Chère madame,
Votre situation est très sérieuse et il est crucial de comprendre ce qui s'est passé et quels sont vos droits. Vous avez été interrogée en tant que victime potentielle d'abus de faiblesse, ce qui a déclenché une demande de mise sous tutelle et une procédure policière, et vous soulevez plusieurs points importants concernant la régularité de ces procédures.
Vos droits lors d'une audition et les irrégularités soulevées
En France, lorsqu'une personne est entendue par la police, même en tant que victime, elle a des droits. Si vous avez été interrogée au point que vous vous sentiez soupçonnée ou que votre liberté était restreinte (même sans être formellement en garde à vue), certains droits doivent vous être notifiés.
Non-information de vos droits (avocat, copie du PV) :
Si vous avez été entendue comme victime (ce que vous indiquez), la notification des droits liés à la garde à vue (droit à l'avocat, droit au silence, droit d'être examinée par un médecin) n'est pas automatique. Ces droits s'appliquent principalement aux personnes soupçonnées ou placées en garde à vue.
Cependant, si l'interrogatoire a, de fait, tourné à une forme de privation de liberté ou d'audition libre où vous auriez pu vous sentir contrainte ou suspecte, la non-notification des droits pourrait être un vice de procédure.
Concernant la copie du procès-verbal (PV) : en tant que victime, vous pouvez demander une copie de votre audition. Le fait de ne pas vous l'avoir donnée spontanément est problématique, mais ne rend pas nécessairement l'audition nulle en soi, sauf si elle visait à vous "piéger".
Ce que la policière aurait dû noter : Si elle vous a effectivement informée de vos droits et que vous les avez refusés (par exemple, le droit à un avocat si ce droit vous était applicable à ce moment-là), cela devrait être explicitement mentionné et signé par vous dans le PV. L'absence de cette mention ou d'une signature de refus peut être un argument si la validité de l'audition est contestée.
Exigence d'une double expertise psychiatrique d'urgence et demande de mise sous tutelle :
Une demande de mise sous tutelle est une procédure lourde qui relève du Juge des Tutelles. Ce n'est pas la police qui décide de la mise sous tutelle, mais elle peut faire un signalement ou transmettre un dossier au procureur, qui peut ensuite saisir le Juge des Tutelles.
L'urgence d'une expertise psychiatrique et d'une mise sous tutelle est évaluée par un médecin, puis par le procureur et le Juge des Tutelles. Le fait que la policière l'ait "exigée" ainsi peut être perçu comme un abus de pouvoir ou une pression, surtout si l'urgence n'était pas objectivement justifiée par votre comportement ou la situation (comme vous le décrivez).
Abus de faiblesse et mise sous tutelle : Les liens et la nullité de la procédure
Il y a bien un lien entre ces deux procédures :
L'abus de faiblesse (délit pénal) concerne le fait d'abuser de la vulnérabilité d'une personne pour lui faire faire des actes qui lui sont gravement préjudiciables (donations, ventes, etc.).
La mise sous tutelle (mesure de protection juridique) est décidée par un Juge des Tutelles pour protéger une personne dont les facultés mentales ou corporelles sont altérées, l'empêchant de pourvoir seule à ses intérêts. Souvent, des situations d'abus de faiblesse peuvent amener à se poser la question d'une mesure de protection.
Nullité de la procédure (policière et mise sous tutelle) :
Procédure policière : Si des irrégularités majeures ont eu lieu lors de votre audition (par exemple, si vous étiez considérée comme suspecte mais sans vos droits de garde à vue, ou si la pression était excessive), votre avocat pourrait soulever la nullité de l'audition ou de certaines pièces du dossier pénal devant le Procureur ou le juge d'instruction. La nullité de l'audition pourrait affaiblir les preuves contre les personnes soupçonnées d'abus de faiblesse.
Procédure de mise sous tutelle : La procédure de tutelle est distincte de la procédure pénale. La demande de mise sous tutelle doit suivre des règles strictes (certificats médicaux circonstanciés de deux médecins différents, audition par le Juge des Tutelles, avis des proches...). Si les certificats ont été obtenus sous la contrainte, ou si le juge n'a pas respecté la procédure, il pourrait y avoir une nullité de cette procédure.
