Cher monsieur,
Votre situation est un classique des litiges de voisinage, et vous avez bien fait de consulter le Code civil. La distinction entre un droit de passage légal et un droit de passage conventionnel est en effet cruciale, car elle détermine les conditions de son extinction.
Comment savoir quel droit de passage est appliqué : Légal ou Conventionnel ?
La clé de la distinction réside dans les termes de l'acte qui a établi le droit de passage.
Droit de passage légal (ou pour cause d'enclave - Articles 682 et suivants du Code civil) :
Un droit de passage légal est créé uniquement si le fonds bénéficiaire est enclavé, c'est-à-dire qu'il n'a aucune issue ou une issue insuffisante sur la voie publique.
Il est imposé par la loi pour garantir l'accès à la propriété.
Si l'acte de 1966 ne mentionne pas explicitement que le droit de passage est accordé en raison de l'enclave, et s'il se contente de le "déclarer" sans faire référence à cette nécessité, il y a de fortes chances qu'il s'agisse d'un droit de passage conventionnel. La simple mention "droit de passage en tout temps à pied et en voiture" n'indique pas forcément qu'il est légal.
Droit de passage conventionnel :
Un droit de passage conventionnel est créé par un accord entre deux propriétaires, formalisé par un acte notarié (comme votre acte de vente). Il s'agit d'une servitude conventionnelle.
Il n'est pas nécessaire que le fonds bénéficiaire soit enclavé pour qu'il soit créé. Il peut servir à améliorer la commodité d'un fonds, même si celui-ci a déjà un accès à la voie publique.
La formulation de votre acte de vente ("c'est déclaré qu'ils bénéficient d'un droit de passage en tout temps à pied et en voiture, rien de plus") penche très fortement en faveur d'une servitude conventionnelle. Si c'était un droit légal, l'acte ferait souvent référence à la situation d'enclave ou à la nécessité du passage.
Conclusion sur le type de droit : Au vu de votre description ("rien de plus" sur l'acte), il est très probable que vous soyez en présence d'un droit de passage conventionnel (servitude conventionnelle).
La loi vous permet-elle de faire cesser ce droit de passage ?
C'est là que la distinction est capitale :
Pour un droit de passage légal (pour cause d'enclave) :
Oui, l'Article 685-1 du Code civil stipule que "si l'enclave cesse, le propriétaire du fonds dominant ne peut plus réclamer le passage. Il peut être contraint à le supprimer à l'initiative du propriétaire du fonds servant."
Dans ce cas, le fait que votre voisin ait créé une deuxième entrée vers les années 2000 et que son terrain ne soit plus enclavé aurait automatiquement dû faire cesser ce droit de passage. Vous auriez pu en demander la suppression judiciaire.
Pour un droit de passage conventionnel :
Non, l'extinction est beaucoup plus difficile. Un droit de passage conventionnel ne cesse pas automatiquement du seul fait que le fonds dominant ne soit plus enclavé.
Ces servitudes ne s'éteignent que par :
L'accord mutuel des parties (acte notarié).
La prescription trentenaire (non-usage pendant 30 ans consécutifs), ce qui ne semble pas être votre cas puisque votre voisin l'utilise.
La réunion des deux fonds (votre terrain et le sien) entre les mains du même propriétaire.
La disparition de l'utilité de la servitude si elle est devenue absolument impossible à utiliser (ex: un chemin s'est effondré). Ce n'est pas le cas ici puisque le passage existe.
Conséquence pour vous : Si c'est bien un droit de passage conventionnel (ce qui est le plus probable), le fait que le terrain de votre voisin ne soit plus enclavé ne suffit pas, en soi, à faire cesser ce droit de passage.
Que pouvez-vous faire malgré tout ?
Même si l'extinction est difficile, le fait qu'il se gare chez vous est une violation de l'étendue du droit de passage, qui est un simple droit de passage, et non un droit de stationnement. Vous pouvez agir sur ce point.
Mise en demeure par LRAR :
Envoyez une lettre recommandée avec accusé de réception à votre voisin.
Rappelez l'existence du droit de passage tel que décrit dans l'acte ("en tout temps à pied et en voiture").
Indiquez que ce droit est un droit de passage, et non un droit de stationnement.
Exigez qu'il cesse immédiatement de se garer sur votre propriété, car cela constitue un abus de son droit de passage et une violation de votre propriété.
Précisez que, faute de cessation, vous saisirez la justice.
Tenter une négociation amiable pour éteindre la servitude :
Puisque son terrain est désenclavé, le passage par chez vous est devenu un simple confort pour lui, plus une nécessité.
Vous pouvez lui proposer de racheter la servitude (lui verser une somme d'argent pour qu'il accepte d'y renoncer par acte notarié).
Ou lui proposer de renoncer à ce droit s'il a intérêt à la fluidité de ses accès.
Saisir la justice (en dernier recours) :
Si votre voisin persiste à se garer ou si vous souhaitez tenter de faire cesser la servitude conventionnelle (même si c'est plus difficile), vous devrez saisir le Tribunal Judiciaire.
Pour le stationnement : Le juge pourra lui interdire formellement de se garer sur votre propriété.
Pour la suppression de la servitude conventionnelle : Ce sera plus complexe. Il faudrait prouver un abus de droit grave de sa part (par exemple, si son passage cause un préjudice excessif et qu'il a d'autres solutions) ou une absence totale d'intérêt du passage pour lui, mais le simple désenclavement ne suffit pas.
Conclusion :
Votre premier réflexe doit être de relire très attentivement l'acte qui a créé ce droit de passage. Les termes exacts sont déterminants. Si, comme vous le suspectez, il s'agit d'un droit conventionnel, vous ne pourrez pas le faire cesser du seul fait du désenclavement. En revanche, son stationnement est un abus sur lequel vous pouvez agir fermement.
Il est fortement recommandé de consulter un notaire (qui a l'acte authentique) ou un avocat spécialisé en droit immobilier. Ils pourront analyser l'acte, vous confirmer la nature de la servitude et vous conseiller sur la meilleure stratégie juridique à adopter pour récupérer votre terrain et mettre fin au stationnement abusif.
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