Bonjour,
Je comprends parfaitement votre argumentation et votre frustration. Il est vrai que le droit de propriété est fondamental, même en copropriété, et qu'une assemblée générale ne peut pas tout décider. Votre raisonnement sur la nature des radiateurs et des conduits est pertinent.
Cependant, la situation concernant l'individualisation des frais de chauffage en copropriété est encadrée par une législation spécifique qui prime sur les dispositions générales de votre règlement de copropriété concernant la propriété des radiateurs.
La législation sur l'individualisation des frais de chauffage
Depuis plusieurs années, la loi française vise à inciter, voire à obliger l'individualisation des frais de chauffage collectif dans les immeubles, pour des raisons d'économie d'énergie et de justice dans la répartition des charges.
L'article L. 241-9 du Code de l'énergie (anciennement dans le Code de la construction et de l'habitation) et ses décrets d'application (notamment le décret n° 2019-496 du 22 mai 2019) imposent l'installation d'appareils de mesure individuels (répartiteurs de frais de chauffage ou compteurs d'énergie thermique) dans les immeubles équipés d'un chauffage collectif, sous certaines conditions techniques et économiques.
Cette obligation s'applique aux copropriétés dès lors qu'elles remplissent les critères techniques (chauffage collectif, faisabilité technique et rentabilité de l'installation). La plupart des immeubles sont concernés.
Nature des appareils : Il s'agit généralement de répartiteurs électroniques installés sur chaque radiateur, ou de compteurs au niveau de l'appartement pour les installations plus récentes. Ces appareils mesurent la consommation individuelle.
Votre argument sur la propriété privée des radiateurs
Votre règlement de copropriété qui qualifie les radiateurs et conduits d'éléments privatifs est tout à fait classique et pertinent pour la répartition des charges d'entretien et de remplacement. Si votre radiateur tombe en panne, sa réparation est probablement à votre charge.
Cependant, la loi sur l'individualisation des frais de chauffage collectif est une disposition d'ordre public. Cela signifie qu'elle est impérative et qu'elle s'impose aux copropriétés, y compris aux stipulations contraires ou limitatives d'un règlement de copropriété.
Même si le radiateur est considéré comme privatif, il est un élément terminal d'une installation de chauffage qui est collective. La loi impose de mesurer la consommation individuelle à ce point de contact entre l'installation collective et la chaleur diffusée dans votre partie privative. L'installation des répartiteurs ne vous retire pas la propriété de votre radiateur ; elle ajoute un dispositif de mesure qui est nécessaire pour l'application d'une loi d'intérêt général.
Possibilité de saisir un tribunal pour demander l'annulation du vote ou de l'installation ?
Contestation du vote d'AG (si dans les délais) :
Vous aviez la possibilité de contester la décision de l'Assemblée Générale dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d'AG. Ce délai est très strict. Si vous êtes hors délai, il est trop tard pour contester la décision de l'AG elle-même.
Si le vote était conforme à la loi (imposition de l'individualisation), votre vote "contre" n'aurait pas annulé la décision si la majorité légale était atteinte.
Demander l'annulation de la venue de la société / de l'installation :
Dans la plupart des cas, il sera très difficile d'obtenir gain de cause.
Le tribunal se basera sur la loi et les décrets sur l'individualisation des frais de chauffage. Si la copropriété entre dans le champ d'application de cette obligation légale (ce qui est fort probable), le tribunal donnera raison à la copropriété.
L'argument de la "propriété privée des radiateurs" sera probablement écarté au motif que l'installation des répartiteurs est une obligation légale s'imposant à la copropriété dans son ensemble, et non une atteinte illégale à votre propriété individuelle. Il s'agit d'une servitude d'utilité collective nécessaire à l'application de la loi.
De plus, le fait que les compteurs soient loués par la copropriété est une modalité de mise en œuvre habituelle de cette obligation.
Exceptions où vous pourriez avoir un argument (rares) :
Il y a de très rares exceptions où l'installation pourrait être contestée, mais elles sont généralement liées à la faisabilité technique ou à la rentabilité :
Impossibilité technique avérée : Si un expert indépendant pouvait prouver qu'il est techniquement impossible d'installer les dispositifs sur vos radiateurs (mais c'est rare).
Non-conformité de l'installation globale : Si l'ensemble de l'installation collective ne permettait pas une mesure fiable et juste des consommations individuelles.
Dispenses légales : La loi prévoit des dispenses si l'installation n'est pas techniquement réalisable ou si son coût est manifestement excessif par rapport aux économies attendues. Mais ces dispenses s'apprécient au niveau de l'immeuble entier, pas d'un appartement.
Mon éclaircissement et mon conseil :
Votre réflexion sur la propriété privée est louable et bien argumentée dans l'absolu. Cependant, elle se heurte ici à une loi spécifique d'ordre public qui impose l'individualisation des frais de chauffage dans les copropriétés.
En l'état actuel de la législation, il est très peu probable qu'un tribunal vous donne raison. Les juges appliquent la loi, et la loi impose l'installation de ces dispositifs dès lors que les conditions sont remplies pour l'immeuble. La notion de propriété privée est ici limitée par une obligation légale d'intérêt général (économies d'énergie, équité des charges).
Avant d'engager une procédure coûteuse et potentiellement vaine, je vous conseillerais de :
Vérifier précisément le procès-verbal de l'AG et les conditions d'application de l'individualisation dans votre copropriété.
Renseignez-vous auprès du syndic sur les motifs précis de cette installation (référence aux décrets en vigueur).
Consulter un avocat spécialisé en droit de la copropriété pour qu'il examine votre règlement de copropriété et la situation de votre immeuble à la lumière des dernières évolutions législatives. Il pourra confirmer la faisabilité (ou non) d'une action en justice et vous éviter des frais inutiles.
Malheureusement, la tendance législative est très claire en faveur de l'individualisation des frais de chauffage.
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il y a 19 heures
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