Le juge peut-il demander une mise sous tutelle même si l'abus de faiblesse n'est pas prouvé ?
Oui, absolument. Le juge des Tutelles est indépendant de la procédure pénale. Sa mission est de protéger la personne, pas de punir un agresseur.
Même si l'abus de faiblesse n'est pas prouvé ou si l'enquête pénale est classée sans suite, le Juge des Tutelles peut décider d'une mise sous tutelle (ou curatelle) s'il estime, sur la base des expertises médicales et de son appréciation des faits, que vos facultés sont altérées et que vous avez besoin d'être protégée dans la gestion de vos biens ou de votre personne.
Vos arguments sur le fait que vous ne faites pas de dettes, que vous n'êtes pas à découvert, que vous vivez sur l'AAH (Allocation aux Adultes Handicapés, qui peut déjà témoigner d'une vulnérabilité reconnue) et que vous avez le droit de vider votre épargne sont des éléments que vous devrez faire valoir devant le Juge des Tutelles pour prouver votre capacité à gérer vos biens.
Le fait que vous ayez vidé votre épargne en ayant l'AAH et sans héritier n'est pas en soi une preuve d'abus de faiblesse ou d'altération de vos facultés, si vous le faites en pleine conscience et pour votre propre bien-être ou projet.
Conséquences pour les personnes soupçonnées d'abus de faiblesse
Les deux personnes soupçonnées ne seront-elles pas inquiétées ?
Si l'enquête pénale pour abus de faiblesse est classée sans suite (par le Procureur) ou aboutit à un non-lieu (par un juge d'instruction), cela signifie qu'il n'y a pas suffisamment de preuves pour les poursuivre pénalement. Elles ne seront alors pas "inquiétées" sur le plan pénal pour ces faits précis.
Cependant, une mise sous tutelle peut avoir des conséquences indirectes pour elles si elles étaient vos bénéficiaires, car la personne protégée ne pourrait plus faire de donations ou gérer ses biens sans l'accord du tuteur ou du juge.
Peut-il revenir à charge pour des faits nouveaux ? Des donations nouvelles, s'il juge que je ne sais pas ce que je fais ? Si c'est aux mêmes deux personnes ?
Oui, la justice peut toujours rouvrir un dossier ou ouvrir une nouvelle enquête pour des faits nouveaux. Si, après un classement sans suite, de nouvelles informations ou de nouvelles donations jugées "inconsidérées" surviennent, une nouvelle procédure pénale pour abus de faiblesse pourrait être lancée, même si c'est envers les mêmes personnes.
Si une mesure de protection juridique (tutelle ou curatelle) est mise en place, alors, en effet, toute donation, vente importante ou gestion de votre patrimoine sera encadrée par le tuteur/curateur et/ou le Juge des Tutelles. L'objectif est précisément de vous protéger si le juge estime que vous n'êtes pas en mesure d'apprécier la portée de vos actes patrimoniaux. C'est ce que vous décrivez par "s'il juge que je ne sais pas ce que je fais".
Que faire ?
Contactez d'urgence un avocat : Si vous n'en avez pas déjà un, ou si vous avez des doutes sur celui qui vous a conseillée précédemment. C'est indispensable pour contester la régularité de la procédure (police et tutelle) et défendre vos droits. Un avocat spécialisé en droit pénal et en droit de la famille/tutelles serait idéal.
Rassemblez tous les documents : Tout ce qui concerne cette audition, la demande d'expertise, les informations que vous avez reçues (ou non reçues).
Préparez votre défense devant le Juge des Tutelles : Mettez en avant votre autonomie, votre capacité à gérer vos finances, l'absence de dettes. Expliquez clairement les raisons de vos dépenses ou de l'utilisation de votre épargne.
Votre sentiment de nullité de la procédure peut être fondé, surtout si des irrégularités majeures sont prouvées. C'est à votre avocat de les soulever devant les juridictions compétentes. Ne restez pas seule face à cette situation.
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il y a 3 heures
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