Chère madame,
Votre situation est celle d'un chemin rural cadastré grevé d'une servitude de passage légale, ce qui est une configuration assez courante mais qui soulève de nombreuses questions pratiques en l'absence de convention.
Je vais détailler les points que vous soulevez.
1/ Entretien courant du chemin par les ayant-droits
Oui, vous avez bien compris. En l'absence de convention contraire, l'entretien courant du chemin rural grevé d'une servitude de passage est à la charge des utilisateurs du passage, c'est-à-dire des fonds dominants (les ayant-droits). Ce principe est une application des articles 697 et 698 du Code civil. L'entretien doit se faire de manière à ne pas aggraver la situation du fonds servant (le chemin).
2/ Responsabilités du propriétaire servant (le chemin)
Le propriétaire du chemin servant (le fonds servant) a des responsabilités spécifiques :
Responsabilité de déclencher et gérer l'entretien : En principe, non, le propriétaire servant n'est pas forcément responsable de déclencher et de gérer l'entretien courant et la réparation du chemin. L'obligation d'entretien incombe aux bénéficiaires du passage. Toutefois, il a un intérêt légitime à ce que le chemin soit bien entretenu et peut donc inciter les ayants-droit à le faire.
Ses responsabilités en cas d'accident ou de dommage :
Principe de non-aggravation : Le propriétaire du fonds servant ne doit rien faire qui aggrave la servitude (par exemple, rendre le passage plus difficile).
Responsabilité civile (en cas d'accident) : Sa responsabilité peut être engagée s'il existe un défaut d'entretien grave ou une dégradation du chemin qui lui est imputable, et qui causerait un accident ou un dommage. Par exemple, s'il effectue des travaux sur son terrain et laisse des obstacles dangereux sur le chemin, ou s'il sait que le chemin est dans un état de délabrement tel qu'il présente un danger manifeste (un trou énorme, un effondrement) et ne fait rien pour le signaler ou inciter à sa réparation, sa responsabilité civile (sur le fondement de l'article 1242 du Code civil pour la responsabilité du fait des choses) pourrait être recherchée.
Absence de faute : Si le dommage est dû à l'usure normale ou au défaut d'entretien des ayants-droit, sa responsabilité est généralement écartée.
3/ Obligations et responsabilités des ayant-droits au passage en l'absence de servitude contractuelle
En l'absence de convention, les ayant-droits au passage ont les obligations suivantes (articles 697 et 698 du Code civil) :
Entretien courant : Ils doivent réaliser les travaux nécessaires pour maintenir le chemin en état de permettre l'exercice de la servitude. Cela inclut le rebouchage des nids de poule, le nivellement, le dégagement d'obstacles, etc.
Réparations nécessaires : Si le chemin nécessite des réparations plus importantes pour son usage normal, c'est également à leur charge.
Coût : Les frais sont répartis entre eux proportionnellement à l'usage qu'ils en font (voir point 4).
Non-aggravation : Ils ne doivent pas faire ce qui pourrait aggraver la situation du fonds servant (par exemple, laisser des ornières profondes, encombrer le chemin).
Responsabilité en cas d'accident : Leur responsabilité pourrait être engagée s'un accident survient sur le chemin en raison de leur défaut d'entretien ou d'un acte de leur part qui a rendu le passage dangereux.
4/ Décision d'entretien, gestion et participation
Décision d'entretien et fixation de la participation par le propriétaire servant : En principe, non. Le propriétaire du fonds servant (le chemin) ne peut pas unilateralement décider de l'entretien et fixer lui-même la participation de chacun, car l'obligation d'entretien incombe aux ayants-droit. Cependant, dans la pratique, il a un intérêt à ce que le chemin soit maintenu en état.
Le mieux est une concertation amiable entre tous les utilisateurs et le propriétaire du chemin pour définir les travaux à réaliser et leur répartition.
Si un accord amiable n'est pas possible, il faudra saisir le tribunal judiciaire pour trancher le litige concernant la nature des travaux nécessaires et la répartition des coûts.
Usages pour établir la participation :
La participation est fixée proportionnellement à l'usage que chaque ayant-droit fait de la servitude.
