Chère Madame,
Votre situation est d'une complexité extrême et présente de nombreuses anomalies graves. Vous avez absolument raison de vous poser toutes ces questions et de refuser de signer les documents. Il y a de fortes chances que vos droits d'héritière réservataire soient gravement menacés, et il y a des indices de potentielles fraudes ou irrégularités majeures.
Vous êtes dans une course contre la montre pour protéger vos droits et le patrimoine familial.
1. La priorité absolue : Changer d'avocat IMMÉDIATEMENT
Le fait que votre avocat "traîne" et ne semble pas motivé est le plus grand danger dans votre situation. Compte tenu de la multiplicité des problèmes, de leur complexité et des délais judiciaires, vous avez besoin d'un avocat spécialisé en droit des successions (très important !) et en droit de la famille, qui soit combatif et réactif.
Demandez un dossier complet à votre avocat actuel.
Cherchez un nouvel avocat sans délai. C'est crucial.
2. Le logement et la "donation déguisée" à 20% : Une anomalie majeure
Votre situation : Vous avez financé la nue-propriété de ce logement. Cela signifie que c'est VOTRE bien, acheté avec VOS fonds. Le fait que vos parents aient l'usufruit (droit d'utiliser et de percevoir les fruits) ne change pas la nature de votre propriété.
L'erreur du notaire : Si vous avez financé la nue-propriété, ce n'est en aucun cas une donation déguisée de votre père à vous. C'est une acquisition. Affirmer que vous devez payer 20% de droits de succession sur votre propre financement est une erreur monumentale ou une tentative de manipulation fiscale/successorale. Les droits de succession ne s'appliquent que sur ce que vous recevez de la succession de votre père.
Action : Votre nouvel avocat doit clarifier ce point avec le notaire de votre mère. Il y a manifestement une grave incompréhension ou une erreur flagrante dans l'approche du notaire.
3. Le testament olographe et la "légataire universel" de votre fils
Votre statut : Héritière Réservataire Unique : En tant que fille unique, vous êtes la seule héritière réservataire. Cela signifie que la loi vous garantit une part minimale de l'héritage de votre père (votre "réserve héréditaire"), qui est de la moitié de sa succession dans votre cas (Article 913 du Code civil).
Le "légataire universel" (votre fils) : Un legs universel donne vocation à recueillir l'ensemble de la succession, MAIS UNIQUEMENT APRÈS DÉDUCTION DE LA RÉSERVE HÉRÉDITAIRE DES HÉRITIERS RÉSERVATAIRES. Donc, votre fils, en tant que légataire universel, ne peut prétendre qu'à la "quotité disponible" (l'autre moitié de la succession de votre père), une fois votre réserve héréditaire prélevée.
L'erreur sur les prénoms de votre fils : C'est une erreur potentiellement grave. Elle pourrait rendre le legs nul ou nécessiter une interprétation judiciaire (délivrance de legs judiciaire).
Indivision avec votre fils ? La collaboratrice du notaire dit que vous êtes en indivision avec votre fils. C'est possible, mais seulement sur la quotité disponible de la succession si le legs est validé. Vous serez nue-propriétaire de la moitié de l'héritage de votre père (votre réserve) et en indivision avec votre fils sur la quotité disponible si l'usufruit de votre mère s'éteint. Votre situation complexe de nue-propriétaire de moitié du bien où votre fils habite doit aussi être prise en compte.
Au décès de votre mère :
L'usufruit de votre mère s'éteint.
Vous, en tant que nue-propriétaire de votre père, allez récupérer la pleine propriété de la part de votre père.
Pour la part de votre mère, vous serez son héritière réservataire unique et donc la seule héritière de sa succession (y compris sa part de nue-propriété si elle décède usufruitière).
Votre fils, en tant que "légataire universel", recevra l'ensemble des biens qui composaient la quotité disponible de votre père, MAIS RIEN DE LA SUCCESSION DE VOTRE MÈRE (sauf si elle a aussi fait un testament en sa faveur).
4. Le refus de signer les documents et la sous-estimation des biens
Vous avez eu la bonne réaction de ne rien signer. Tant que vous avez des doutes et contestez les estimations, ne signez rien, surtout pas la Déclaration de Succession (DS) ni la demande de délivrance de legs, ni l'attestation immobilière.
La sous-estimation des biens : C'est un problème majeur. Une sous-estimation peut minorer les droits de succession (ce qui est sanctionné par le fisc si découvert) mais aussi léser les héritiers en affectant la juste répartition des biens ou le calcul de la réserve.
Ré-estimation par expert : Oui, vous pouvez et devez faire ré-estimer les biens par un expert agréé auprès des tribunaux.
