Chère madame,
Votre analyse est très détaillée et pertinente, mais elle repose sur quelques malentendus concernant les pouvoirs du Juge des Enfants (JE). Votre impression que le JE serait impuissant est fausse, et la loi lui donne justement les moyens d'agir pour la mise en sécurité de l'enfant.
Clarification des rôles et des pouvoirs du Juge des Enfants (JE)
Le Juge des Enfants intervient sur la base de la protection de l'enfance, lorsque la santé, la sécurité, la moralité de l'enfant sont en danger, ou que ses conditions d'éducation sont gravement compromises. Son autorité est distincte de celle du Juge aux Affaires Familiales (JAF), et sa mission de protection prime sur toute autre considération, y compris les décisions du JAF.
Voici mon analyse, point par point, pour répondre à vos doutes :
Le JE peut-il modifier le DVH ?
Oui, absolument. S'il estime que l'enfant est en danger, le JE peut prendre des mesures de protection, et notamment suspendre ou restreindre le droit de visite et d'hébergement de la mère. Cette décision du JE est une mesure de protection, temporaire et indépendante du jugement du JAF. Il peut donc tout à fait décider que les visites doivent se faire dans un lieu neutre, ou être suspendues en attendant l'audience. Le Juge des Enfants n'est pas lié par la jurisprudence du JAF en matière de DVH si la sécurité de l'enfant est en cause.
Le JE peut-il confier l'enfant au père ?
Oui, le JE peut confier l'enfant au père. Mais dans votre cas, c'est inutile, puisque le père a déjà la résidence. Le JE n'aura pas à prononcer un placement ou une mesure de ce type.
Le JE peut-il ordonner une AEMO chez la mère ?
Oui, c'est un autre malentendu. Une Mesure d'Aide Éducative en Milieu Ouvert (AEMO) est ordonnée pour l'enfant et non pour le parent. Le service d'AEMO a pour mission de s'assurer du bon développement de l'enfant et de ses conditions de vie, y compris chez le parent qui a un droit de visite. L'éducateur suivra l'enfant chez son père et s'assurera également du bon déroulement du DVH chez la mère.
Le processus et les pouvoirs du JE après la MJIE
L'audience devant le JE : Le rapport de la MJIE sera décisif. Si ce rapport confirme les doutes du CRIP, le Juge des Enfants n'hésitera pas à prendre des mesures.
Mise en sécurité de l'enfant : L'action la plus probable est que le JE restreigne ou suspende immédiatement le DVH élargi de la mère. Cela peut se faire par ordonnance, sans attendre l'audience, si le danger est avéré.
Transmission au JAF ? Le Juge des Enfants peut, en effet, transmettre des informations au JAF, mais ce n'est pas la voie principale. La décision du JE (suspension du DVH par exemple) deviendra un fait nouveau et très sérieux.
L'appel en cours : L'appel de la mère ne bloque pas l'action du JE. Les décisions du JE sont exécutoires immédiatement. Votre fils pourra donc utiliser la décision du JE comme une preuve irréfutable à l'appui de son dossier devant la Cour d'appel, afin de demander un DVH plus encadré, voire sa suppression.
Votre intuition est donc erronée. Le Juge des Enfants a de très larges pouvoirs pour mettre l'enfant en sécurité, et son intervention sera une aide précieuse pour votre fils dans son dossier en appel.
Merci d’indiquer que j’ai répondu à votre question en cliquant sur le bouton vert de ma réponse.
il y a 2 jours
Le juge des enfants peut intervenir si la MJIE confirme un danger pour l’enfant. Il dispose de plusieurs leviers, notamment saisir le procureur pour des mesures de protection immédiates ou transmettre ses conclusions au JAF pour réévaluation du droit de visite et d’hébergement. Même en présence d’un appel en cours, les mesures urgentes de protection de l’enfant peuvent primer et justifier une modification provisoire du DVH par décision judiciaire.
il y a 2 jours
Merci beaucoup! Votre réponse me rassure beaucoup mais cette jurisprudence Civ. 1re, 20 oct. 2021, n° 19-26.152
semble dire que même en cas de fait nouveau, le JE n' a pas la possibilité de restreindre le DVH octroyé par le JAF.... Ai je mal compris
il y a 2 jours
Merci d'avoir soulevé cette jurisprudence, qui est très récente et a suscité beaucoup de discussions chez les professionnels du droit. Votre question est très pertinente car cet arrêt clarifie et, dans une certaine mesure, modifie les pouvoirs du Juge des Enfants (JE).
