Bonjour,
Votre situation est très claire et soulève plusieurs points juridiques importants, notamment la question du refus de soins discriminatoire et l'accès à l'information (le devis) pour un bénéficiaire de la Complémentaire Santé Solidaire (CSS). Les réponses de la CPAM et du Conseil de l'Ordre semblent ignorer le fond de votre problème, à savoir le refus d'établir un devis lié à votre statut de bénéficiaire CSS, et non la prise en charge des soins eux-mêmes.
Il est tout à fait possible d'agir. Voici les fondements juridiques et les démarches à suivre.
1. Les motifs juridiques possibles à invoquer
Contre l'Orthodontiste
Le refus de vous fournir un devis en raison de votre statut de bénéficiaire de la CSS, combiné aux propos tenus ("occuper un créneau qu'il n'était plus possible de donner à un patient qui paye sans CSS" et le "chantage" sur le dossier), constitue un refus de soins discriminatoire.
Fondement principal : Le refus de soins discriminatoire (Article L. 1110-3 du Code de la santé publique et Article 225-1 du Code pénal)
L'article L. 1110-3 du Code de la santé publique dispose que "Nul ne peut faire l'objet de discriminations dans l'accès à la prévention ou aux soins."
L'article 225-1 du Code pénal liste les critères de discrimination. Le fait d'être bénéficiaire de la CSS est assimilé à une situation de précarité sociale ou à une situation économique, et le refus de soins fondé sur ce motif est une discrimination punie par la loi.
Votre situation : L'orthodontiste a refusé de vous fournir un devis (qui est une étape nécessaire à l'accès aux soins, ou du moins à l'information sur leur coût) en raison de votre statut CSS, ce qui est une discrimination directe. Le fait que les soins ne soient pas remboursés pour les adultes par la CSS est hors sujet ici : le refus porte sur l'établissement du devis lui-même. Un devis est une information sur les prix et le plan de traitement, et doit être fourni quelle que soit la situation du patient, surtout si c'est pour des soins non remboursés.
Le chantage : "si je n'honorais pas le rendez-vous en réglant la consultation, mon dossier ne serait pas accepté ultérieurement" est également une pression inacceptable et une forme de vente forcée/conditionnement du service (le devis) à un paiement préalable injustifié, surtout pour un devis de soins non remboursés.
Non-respect des obligations conventionnelles et déontologiques :
Les professionnels de santé conventionnés ont des obligations vis-à-vis de l'Assurance Maladie, y compris l'interdiction de toute discrimination dans l'accès aux soins.
Le Code de déontologie des chirurgiens-dentistes (Article R. 4127-219 du Code de la santé publique) précise que "Le chirurgien-dentiste doit soigner avec la même conscience tous les malades quelle que soit leur condition, leur nationalité, leurs opinions politiques ou religieuses, leur notoriété et les sentiments qu'il peut éprouver à leur égard." Le refus d'établissement d'un devis basé sur le statut CSS peut être assimilé à une violation de ce principe.
Contre la CPAM et le Conseil de l'Ordre des Chirurgiens-Dentistes
Les réponses que vous avez reçues de la CPAM et du Conseil de l'Ordre sont problématiques car elles ignorent la discrimination dont vous avez été victime.
Contre la CPAM (médiatrice) :
Le fait que la médiatrice déclare "qu'il n'y a pas de situations récurrentes" ne la dispense pas d'examiner votre cas individuel et de constater un manquement.
Vous pourriez leur reprocher un manquement à leur mission de service public et de protection des droits des assurés, en n'ayant pas pris en compte votre signalement de discrimination.
Contre le Conseil de l'Ordre des Chirurgiens-Dentistes :
Le Conseil de l'Ordre a une mission de garant de la déontologie et de contrôle de la conformité des pratiques aux règles professionnelles.
Leur réponse est erronée sur la prise en charge de l'orthodontie chez l'adulte (vous avez obtenu une aide) et surtout, elle ne répond pas au fond de votre plainte : le refus de devis discriminatoire lié à la CSS.
Vous pourriez leur reprocher un manquement à leur mission disciplinaire et déontologique, en n'ayant pas instruit correctement votre signalement de refus de soins discriminatoire.
2. Les procédures à suivre et le tribunal compétent
Le tribunal compétent dépend de l'action que vous souhaitez mener :
A. Action Pénale (contre l'Orthodontiste) :
Objet : Poursuite pour discrimination (Article 225-1 et suivants du Code pénal).