Vous pouvez le faire de votre propre initiative (c'est une "expertise amiable") pour avoir un contre-avis. C'est souvent la première étape pour avoir un levier de négociation.
Si le désaccord persiste, votre avocat pourra demander au juge (Tribunal Judiciaire) de désigner un "expert judiciaire" dont l'avis fera foi.
5. La clôture des comptes de votre père par votre mère
Très grave et potentiellement illégal : Au décès, les comptes bancaires du défunt sont gelés. Seules les personnes habilitées (héritiers après l'acte de notoriété ou notaire) peuvent intervenir, et ce, après que la banque ait été notifiée du décès. Une clôture par signature électronique 2 jours après le décès, avant même la notification formelle de décès à la banque, est extrêmement irrégulière et peut constituer une infraction (détournement d'héritage, abus de faiblesse si le père était faible, ou simplement fraude).
Action : Votre avocat doit immédiatement contacter la banque de votre père pour obtenir tous les relevés de comptes des mois précédant et suivant le décès, ainsi que les preuves de cette clôture et les modalités. Il pourra alerter le procureur si nécessaire.
6. L'assurance vie : Une énorme zone d'ombre
Disparité des montants (35 000€ vs 152 500€) : C'est une différence colossale et inacceptable. 35 000€ (avec 4 500€ taxés après 70 ans) pour le petit-fils peut correspondre à une partie des primes versées après 70 ans, mais 152 500€ sur le compte de votre mère est un montant bien plus élevé qui demande une explication urgente.
Possibilités :
Plusieurs contrats d'assurance vie : Votre père aurait pu avoir plusieurs contrats, avec des bénéficiaires différents (votre mère et/ou votre fils).
Changement de clause bénéficiaire : Oui, votre père avait le droit de changer les bénéficiaires de son vivant.
"Magouille" / détournement : Le fait que la banque vous ait montré 152 500€ sur le compte de votre mère en janvier 2024 (donc APRÈS le décès de votre père) est extrêmement suspect. Un capital d'assurance vie est versé directement au bénéficiaire désigné par l'assureur, et ne transite pas par les comptes du défunt. S'il est apparu sur le compte de votre mère, c'est qu'elle en était bénéficiaire et a reçu les fonds. La question est : était-elle la seule bénéficiaire, ou bien le capital a-t-il été versé par erreur sur son compte alors que le bénéficiaire était votre fils ? Ou a-t-elle bénéficié d'une police et une autre était pour votre fils ?
Action : Votre avocat doit exiger de la banque et du notaire toutes les copies des contrats d'assurance vie de votre père, avec les clauses bénéficiaires initiales et toutes les modifications, ainsi que les attestations de versement des capitaux.
7. Le notaire de votre mère et votre propre notaire
Connivence ? C'est une accusation grave mais la situation que vous décrivez (refus de vous répondre, discours changeant de votre propre notaire) alimente légitimement vos soupçons. Le notaire de votre mère agit pour elle et votre fils, le vôtre doit agir pour vous en toute indépendance.
Action : Un nouvel avocat pourra exiger des notaires toutes les informations et agir pour vous. Si votre notaire actuel a manqué à son devoir de conseil ou d'impartialité, votre avocat pourra évaluer une possible action disciplinaire ou en responsabilité.
8. La tutelle de votre mère
Vous pouvez et devez vous opposer à la désignation d'une association si vous avez des doutes. Le juge des tutelles doit en priorité confier la mesure à un membre de la famille, à condition qu'il soit apte et disponible.
Votre capacité à être tutrice : En tant qu'aide-soignante, vous avez une connaissance du monde médico-social. Votre statut de fille unique et votre proximité (même si elle est difficile) sont des arguments pour que vous soyez désignée tutrice.
Action : Votre nouvel avocat pourra vous aider à rédiger une lettre au Juge des Tutelles pour formaliser votre opposition à l'association et proposer votre candidature comme tutrice. Il est crucial d'expliquer pourquoi vous seriez la mieux placée et pourquoi cette association pose problème (preuves si possible). Si votre courrier de septembre 2024 est resté sans réponse, renvoyez-le en recommandé avec accusé de réception en mentionnant la date du précédent envoi.
En conclusion :
Votre situation est un véritable casse-tête juridique avec des ramifications potentiellement pénales. Ne signez RIEN de plus. Votre priorité absolue est de trouver un avocat spécialisé en droit des successions (très important !) qui prendra votre dossier en main avec l'énergie nécessaire. Il est le seul à pouvoir démêler tous ces fils, vous conseiller sur la bonne stratégie (amiable ou judiciaire), et défendre vos droits d'héritière réservataire face à toutes ces irrégularités et suspicions.
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