Bonjour Maître,
Merci pour votre réponse détaillée.
J’ai une question complémentaire concernant l’article 226‑10 du Code pénal, et plus particulièrement l’alinéa qui dispose que :
« La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d’acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n’a pas été commis ou que celui-ci n’est pas imputable à la personne dénoncée. »
Dans mon cas, le jugement pénal n’a pas été révisé et aucune décision définitive de relaxe ou de non-lieu n’a été rendue.
➤ Est-ce que cet alinéa pose un problème pour ma plainte pour dénonciation calomnieuse, en l’absence de révision ?
➤ Ou bien est-il tout de même possible de fonder la plainte sur la démonstration que l’auteur des accusations savait qu’elles étaient fausses au moment de les porter, comme l’a jugé la Cour de cassation ?
Je souhaite être certain que l’absence de décision de relaxe ou de non-lieu n’empêche pas d’agir dès maintenant sur le volet de la dénonciation calomnieuse, notamment pour préserver mes droits avant la prescription.
Merci pour votre éclairage.
il y a 1 jour
Bonjour,
Je comprends parfaitement votre situation et votre détermination à rétablir la vérité. C'est une démarche complexe, surtout après un jugement définitif. Vos questions sur la dénonciation calomnieuse sont très pertinentes et touchent au cœur du problème.
Dénonciation calomnieuse et l'absence de révision du jugement pénal
C'est la difficulté majeure de votre situation. L'article 226-10 du Code pénal, que vous citez, est très clair : il prévoit que la fausseté du fait dénoncé est "nécessairement" établie par une décision d'acquittement, de relaxe, ou de non-lieu devenue définitive.
Problème posé par l'alinéa de l'article 226-10 du Code pénal
Oui, cet alinéa pose un problème certain pour votre plainte pour dénonciation calomnieuse tant que votre condamnation pour violences conjugales n'a pas été annulée ou infirmée.
En l'état actuel des choses, votre jugement de condamnation est devenu définitif. Cela signifie que, pour la justice, les faits de violences conjugales ont été établis et vous ont été imputés. Démontrer la fausseté de ces faits est donc contredit par une décision de justice existante.
Le principe : La jurisprudence est constante sur ce point. Si la personne dénoncée a été condamnée (et que cette condamnation est définitive), il est extrêmement difficile, voire impossible, de prouver l'élément matériel de la dénonciation calomnieuse, c'est-à-dire la fausseté du fait dénoncé, tant que cette condamnation n'a pas été renversée. Le jugement vous condamnant fait foi des faits.
La possibilité de fonder la plainte sur la "mauvaise foi" de l'auteur des accusations (arrêt de la Cour de cassation)
Vous avez parfaitement identifié le point essentiel de la jurisprudence de la Cour de cassation.
L'exception : La Cour de cassation a en effet jugé que l'élément intentionnel de la dénonciation calomnieuse (le fait de savoir que le fait dénoncé était faux) peut être établi indépendamment d'une décision définitive d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu. Cette exception concerne principalement les cas où la dénonciation visait une personne non identifiée ou lorsque la procédure pénale n'a pas abouti à une décision sur le fond des faits (par exemple, une nullité de procédure qui arrête tout, sans juger de la véracité des accusations).
Dans votre cas précis : Le problème est que vous avez été condamné sur le fond. La Cour de cassation n'a pas étendu cette exception aux situations où une condamnation définitive sur les faits existe. Autrement dit, si un juge a déjà statué que les faits étaient vrais et vous imputables, il devient extrêmement ardu de prouver que la dénonciatrice savait qu'ils étaient faux au moment de sa dénonciation, puisque la justice a ensuite validé sa dénonciation par une condamnation.
Conséquences pour votre plainte pour dénonciation calomnieuse
L'absence de décision définitive de relaxe ou de non-lieu issue d'une révision de votre propre jugement pénal est un obstacle majeur et presque dirimant pour votre plainte pour dénonciation calomnieuse.
Impossible d'agir "dès maintenant" efficacement sur la dénonciation calomnieuse : Tant que votre condamnation pour violences conjugales demeure, le procureur ou le juge d'instruction saisi d'une plainte pour dénonciation calomnieuse se heurtera à cette décision définitive. La plainte a de très fortes chances d'être classée sans suite ou de ne pas prospérer.
Priorité à la révision pénale : Pour pouvoir engager une action solide pour dénonciation calomnieuse, il est impératif que la révision de votre jugement pénal aboutisse favorablement (acquittement, relaxe, ou non-lieu). C'est seulement après cette décision favorable et définitive que l'élément matériel de la dénonciation calomnieuse (la fausseté des faits) sera "nécessairement" établi.
