1. Conserver les preuves et phase amiable
Avant d'envisager toute action, il est indispensable de conserver une preuve des propos. Les captures d'écran ne suffisent pas toujours devant un tribunal. Pour cela, il est fortement recommandé de faire établir un constat d'huissier qui viendra figer le contenu en ligne tel qu'il est publié : captures d'écran datées, lien URL, mentions visibles, commentaires, etc. Cette démarche est d'autant plus cruciale que les délais pour agir sont parfois très courts : par exemple, 3 mois pour porter plainte pour injure ou diffamation. Le constat d'huissier garantit que le contenu est juridiquement recevable comme preuve en justice.
Une fois les preuves établies, il est possible de tenter une résolution amiable, soit en alertant la plateforme (Facebook, X, Google), soit en contactant directement l'auteur s'il est identifié. Depuis l'entrée en vigueur du Digital Services Act (DSA), les hébergeurs comme Facebook ou Google doivent mettre en place un dispositif clair et accessible de signalement des contenus illicites. Ils sont désormais tenues de traiter ces signalements rapidement et de motiver leurs décisions. Ce nouveau cadre européen reprend en grande partie ce que prévoyait déjà la loi française LCEN, tout en le renforçant et en l'harmonisant au niveau de l'Union européenne.
2. Phase judiciaire : agir en justice, même contre un auteur anonyme
Lorsqu'on fait face à des propos illicites publiés anonymement, il n'est pas toujours possible d'agir directement contre l'auteur. Pourtant, des moyens juridiques existent pour tenter d'identifier la personne responsable.
La première voie consiste à saisir le président du tribunal judiciaire par une procédure accélérée au fond. Cette procédure contradictoire permet de demander au juge d'ordonner à une plateforme (comme Facebook, X ou Google) la suppression du contenu ou la levée de l'anonymat de l'auteur. Toutefois cette demande n'est recevable que si les faits peuvent être qualifiés pénalement (injure, diffamation, harcèlement, menaces).
En parallèle, il est aussi possible de déposer une requête non contradictoire, fondée sur l'article 145 du code de procédure civile, pour obtenir l'autorisation du juge de solliciter directement les données d'identification auprès de l'hébergeur ou du fournisseur d'accès. Ce recours est strictement encadré : le juge ne l'autorise que si la demande est précise, sérieusement fondée et proportionnée, et si elle s'inscrit dans la perspective d'un litige réel, non hypothétique.
3. Si l'auteur est identifié : civil, pénal, données personnelles
Une fois l'auteur connu, vous avez le choix :
- Au civil, vous pouvez engager une action pour obtenir le retrait des propos et des dommages-intérêts en fonction du préjudice subi.
- Au pénal, une plainte avec constitution de partie civile ou une citation directe permet de faire reconnaître l'infraction et d'obtenir également des réparations.
Via le droit des données personnelles, vous pouvez invoquer votre droit d'opposition ou demander le déréférencement d'un lien nuisible auprès de Google. Si ces démarches échouent, un recours est possible devant la CNIL.
4. Le Digital Services Act : un levier supplémentaire contre les plateformes
Entré en vigueur progressivement entre 2023 et 2024, le Digital Services Act (DSA) est un règlement européen qui impose de nouvelles obligations aux fournisseurs de services en ligne (hébergeurs, plateformes, moteurs de recherche). Il oblige les très grandes plateformes à mettre en place des dispositifs de signalement efficaces, des procédures de recours pour les utilisateurs, une transparence accrue sur la modération et une coopération renforcée avec les autorités. Les utilisateurs peuvent désormais exiger plus facilement la suppression de contenus manifestement illicites, même sans action judiciaire. Le DSA ne crée pas un nouveau régime de responsabilité, mais il renforce l'obligation d'agir pour les plateformes. En pratique, cela donne plus de poids aux démarches amiables avant contentieux.
En résumé
- Conservez systématiquement une preuve juridique via un huissier
- Signalez le contenu à l'hébergeur ou à la plateforme (notification)
- Si l'auteur est inconnu, envisagez une procédure de levée d'anonymat
- Si l'auteur est connu, agissez au civil ou au pénal
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