Assurance vie alimentée par des fonds communs et décès du souscripteur
Sujet initié par mas, il y a 5 ans - 6799 vues
Bonjour,
Je me permets de vous faire part de mes interrogations quant à une assurance vie dans le cadre de la succession de mon père décédé en février 2018, afin de clarifier la situation.
Mon père a souscrit une assurance vie alimentée par des fonds communs, mes parents étant toujours mariés sous le régime de la communauté sans contrat de mariage. Les bénéficiaires de cette assurance vie ne sont ni ma mère, ni ma sœur ni moi même.
Nous nous posons donc la question de savoir si le ou les bénéficiaires de l assurance vie doivent reverser la moitié de cette assurance vie à ma mère dite conjoint survivant et ce à titre de récompense ?
Ou est ce aux héritiers (moi et ma soeur) de prendre sur leur quote part successorale pour rembourser à ma mère la moitié de l'assurance qu'elle n'a pas perçue au titre de la récompense (car alimentée par des fonds communs).
Bonjour, Particularité des régimes de communauté :
Décès de l’époux souscripteur de l’assurance-vie : impact du contrat souscrit par le défunt
Si le bénéficiaire du contrat est le conjoint, celui-ci devient, au décès de son époux souscripteur, propriétaire des capitaux décès versés par l’assureur. Ces fonds constituent un bien propre pour lui (article L 132-16 du code des assurances). Conséquence : aucune récompense n’est due par la succession du souscripteur, sauf si les primes sont manifestement exagérées.
Si le bénéficiaire est un tiers (Enfants par exemple, ce qui est votre cas) , une récompense est due par le patrimoine propre du souscripteur à la communauté (arrêt DAIGNAN Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 10 juillet 1996, 94-18.733, Publié au bulletin - A consulter sur le site legifrance).
(Voir tous les détails dans un excellent article : http://www.village-notaires.com/L-assurance-vie-et-regime-de-communaute-reduite-aux-acquets-Par-Pierre)
Merci pour votre réponse, mais comme je l indique dans mon premier message le bénéficiaire de cette assurance, n'est pas ma mère, ni les enfants (moi et ma sœur), mais une personne extérieure à la succession.
Mais si je reprends votre réponse, "dans le cadre d'un tiers bénéficiare, on doit récompense sur le patrimoine du souscripteur a la communauté", donc si je comprends bien les enfants héritiers s'appauvrissent pour payer la récompense au conjoint survivant ; et le beneficiare de l assurance vie lui, ne participe donc en rien au paiement de cette récompense ?
I/ Le bénéficiaire de l'assurance-vie (un tiers en l'occurrence) n'est nullement redevable de cette récompense. Mais il existe des limites concernant la désignation de tiers en qualité de bénéficiaires des contrats d'assurance-vie :
Comme je l'ai déjà rappelé sur ce forum, pour éviter que l’assurance vie ne serve à contourner les règles successorales et déshériter ses proches, la loi prévoit que cette règle ne s’applique pas si les primes versées par le souscripteur du contrat ont été «manifestement exagérées eu égard à ses facultés» (art. L 132-13 du code précité). Les primes peuvent alors être rapportées à l’actif de la succession et soumises à réduction. Mais il faut que les héritiers qui s’estiment lésés soient en mesure de prouver le caractère exagéré des sommes investies par le souscripteur du contrat. Les juges apprécient souverainement les faits et les éléments qui leur sont soumis (cass. civ. 1re du 12.9.12, n° 11-17600). Cette preuve peut être apportée en présentant le contrat d’assurance et les relevés conservés par le défunt. À ce propos, la jurisprudence se base sur trois critères pour établir le caractère exagéré des primes. En l’occurrence, les tribunaux se réfèrent au patrimoine du défunt et à ses revenus pour mesurer l’ampleur des sommes versées. Ces dernières seront notamment jugées excessives si elles atteignent le tiers du patrimoine de l’assuré. Les juges tiennent également compte de l’utilité économique du contrat d’assurance-vie pour l’assuré, en se référant à son âge et à sa situation familiale. Ils considèrent aussi la raison pour laquelle la souscription a été effectuée. Dans tous les cas, le caractère manifestement exagéré des sommes payées auprès de l’assureur s’apprécie au moment du versement."
