Les conditions caractérisant l'abus de majorité et l'abus de minorité
L'abus de majorité se définit comme l'attitude d'un associé majoritaire (ou d'un groupe d'associés majoritaires) prenant une décision contraire à l'intérêt social dans le but de favoriser leurs intérêts.
Il suppose la réunion de deux éléments cumulatifs :
- Une décision adoptée qui est contraire à l'intérêt social ;
- La décision adoptée dans l'unique objectif de favoriser les associés majoritaires au détriment des minoritaires.
Sont par exemple constitutifs d'un abus de majorité :
- Une mise en réserve systématique des bénéfices, privant les minoritaires de toute participation aux bénéfices, sans que cette décision recouvre un quelconque intérêt pour la société.
- La fixation d'une rémunération excessive du dirigeant désigné par le bloc majoritaire, sans lien avec les performances de la société.
- Une cession réalisée à un prix inférieur au prix du marché des actifs de la société au profit d'une seconde société dont les membres sont les associés majoritaires de la première.
L'abus de minorité, quant à lui, désigne l'attitude d'un associé minoritaire (ou d'un groupe d'associés minoritaires) contraire à l'intérêt social, en ce qu'elle empêche la prise d'une décision essentielle.
Il suppose également la réunion de deux éléments cumulatifs :
- Une attitude contraire à l'intérêt général de la société en ce qu'elle interdit la réalisation d'une opération essentielle à celle-ci.
- La volonté de servir des intérêts purement personnels aux dépens de l'intérêt social.
Sont par exemple constitutifs d'un abus de minorité :
- Le refus systématique d'augmenter le capital pour refinancer l'activité alors même que l'insuffisance de fonds propres expose l'entreprise à une cessation de paiement.
- Le refus de modifier l'objet de la société, alors que cette modification est nécessaire à la poursuite de son activité.
Procédure et effets de l'action en abus de majorité
Si les conditions sont réunies, une action en abus de majorité ou de minorité peut être initiée :
- Prescription : La prescription est de 5 ans à compter de la décision attaquée.
- Procédure : il est nécessaire de prendre attache avec un avocat afin de rédiger une assignation qui sera délivrée, par voie de commissaire de justice, aux associés signataires de la décision litigieuse ainsi qu'à la société elle-même. En cas d'urgence, le demandeur peut solliciter en référé la suspension provisoire de la résolution ou la désignation d'un mandataire ad hoc chargé de convoquer une nouvelle assemblée.
- Sanctions de l'abus de majorité : la sanction pourra consister en (i) l'annulation de la décision litigieuse, et (ii) le cas échéant, la condamnation des majoritaires à verser des dommages-intérêts aux minoritaires, voire à la société, à raison du préjudice subi.
- Sanctions de l'abus de minorité : la sanction pourra consister en (i) la nomination par le juge d'un mandataire ad hoc aux fins de représenter les associés minoritaires à une nouvelle assemblée et de voter à la place et au nom des intérêts minoritaires (cependant, le juge ne peut se substituer aux organes sociaux et fixer le sens du vote : il reviendra donc au mandataire ad hoc désigné d'émettre un vote, au nom des minoritaires, conforme à l'intérêt social et à l'intérêt légitime des minoritaires), et (ii) l'allocation de dommages intérêts aux majoritaires, s'ils subissent un préjudice.
En définitive, la contestation d'un abus de majorité ou de minorité constitue un instrument essentiel pour sauvegarder l'équilibre des pouvoirs au sein des sociétés.
Elle impose toutefois une stratégie procédurale rigoureuse, basée sur la collecte anticipée des preuves et la saisine rapide de la juridiction compétente, afin de préserver tant l'intérêt social que les droits patrimoniaux et politiques de chaque associé.