Vous avez parfaitement compris l'esprit de cet arrêt, mais il y a une nuance cruciale qui, dans votre situation, donne toujours des pouvoirs au Juge des Enfants.
Cet arrêt du 20 octobre 2021 a effectivement marqué un revirement de jurisprudence. La Cour de cassation a jugé que, lorsque le Juge aux Affaires Familiales (JAF) a déjà fixé un droit de visite et d'hébergement (DVH), le Juge des Enfants ne peut pas modifier ce DVH...
... sauf si une mesure de placement est prononcée.
La Cour de cassation a voulu éviter que le JE et le JAF soient en "concurrence de compétences" et que l'un puisse contredire l'autre. Le principe est que le JAF est compétent pour fixer les modalités de l'autorité parentale, et le JE pour protéger l'enfant en cas de danger.
Pourquoi le Juge des Enfants a-t-il quand même des pouvoirs dans votre cas ?
Votre situation est différente de celle de l'arrêt, car votre fils a déjà obtenu la résidence de sa fille par le JAF. La Cour de cassation a justement précisé dans cet arrêt que le JE ne peut pas prononcer un "placement chez le parent qui a déjà la résidence habituelle".
Votre impression est donc juste sur un point : le JE ne peut pas modifier un DVH existant s'il ne prononce pas une mesure de placement.
Cependant, cela ne signifie pas que le JE est impuissant. Si la Mesure d'Investigation et d'Orientation Éducative (MJIE) révèle que l'enfant est en danger chez la mère, le Juge des Enfants pourra prendre des mesures de protection immédiates qui auront un impact direct sur le DVH, sans pour autant le modifier formellement :
Il peut suspendre temporairement le DVH : Le JE peut, par une ordonnance d'urgence, ordonner la suspension des visites et de l'hébergement de la mère si le rapport de la MJIE fait état d'un danger imminent. C'est une mesure de protection, pas une modification de l'autorité parentale.
Il peut le faire encadrer : Le JE peut ordonner que le droit de visite de la mère s'exerce uniquement dans un lieu neutre ou en présence d'un tiers, ce qui de fait, supprime le "DVH élargi".
La décision du JE n'aura pas pour but de modifier le jugement du JAF, mais d'assurer la protection de l'enfant en attendant que la Cour d'appel statue.
Conclusion
Cet arrêt a effectivement restreint les pouvoirs du JE, mais il n'a pas supprimé sa capacité à prendre des mesures de protection immédiates en cas de danger.
Si le rapport de la MJIE confirme les doutes de la CRIP, la décision du Juge des Enfants de suspendre ou d'encadrer le DVH de la mère deviendra un fait nouveau et essentiel pour le dossier de votre fils. Il pourra alors s'en servir devant la Cour d'appel pour demander que le DVH de la mère soit définitivement revu.
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La jurisprudence que vous mentionnez (Civ. 1re, 20 oct. 2021, n°19-26.152) rappelle que le juge des enfants n’a pas compétence pour modifier directement une décision du JAF relative au droit de visite et d’hébergement (DVH), même en cas de fait nouveau.
Cependant, deux points importants restent valables :
* **Le JE peut prendre des mesures de protection immédiates** (articles 375 et suivants du Code civil) s’il estime l’enfant en danger, comme un placement provisoire ou une suspension temporaire du DVH en urgence, sous contrôle du parquet.
* **Il peut saisir le JAF ou alerter le procureur**, afin qu’une nouvelle décision soit rendue pour adapter le DVH à la situation actuelle.
En résumé, le JE ne modifie pas le DVH lui-même mais peut contourner son application provisoirement pour protéger l’enfant et accélérer une nouvelle décision du JAF.
il y a 2 jours
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