très pertinente et soulève un point crucial de la procédure civile. Reprenons les rôles et les étapes pour y voir plus clair.
1. Le rôle du Juge de la Mise en État (JME)
Le Juge de la Mise en État (JME) est le chef d'orchestre de la procédure avant le jugement définitif. Son rôle est de préparer le dossier, d'organiser l'échange des arguments et des preuves, et de trancher les questions de procédure qui surgissent en cours d'instance. Les fins de non-recevoir (telles que le défaut de qualité, d'intérêt à agir, la prescription, etc.) sont précisément des "incidents" que le JME a la compétence de trancher par une ordonnance motivée, lorsque ces fins de non-recevoir sont "en état d'être jugées" (c'est-à-dire que le juge dispose de tous les éléments pour statuer sans nécessiter d'investigations supplémentaires).
2. L'expertise judiciaire et le délibéré sur incidents
Une expertise judiciaire est une mesure d'instruction. Elle est ordonnée lorsque le juge a besoin des lumières d'un technicien (un expert) pour éclairer un point technique du litige qui relève du fond du droit (par exemple, évaluer un préjudice, déterminer la cause technique d'un dommage, etc.).
Les fins de non-recevoir sont des questions de procédure ou de recevabilité de l'action. Elles ne portent pas sur le fond du litige. Par principe, une expertise n'est donc pas directement ordonnée pour trancher une fin de non-recevoir. La fin de non-recevoir est une question purement juridique, parfois factuelle, mais dont la preuve ne nécessite pas, en théorie, un avis technique d'expert.
Dès lors, répondre à vos questions :
L'expertise peut-elle être ordonnée dans le délibéré d'une audience pour incidents (fins de non-recevoir) ?
C'est très peu probable pour trancher la fin de non-recevoir elle-même. Si le JME considère qu'il ne peut pas statuer sur la fin de non-recevoir sans une expertise (ce qui serait rare et signifierait que la fin de non-recevoir est inextricablement liée au fond du dossier), il pourrait exceptionnellement décider de ne pas statuer sur l'incident et d'ordonner une expertise qui porterait sur le fond du dossier, ce qui repousserait de fait la décision sur la fin de non-recevoir à un jugement ultérieur.
Plus fréquemment : Le JME, après avoir rendu sa décision sur la fin de non-recevoir (soit il la rejette, soit il l'accueille et l'action est terminée), peut, si la fin de non-recevoir est rejetée, ordonner une mesure d'instruction (comme une expertise) pour préparer le jugement au fond. Dans ce cas, l'expertise est ordonnée après la décision sur l'incident (par exemple, dans la même ordonnance, mais portant sur la suite du dossier et non sur l'incident lui-même).
Le juge aurait-il déjà dû demander cette expertise avant la clôture de l'audience ?
Si le JME estimait qu'une expertise était nécessaire pour pouvoir statuer sur la recevabilité de l'action (la fin de non-recevoir), il aurait dû le mentionner avant la mise en délibéré des incidents, ou dans une décision distincte. En règle générale, une expertise est ordonnée par une ordonnance du JME ou par un jugement du fond.
Que signifie "délibéré prorogé" ?
Le message "délibéré prorogé" signifie que le juge, pour diverses raisons (complexité du dossier, charge de travail, besoin d'approfondir la réflexion), n'a pas rendu sa décision à la date initialement prévue.
Cela ne signifie pas qu'une expertise a été ordonnée. Cela signifie simplement que la décision sur les "fins de non-recevoir" (et éventuellement sur la suite de la procédure) est reportée à une date ultérieure.
Vous avez raison sur les délais : Si le JME, après avoir rejeté les fins de non-recevoir, décidait d'ordonner une expertise pour le fond du dossier, cela entraînerait effectivement de très longs délais. L'expertise dure généralement plusieurs mois (voire plus d'un an) pour le dépôt du rapport, puis les parties doivent déposer de nouvelles conclusions sur la base de ce rapport, avant une nouvelle audience de plaidoirie et un nouveau délibéré.
En conclusion :
Dans l'immédiat, l'inscription "délibéré prorogé" indique un retard dans la décision sur les fins de non-recevoir. Il est peu probable qu'une expertise soit ordonnée pour trancher les fins de non-recevoir elles-mêmes.
Il est plus probable que le JME prenne simplement plus de temps pour rendre sa décision sur ces incidents.
Si les fins de non-recevoir sont rejetées, le JME pourrait alors, dans la même décision, ordonner une expertise pour préparer le jugement sur le fond du dossier.
Comme votre avocat est en congé, le seul moyen d'avoir des informations plus précises est de contacter son cabinet (son secrétariat ou un(e) collaborateur/collaboratrice). Ils pourront peut-être joindre le greffe pour savoir si une nouvelle date de délibéré a été fixée ou si des mesures ont été envisagées.
La patience est souvent de mise dans les procédures judiciaires, surtout quand les délibérés sont prorogés.
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