Les retards de livraison fautifs
Le contrat de VEFA doit prévoir un délai de livraison. Généralement, il prévoit non pas une date précise, mais un trimestre de livraison.
Souvent, le promoteur fait valoir des " retards de chantier " liés à des circonstances économiques. Ces motifs ne constituent pas une cause exonératoire dès lors qu'ils relèvent du risque économique inhérent à l'activité du constructeur.
Cependant, il existe trois hypothèses essentielles dans lesquelles le retard ne sera pas considéré comme fautif.
En premier lieu, le promoteur peut faire valoir un cas de force majeure qui est défini par l'article 1218 du Code civil comme un " événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées " et qui empêche l'exécution de son obligation par le débiteur. Les conditions de la force majeure sont particulièrement restrictives. De simples difficultés économiques, des problèmes d'approvisionnement ou la défaillance de sous-traitants ne sont pas des événements imprévisibles et ne constituent pas des cas de force majeure. A l'inverse, une catastrophe naturelle d'une gravité exceptionnelle ou un arrêt administratif imprévisible et insurmontable pourraient permettre de caractériser un cas de force majeure.
En deuxième lieu, le promoteur peut faire valoir votre propre comportement s'il a contribué au retard de livraison : le retard de livraison pourra ainsi vous être imputé si, en cours de chantier, vous avez sollicité des ajustements au projet ou ordonné des travaux additionnels.
En troisième lieu, le contrat de VEFA peut prévoir des causes légitimes de retard telles que des intempéries, des grèves, le redressement ou liquidation judiciaire d'un des sous-traitants ou fournisseurs, des retards dus aux entreprises concessionnaires.
Cependant, si cette clause est mise en oeuvre par le promoteur, elle devra l'être de bonne foi et de manière justifiée. Le promoteur devra ainsi vous informer en temps utile du retard et justifier que le retard est effectivement du à l'un des événements prévus par la clause.
Le préjudice indemnisable
Une fois le retard qualifié de fautif, la question centrale est l'évaluation des dommages et intérêts.
Tout d'abord, le contrat de VEFA peut prévoir des pénalités forfaitaires par jour ou par mois de retard. Attention : s'agissant d'une clause pénale, son montant pourra être revu à la baisse par le juge (s'il est excessif) ou à la hausse (s'il est dérisoire).
En l'absence d'une telle clause, vous pouvez réclamer l'indemnisation de votre préjudice conformément au droit commun.
Le principe est le suivant : la victime doit être replacée dans la situation où elle se serait trouvée si le logement avait été livré dans les temps.
En matière de VEFA, le préjudice peut, selon les circonstances, inclure :
(i) les intérêts intercalaires : le déblocage des fonds à mesure de l'avancement provoque souvent une période durant laquelle l'acquéreur rembourse intérêts et assurance sans pouvoir occuper le bien. Ces sommes constituent un préjudice indemnisable ;
(ii) les frais de relogement : l'acquéreur, contraint de prolonger son bail ou de louer un logement transitoire, peut obtenir le remboursement des loyers, charges locatives et frais annexes (assurances, abonnements essentiels) ;
(iii) la perte de loyers espérés : celui qui a acquis le bien à vocation locative peut réclamer les loyers qu'il aurait raisonnablement perçus si le logement avait été livré dans le délai contractuel, déduction faite des charges qu'il aurait supportées ;
(iv) le surcoût fiscal : le décalage d'achèvement peut priver l'acquéreur d'un avantage de défiscalisation attaché à une date d'achèvement précise ; la perte de cet avantage, pourvu qu'elle soit certaine et chiffrable, peut être indemnisée ;
(v) le préjudice moral : le jurisprudence admet l'indemnisation de la gêne et de l'anxiété engendrées par l'incertitude et les démarches répétées, dès lors que l'intéressé démontre la gravité du trouble dans ses conditions d'existence.
Pour obtenir réparation, l'acquéreur doit chiffrer précisément chaque poste et en rapporter la preuve (quittances, relevés bancaires, attestations, simulations fiscales).
Le juge opère un contrôle strict du lien de causalité et de la certitude du dommage : une simple perte de chance est indemnisée de manière plus limitée.