Une évolution décisive de la conception du procès civil
La logique d'affrontement stérile est révolue. Pour faire simple, à partir du 1er septembre 2025, les parties devront rapporter la preuve effective de leur recherche d'un terrain d'entente, à travers une solution amiable, qui devient le point de départ présumé de toute procédure, qui repose dorénavant sur une logique contractuelle, par l'instauration d'une mise en état conventionnelle.
Qu'est-ce que cela change concrètement, me direz-vous ? L'essence, même du procès : fin de la logique d'affrontement dans un réflexe contentieux, car le juge n'interviendra que si les parties ne coopèrent pas. Illusoire, me rétorquerez-vous, car les parties seront systématiquement opposées à toute coopération.
Non car des modifications procédurales donnent la possibilité au juge de sanctionner un refus de l'amiable et offrent de nouveaux outils aux avocats qui ont les moyens d'oeuvrer, comme des architectes du procès, notamment par une co- construction contractuelle du calendrier procédural.
En outre, le refus de l'amiable devient une stratégie qui peut coûter cher. Le temps n'est plus à l'impunité procédurale des comportements dilatoires ou fermés.
L'injonction à rencontrer un médiateur ou un conciliateur se généralise et une amende civile peut être encourue jusqu'à 10 000 € en cas de refus de l'exécuter. Ce comportement peut également être pris en compte par le juge, lorsqu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile : le juge pourra condamner la partie déloyale aux frais de procédure de son adversaire. Création prétorienne de certains juges jusqu'à présent, la réforme institutionnalise dorénavant cette possibilité. Autrement dit, prendre le risque de laisser pourrir le procès pour épuiser son adversaire, devient une stratégie préjudiciable à l'intérêt du justiciable tenté par la mise en oeuvre de telles pratiques.
Et ce décret transforme la procédure civile en profondeur.
Ce qui disparaît avec son entrée en vigueur le 1er septembre prochain: une mise en état exclusivement dirigée par le juge, un calendrier judiciaire imposé, une temporalité subie et une logique pure et simple d'opposition dans l'affrontement.
Ce décret innove en profondeur par la création : d'une mise en état co-construite par les avocats des parties qui se concrétise par la mise en oeuvre d'un calendrier contractuel, qui permet le passage d'une temporalité anticipée et choisie et par la promotion d'une incitation forte à la coopération.
De nouveaux outils procéduraux au service des avocats
1/ La généralisation de l'audience de règlement amiable ou le choix du dialogue dans la confidentialité:
Avec l'audience de règlement amiable, le cadre juridictionnel devient un espace de médiation potentielle. il est expressément spécifié que les affaires instruites conventionnellement font l'objet d'un audiencement prioritaire. À l'exception du conseil de prud'hommes, l'audience de règlement amiable offre un renouveau de l'office conciliatoire du juge par l'instauration d'un magistrat extérieur au procès, dont la compétence en matière de technique juridique et le savoir-faire peut permettre l'ouverture de discussions, de rapprochement, de clarification de la règle de droit, mise en perspective des enjeux financiers du procès et favoriser l'aboutissement d'une solution négociée entre les parties.
En cas d'échec total ou partiel, cette parenthèse dans la procédure est sans impact sur le fond du procès qui reprend son cours.
2/ la valorisation des accords partiels:
Les nouvelles dispositions procédurales sonnent le glas du tout ou rien.
Le principe directeur est celui de la résolution du conflit par étape, non d'un accord global: un accord partiel est possible sur certains points litigieux. Il sera acté dans la procédure.
Ces nouveaux mécanismes de gestion du litige allégeront l'intervention du juge qui n'interviendra plus que pour trancher le(s) point(s) résiduels de désaccord entre les parties. Ainsi, l'accord partiel acquiert une utilité effective et contribuera à clarifier progressivement les enjeux du procès.
3/ L'avocat, architecte de la procédure:
C'est aux avocats qu'il appartient de discuter d'un calendrier contractuel procédural afin d'engager une mise en état conventionnelle qui responsabilisera les parties au procès et évitera la rigidité d'un calendrier judiciaire et des délais de procédure à rallonge.
Une large place est faite également à l'expertise amiable qui constituera un gain de temps, d'argent et d'efficacité pour le justiciable qui pourra l'invoquer utilement.
La recomposition des équilibres professionnels avec un changement de posture de l'avocat, dans un nouveau rôle structurant, et d'un juge qui facilite la coopération des parties au lieu d'imposer, est l'enjeu de ce décret qui consacre une justice "multiportes" qui s'inscrit dans la politique nationale de l'amiable, et aboutit à une recodification salutaire des modes de résolution amiables des différends.