Procédure :
Dépôt de plainte : Vous pouvez déposer une plainte auprès du commissariat de police ou de la gendarmerie la plus proche, ou directement auprès du Procureur de la République du Tribunal judiciaire du lieu de l'infraction (le cabinet de l'orthodontiste). Joignez toutes vos preuves.
Constitution de partie civile : Si le Procureur décide de ne pas poursuivre ou si vous souhaitez accélérer le processus, vous pouvez vous constituer partie civile devant le doyen des juges d'instruction. C'est une procédure plus lourde qui nécessite l'assistance d'un avocat.
B. Action Civile (contre l'Orthodontiste) :
Objet : Demander des dommages et intérêts pour le préjudice subi (moral, lié aux délais de soins) en raison du refus de soins discriminatoire.
Tribunal compétent : Le Tribunal judiciaire du lieu du domicile de l'orthodontiste ou du lieu où s'est produit le refus.
Procédure :
Mise en demeure préalable : Envoyez une lettre recommandée avec accusé de réception à l'orthodontiste, lui rappelant les faits, le caractère illégal de son refus et la demande de devis non honorée.
Saisine du Tribunal judiciaire : La procédure se fait par assignation, généralement via un avocat.
C. Action Ordinale/Déontologique (contre l'Orthodontiste et pour contester le Conseil de l'Ordre) :
Objet : Contester la décision du Conseil de l'Ordre qui n'a pas retenu le refus de soins, et demander qu'une procédure disciplinaire soit engagée contre l'orthodontiste.
Tribunal compétent : Le Conseil National de l'Ordre des Chirurgiens-Dentistes (pour faire appel de la décision du Conseil départemental). Au-delà, un recours pour excès de pouvoir devant le Tribunal administratif peut être envisagé contre une décision d'une instance ordinale, mais c'est plus complexe.
Procédure :
Appel de la décision du Conseil départemental : Vous avez reçu une réponse du Conseil départemental. Vérifiez s'il y a une voie de recours interne (appel devant le Conseil National de l'Ordre).
D. Action Administrative (contre la CPAM) :
Objet : Contester le manquement de la CPAM à sa mission de service public.
Tribunal compétent : Le Tribunal administratif.
Procédure : C'est un recours pour excès de pouvoir ou en responsabilité contre une décision administrative (ou une absence de décision). C'est plus complexe et nécessite l'assistance d'un avocat spécialisé en droit public.
3. Délais à respecter et documents nécessaires
Délais :
Plainte pénale pour discrimination : Le délai de prescription est de 6 ans à compter des faits pour les délits.
Action civile pour dommages et intérêts : Le délai de prescription est généralement de 5 ans.
Recours contre une décision du Conseil de l'Ordre : Les délais sont souvent très courts (souvent 2 mois) à compter de la notification de la décision.
Documents nécessaires :
Copie de votre carte Vitale et attestation de droits CSS.
Preuve du rendez-vous : Convocation, SMS de confirmation, etc.
Votre témoignage écrit détaillé : Relatant les faits, les dates, les propos tenus (mot pour mot si possible).
Toute correspondance avec le cabinet : Mails, lettres.
La preuve du refus de devis : Si possible, un écrit du cabinet (peu probable), ou l'absence de devis après le rendez-vous. Le fait que l'autre cabinet vous ait fourni un devis sans problème est une preuve indirecte.
Les réponses de la médiatrice de la CPAM.
Les réponses du Conseil de l'Ordre des chirurgiens-dentistes.
Preuve de votre situation de handicap : Carte d'invalidité, reconnaissance RQTH, etc. (pour appuyer le préjudice supplémentaire).
Preuve de l'aide financière obtenue pour l'orthodontie adulte : Cela contredit l'affirmation du Conseil de l'Ordre.
Certificats médicaux : Si la situation a eu un impact sur votre santé ou aggravé votre handicap.
Conseils supplémentaires
Consultez un avocat spécialisé : Compte tenu de la complexité des différentes actions et des différents tribunaux, il est indispensable de consulter un avocat. Il pourra vous conseiller sur la meilleure stratégie à adopter (plainte pénale, action civile, ou les deux), rédiger les actes nécessaires et vous représenter.
Privilégiez la plainte pénale pour discrimination : C'est souvent la voie la plus directe et la plus percutante pour un cas de refus de soins discriminatoire. Si le Procureur poursuit, cela ouvre la voie à une condamnation de l'orthodontiste et à l'indemnisation de votre préjudice.
Gardez toutes les preuves : Ne jetez aucun document ou message relatif à cette affaire.
Le refus de soins discriminatoire est un délit grave. Vous êtes dans votre droit de dénoncer cette pratique.
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il y a 2 jours
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