Comment préserver vos droits et agir maintenant ?
Compte tenu de cette difficulté légale, voici la stratégie à adopter :
Concentrez-vous sur la procédure de révision pénale :
C'est la première étape indispensable. La demande de révision est une procédure exceptionnelle et très difficile à obtenir. Elle est réservée aux cas où des faits nouveaux ou des preuves inconnues du tribunal de première instance sont de nature à établir votre innocence ou à jeter un doute sur votre culpabilité.
Vous devez être représenté par un avocat (spécialisé en droit pénal et procédure de révision) pour cette démarche. C'est lui qui évaluera si vos "éléments nouveaux" sont suffisamment probants pour justifier une demande de révision auprès de la Cour de révision et de réexamen (auprès de la Cour de cassation).
Dépôt d'une plainte pour dénonciation calomnieuse :
Vous pouvez toujours déposer une plainte dès maintenant, mais sachez qu'elle risque fortement d'être classée sans suite ou de ne pas être traitée sur le fond tant que votre condamnation n'est pas révisée.
Cependant, le dépôt de plainte peut avoir un intérêt :
Fixer une date certaine : Cela peut servir à dater votre intention d'agir contre la dénonciation calomnieuse, ce qui est important pour les délais de prescription.
Créer une trace : Même si elle est classée, elle constitue un élément au dossier.
Conseil : Discutez-en avec l'avocat qui gèrera votre demande de révision. Il pourra vous dire s'il est opportun de la déposer maintenant ou s'il est préférable d'attendre l'issue de la procédure de révision.
Action sur le volet JAF (civil) :
La révision de l'ordonnance de protection et des mesures de garde est possible dès maintenant. Les décisions du JAF sont révisables en cas de faits nouveaux ou de changement de circonstances. Vos nouvelles preuves et la révélation de la fausseté des accusations sont des faits nouveaux majeurs.
Vous pouvez saisir le JAF pour demander la mainlevée de l'ordonnance de protection et la modification des mesures de garde en votre faveur. Vous devrez prouver au JAF que les accusations initiales étaient mensongères et qu'elles ont été utilisées frauduleusement pour l'obtenir.
Il est tout à fait possible de mener cette action en parallèle de votre demande de révision pénale, car les règles de preuve et l'autorité de la chose jugée sont différentes entre le pénal et le civil dans ce contexte.
Preuves recevables pour démontrer la mauvaise foi
Pour démontrer la mauvaise foi (le fait que votre ex-conjointe savait que ses accusations étaient fausses au moment de les porter), les preuves recevables sont diverses :
Témoignages : De proches, d'amis, de professionnels (médecins, travailleurs sociaux) qui peuvent attester de la fausseté des faits, ou de l'intention de nuire, ou de la non-véracité des faits allégués (par exemple, si vous étiez absent au moment des faits dénoncés).
Documents écrits : SMS, e-mails, courriers où elle reconnaîtrait implicitement ou explicitement la fausseté, ou où ses motivations réelles apparaissent (ex : "je ferai tout pour te retirer l'enfant", "je te ferai payer").
Enregistrements sonores ou vidéos : Si obtenus légalement (c'est-à-dire si vous étiez partie à la conversation, sans montage ni altération).
Certificats médicaux ou rapports d'expertise : Qui contrediraient les blessures ou les faits décrits.
Preuves de l'absence de votre part : Billets de train/avion, justificatifs de travail, témoignages montrant que vous n'étiez pas sur les lieux au moment des faits allégués.
Contradictions dans ses propres déclarations : Si ses versions des faits ont varié de manière significative au fil du temps.
Récapitulatif :
Priorité absolue : La demande de révision de votre jugement pénal. C'est la condition sine qua non pour une action solide en dénonciation calomnieuse.
Action JAF : Peut être menée en parallèle. Vous pouvez demander la révision de l'ordonnance de protection et de la garde sur la base de vos nouvelles preuves.
Plainte pour dénonciation calomnieuse : Bien que difficile sans révision pénale préalable, un avocat pourra évaluer l'opportunité de la déposer pour dater votre intention, mais elle risque d'être mise en attente.
Le maître mot est : Avocat. Ne tentez aucune de ces démarches complexes sans l'assistance d'un avocat spécialisé. Il est votre meilleur atout pour naviguer dans ce dédale juridique et préserver vos droits.
Merci d’indiquer que j’ai répondu à votre question en cliquant sur le bouton vert de ma réponse,
il y a 1 jour
Cliquez ici pour ajouter un commentaire