II/ On ne peut pas parler d'"appauvrissement" des héritiers du fait de cette récompense. L'héritage est toujours aléatoire, le défunt a pu notamment réaliser tout son patrimoine et le dépenser sans que les héritiers ne puissent émettre la moindre objection. C'est son droit. On ne prend en compte dans les successions que le patrimoine subsistant au jour du décès (en tenant compte bien évidemment des éventuelles récompenses (cas présent) et le cas échéant, des rapports à la succession de certaines donations...).
Et je me permets de reprendre le lien précité sur internet concernant la récompense due par le patrimoine du souscripteur à la communauté (Arrêt DAIGNAN) :
Finalement une telle souscription par un époux au moyen des fonds dépendant de la communauté relève-t-elle de l’article 1422 du Code civil relatif à la cogestion ? Dans un arrêt Veuve Pelletier (Cass, Ass.Pl, 12 dec 1986), la haute juridiction a estimé (en s’appuyant sur la stipulation pour autrui) que la souscription d’un contrat d’assurance-vie au moyen de fonds communs ne relève pas des règles de la cogestion. En revanche et dans une telle hypothèse une récompense sera due au patrimoine commun par l’époux qui a constitué cette assurance : arrêt Daignan (Cass, civ 1, 10 juillet 1996). Pour déterminer le montant de cette récompense, certains auteurs, comme Maître Stéphane David, suggèrent de se référer à la dépense faite (les primes versées).
D’autres (doctrine majoritaire) comme Maître Petit et le Professeur Grimaldi estiment que la récompense doit être calculée en prenant en compte le profit subsistant (valeur du capital perçu par le bénéficiaire)."
En tout état de cause, vous pourrez discuter de ces règles avec le notaire chargé du règlement de la succession. Il pourra le cas échéant consulter le CRIDON pour les modalités de calcul de la récompense.
Bonjour, Merci beaucoup pour toutes ces explications claires et intéressantes. Le sujet de l'assurance vie étant un large sujet avec toutes ses ambiguités en terme de code des assurances, code civil et code fiscal. Pas toujours facile de s'y retrouver, même pour les professionnels, j'ai pu m'en apercevoir... Cordialement
Très intéressant en effet, mais qu en serait t il si le bénéficiaire de cette assurance vie d un époux commmun en biens était un des tiers réservataires! Un des 2 enfants du couple !!! Est il redevable en tant que tiers réservataire d une compensation a la succession des heritiers de l époux non souscripteur dont fait partie l'autre enfant du couple. Cela pourrait se faire en moins prenant sur les liquidités à partager afin de respecter l égalité entre les heritiers.
Qu en pensez vous ?
C est un cas de figure qui arrive souvent de gratifier avec les deniers communs qu un des enfants du couple ?
Le cas que vous (internaute "she") exposez concerne les héritiers réservataires (et non le tiers réservataire, l'héritier n'étant pas un tiers dans la succession).
Vous pourrez consulter les nombreux articles des avocats et autres sur internet et relatifs aux règles et à la jurisprudence concernant cette question d'un héritier réservataire avantagé par un contrat d'assurance-vie souscrit par l'un de ses parents. Tout dépend des circonstances de fait, la qualification de donation indirecte peut être retenue pas les tribunaux. Voir notamment les liens internet : http://www.avocats-viguier.com/actualite/assurance-vie-et-succession
Si les héritiers du de cujus bénéficiant de la réserve héréditaire s’estiment lésés dans leurs droits, ils disposent aujourd’hui de deux moyens pour obtenir la prise en compte de l’assurance-vie dans la masse de calcul des droits successoraux :
Le caractère manifestement excessif des primes pour obtenir, si tel est le cas, leur réintégration dans la masse, en vertu de l’alinéa 2 de l’article L. 132-13 précité. L’assurance-vie ne présentant aucun caractère aléatoire mais révélant au contraire une volonté de dépouillement irrévocable en faveur du bénéficiaire désigné, est constitutive d’une donation indirecte qu’il convient de réunir fictivement aux biens existant au décès"
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