Usage différencié : Si certains empruntent seulement 100 m et d'autres l'intégralité du chemin, il est légitime que ceux qui utilisent la totalité participent davantage aux frais d'entretien de la section la plus longue. On peut donc envisager une répartition au prorata de la longueur utilisée par chacun, ou selon l'intensité d'usage (ex: ferme avec plus de passages de véhicules lourds).
Usage égal : Pour les portions de chemin utilisées par tous, la participation peut être égale entre tous les utilisateurs de cette portion.
Exemple de répartition : Une base fixe pour tous + une part variable selon la distance parcourue et/ou l'intensité d'utilisation.
5/ Demande d'indemnité pour le passage
En principe, non, le propriétaire d'un chemin grevé d'une servitude légale de passage ne peut pas demander une indemnité pour le passage lui-même, dans la mesure où cette servitude est légale (fondée sur l'enclave du fonds dominant).
L'article 682 du Code civil prévoit que le propriétaire dont les fonds sont enclavés a le droit de réclamer un passage sur les fonds de son voisin moyennant une indemnité au profit du propriétaire du fonds servant.
Cependant, cette indemnité est généralement payée une seule fois au moment de la création de la servitude, en compensation du préjudice causé par l'enclave et la perte de jouissance ou l'atteinte à la propriété.
Une fois la servitude établie (et si l'indemnité a été payée, ou si elle a été convenue comme nulle), le propriétaire du fonds servant ne peut pas demander de nouvelles indemnités pour le simple fait du passage, sauf si l'usage de la servitude a été modifié et est devenu plus lourd que prévu initialement (par exemple, passage beaucoup plus fréquent, par des véhicules plus lourds, etc., ce qui justifierait une augmentation de l'indemnité ou une modification des modalités d'entretien).
6/ Entretien des haies bordant le chemin
La question de l'entretien des haies est distincte de celle du chemin lui-même, car les haies appartiennent généralement aux propriétaires des fonds qu'elles bordent.
Propriétaires des haies : L'entretien (taille, débroussaillage) des haies est à la charge du propriétaire de la haie, et non des ayants-droit au passage, sauf convention contraire. Les haies n'appartiennent pas au chemin en tant que tel.
Dépassement sur le chemin : Si les haies empiètent sur le chemin et gênent le passage ou la visibilité, le propriétaire de la haie a l'obligation de les tailler. Si le propriétaire de la haie ne le fait pas, le propriétaire du chemin peut le mettre en demeure. Les ayants-droit au passage ont également intérêt à ce que ces haies ne gênent pas leur droit de passage et peuvent exiger leur entretien.
Sécurité : Si le non-entretien des haies par leurs propriétaires crée un danger (visibilité réduite, branches tombantes), la responsabilité de ces propriétaires pourrait être engagée en cas d'accident.
7/ Largeur minimum du chemin
Oui, la réglementation impose des règles pour la desserte des fonds enclavés, notamment pour la largeur du chemin.
L'article 682 du Code civil dispose que le passage doit être suffisant pour assurer la desserte complète du fonds enclavé, en tenant compte de l'usage auquel ce fonds est destiné (par exemple, si c'est une ferme, il faut que les engins agricoles puissent passer).
La jurisprudence considère généralement qu'une largeur minimale de 3,50 mètres est requise pour le passage de véhicules, mais cela peut varier en fonction des besoins spécifiques. Pour un accès à une exploitation agricole, une largeur supérieure (par exemple 4 ou 5 mètres) pourrait être nécessaire pour les machines agricoles.
Si le chemin n'est pas suffisamment large pour la desserte nécessaire, les ayants-droit pourraient demander en justice une augmentation de la largeur, moyennant une indemnité supplémentaire pour le propriétaire du fonds servant.
En résumé, la clé pour gérer une servitude de passage sans convention est souvent la concertation amiable. Si cela s'avère impossible, le recours au tribunal judiciaire sera nécessaire pour trancher les litiges sur l'entretien, la répartition des charges, ou les conditions d'exercice de la servitude.
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il y a 1 jour
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