Cher Monsieur,
C'est une situation qui arrive fréquemment lorsque les parents veulent anticiper la transmission de leur patrimoine. Le quasi-usufruit est une solution intéressante à l'époque, mais la volonté de votre mère aujourd'hui change la donne.
Voici ce que vous devez savoir sur le quasi-usufruit, les dons, et les implications fiscales.
Le quasi-usufruit : rappel du principe
En 2021, quand votre père est décédé, la somme d'argent a été soumise à un quasi-usufruit au profit de votre mère. Cela signifie que :
Votre mère (l'usufruitière) a eu le droit d'utiliser cette somme d'argent (de la dépenser, de l'investir, etc.), comme si elle en était propriétaire.
Vous et vos frères et sœurs (les nus-propriétaires) avez la créance de restitution de cette somme sur la succession de votre mère à son décès. En d'autres termes, à son décès, la succession de votre mère vous devra la même somme que celle sur laquelle le quasi-usufruit a été établi.
Votre mère veut vous verser cette somme maintenant : les options et leurs conséquences
Votre mère veut en fait anticiper la transmission de cette somme, qui vous revient de toute façon au final.
1. Le don manuel (ou don familial de somme d'argent)
C'est l'option que votre notaire a suggérée et qui est la plus simple et la plus courante dans votre cas.
Le principe : Votre mère vous donne de son vivant une partie de cet argent, qu'elle est en droit d'utiliser grâce au quasi-usufruit. Ce sont donc des dons de la mère aux enfants.
Les abattements fiscaux : En France, un parent peut faire un don de 100 000 € à chaque enfant (don manuel ou donation notariée) en franchise de droits tous les 15 ans. Ce plafond est personnel à chaque enfant et à chaque parent. Si aucun don n'a été fait par votre mère à ses enfants depuis moins de 15 ans, chacun d'entre vous peut recevoir jusqu'à 100 000 € sans payer d'impôts.
Le "don familial de somme d'argent" (ou don Sarkozy) : Il existe en plus un abattement spécifique de 31 865 € pour les dons de sommes d'argent, si le donateur a moins de 80 ans (ce qui n'est pas le cas de votre mère) et si le donataire est majeur. Mais dans votre situation, l'abattement de 100 000 € est plus avantageux.
Formalités : Pour que le don soit officiel et bénéficie de l'abattement, il doit être déclaré à l'administration fiscale (formulaire Cerfa n°2735 ou via l'espace personnel sur impots.gouv.fr) par chaque enfant qui reçoit la somme, dans le mois suivant le don.
Avantage : C'est la solution la plus directe et fiscalement optimisée pour que votre mère vous transmette cet argent de son vivant sans droits de donation si les plafonds ne sont pas dépassés.
2. La renonciation partielle ou totale au quasi-usufruit (plus complexe)
Théoriquement, vous pourriez envisager que votre mère renonce à son quasi-usufruit sur une partie de la somme. Cependant, ce n'est généralement pas la démarche la plus simple ni la plus logique pour transférer de l'argent de son vivant. Le quasi-usufruit est une créance que vous avez sur la succession future de votre mère. La faire "disparaître" maintenant en vous versant l'argent équivaut fiscalement à un don. Le notaire vous oriente vers le don, car c'est la procédure établie pour la transmission de sommes d'argent entre vifs.
Conséquences si la somme de l'usufruit n'est plus présente au décès de votre mère
C'est là le point crucial et c'est l'intérêt même de la créance de restitution du quasi-usufruit.
La créance de restitution existe toujours : Le quasi-usufruit ne s'éteint qu'au décès de votre mère. Jusqu'à ce moment, vous et vos frères et sœurs conservez une créance sur la succession de votre mère à hauteur de la somme sur laquelle portait le quasi-usufruit.
Les dons sont des libéralités de votre mère : Si votre mère vous fait des dons maintenant, ces sommes proviennent de son propre patrimoine (même si elle l'a constitué grâce à l'argent dont elle avait le quasi-usufruit).
Le "problème" à la fin de sa vie :
Si la somme de l'usufruit donnée par votre mère est la même que la créance que vous avez : La créance de restitution que vous avez sur la succession de votre mère n'est pas affectée par les dons qu'elle vous fait. À son décès, la succession de votre mère vous devra toujours cette somme.
Imputation fiscale : Au décès de votre mère, les sommes données (les dons) seront rapportées fictivement à sa succession pour le calcul de la masse partageable et des droits de succession. Les donations que vous avez reçues de votre mère s'imputeront sur la part de succession que vous recevrez d'elle.
Le risque de créance impayée : Si, au décès de votre mère, il ne reste pas assez d'argent dans son patrimoine pour vous rembourser la créance de restitution du quasi-usufruit (car elle a tout dépensé ou donné), alors cette créance deviendra une dette de sa succession. Vous serez alors créanciers de la succession et serez remboursés avant les légataires et avant le partage des biens restants. Cependant, s'il n'y a plus rien, la créance peut rester impayée, en tout ou partie.
C'est une distinction fondamentale :
Les dons sont des sommes que votre mère vous donne de son propre chef et de son propre patrimoine.
La créance de restitution est une dette que la succession de votre mère aura envers vous à son décès, au titre du quasi-usufruit de votre père.
Votre notaire vous propose les dons car c'est le moyen le plus simple de réaliser la volonté de votre mère de vous transmettre de l'argent de son vivant. Cela utilise les abattements fiscaux propres aux dons de la mère aux enfants.
Ce qu'il faut comprendre : Si votre mère vous donne maintenant 100 000 € (par exemple), et que la créance de quasi-usufruit était de 150 000 €, alors à son décès, sa succession vous devra toujours 150 000 €. Si à son décès il ne reste plus que 50 000 € dans sa succession, vous ne récupérerez que 50 000 € sur les 150 000 € de la créance, car la dette de quasi-usufruit est une dette de la succession et non de votre mère personnellement si elle n'a plus les fonds.
Conseil important : Le fait que votre mère veuille faire ces dons est une démarche de son vivant. Assurez-vous que ces dons sont bien documentés (déclaration fiscale) et que votre mère est pleinement consciente de ce qu'elle fait. Le fait que tout le monde soit d'accord (mère et enfants) est essentiel.
La solution proposée par le notaire est la plus simple et la plus fiscalement avantageuse pour l'instant présent. Les enjeux de la créance de quasi-usufruit se poseront véritablement à l'ouverture de la succession de votre mère.
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il y a 1 jour
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