Chère Madame,
J'ai réalisé l'an dernier des interventions dans une structure privée (secteur social) avec chaque mois des contrats de vacataire, sur lesquels étaient précisé tous les horaires d'intervention, et m'octroyant le même type d'indemnités qu'avec des contrats d'intérim. Néanmoins, sur internet je peine à trouver des réponses sur l'usage de ce type de contrat dans le privé. Est-ce légal ?
Vous soulevez un point très pertinent, car l'usage du terme et du concept de "vacataire" est souvent source de confusion, surtout entre le secteur public et le secteur privé.
La notion de "vacataire" et le secteur privé
En droit du travail français, la notion de "contrat de vacataire" est spécifiquement liée à la fonction publique. Un vacataire est un agent public recruté pour une tâche ponctuelle, précise, limitée dans le temps et sans caractère de continuité, rémunéré "à la vacation" (c'est-à-dire à la tâche ou à l'heure). Il n'a pas de lien de subordination permanent et n'est pas considéré comme un agent contractuel de droit public avec les droits associés.
Dans le secteur privé, le contrat de vacataire tel quel n'existe pas légalement.
Si une structure privée vous a fait signer des "contrats de vacataire", cela peut masquer une autre réalité juridique. Plusieurs situations sont possibles :
Contrat à Durée Déterminée d'Usage (CDDU ou "contrat d'extra") : C'est le type de contrat le plus proche de la notion de vacation dans le secteur privé. Il est utilisé pour des emplois temporaires par nature, dans des secteurs d'activité où il est d'usage constant de ne pas recourir au CDI en raison de la nature de l'activité (par exemple, l'hôtellerie-restauration, le spectacle, l'enseignement, les centres de loisirs, et parfois certaines activités du social si elles sont très ponctuelles et non permanentes).
Conditions du CDDU : Le recours au CDDU est très encadré. Il doit être justifié par la nature temporaire de l'emploi et par un usage constant dans le secteur d'activité de ne pas recourir au CDI pour ce type de poste. Chaque mission doit faire l'objet d'un contrat écrit.
Droits : Le salarié en CDDU bénéficie des mêmes droits que les autres salariés (indemnités de fin de contrat, congés payés, etc.), souvent proratisées.
CDD classiques successifs : Il est possible que ces "contrats de vacataire" aient en réalité été des Contrats à Durée Déterminée (CDD) successifs. Les CDD sont très réglementés quant à leur durée et leur renouvellement. L'enchaînement de CDD est strictement encadré et doit être justifié par des motifs précis (remplacement, accroissement temporaire d'activité...). Un usage abusif des CDD peut entraîner leur requalification en CDI.
Travail dissimulé/mauvaise qualification : Si les conditions d'un CDDU ne sont pas remplies (par exemple, si votre activité correspondait en réalité à un besoin permanent de la structure), ou si les contrats n'étaient pas correctement formalisés, cela pourrait être considéré comme du travail dissimulé ou une mauvaise qualification du contrat.
Vos droits et les similitudes avec l'intérim
Vous mentionnez avoir eu le même type d'indemnités qu'avec des contrats d'intérim. Cela fait penser aux indemnités de fin de mission (IFM) et aux indemnités compensatrices de congés payés (ICCP), qui sont versées à la fin d'un CDD ou d'une mission d'intérim.
Si ces indemnités vous ont été versées, c'est un bon signe que l'employeur a tenté de se conformer, au moins partiellement, aux règles du CDD ou de l'intérim.
Cependant, le fait de vous avoir fait signer des "contrats de vacataire" dans le privé est une appellation erronée, voire une erreur juridique.
Est-ce légal ?
L'utilisation du terme "contrat de vacataire" dans le secteur privé n'est pas légale en soi, car cette forme de contrat n'existe pas sous ce nom dans le Code du travail.
La question est de savoir si la réalité de votre travail (tâches, horaires, continuité) correspondait à un CDD d'usage légalement justifié ou si l'employeur a abusé de cette forme précaire de contrat pour couvrir un besoin permanent de l'entreprise.
Si vos missions étaient réellement ponctuelles, discontinues et non liées à l'activité normale et permanente de l'entreprise, et que le secteur social est reconnu pour l'usage du CDDU pour ce type de fonctions, la situation pourrait se rapprocher d'un CDDU légalement valide, même si le terme "vacataire" est impropre.
Si, au contraire, vous avez travaillé de manière régulière, continue, sur un poste permanent avec des "contrats de vacataire" successifs, il y a de fortes chances que ces contrats puissent être requalifiés en Contrat à Durée Indéterminée (CDI).
Que pouvez-vous faire ?
Rassemblez tous vos documents : Conservez tous les "contrats de vacataire", vos bulletins de paie, les échanges de mails ou courriers avec la structure.
Contactez l'Inspection du Travail : C'est le premier interlocuteur gratuit et neutre. Vous pouvez les solliciter pour leur exposer votre situation. Ils pourront vous dire si l'usage de ce type de contrat dans cette structure et pour vos fonctions est conforme à la loi.
Consultez un avocat spécialisé en droit du travail : Si vous souhaitez aller plus loin (par exemple, demander une requalification en CDI), un avocat sera indispensable. Il analysera vos contrats, la réalité de vos missions et pourra estimer vos chances de succès devant le Conseil de Prud'hommes.
L'usage de contrats courts et "flexibles" est souvent fait au détriment des droits des salariés. Il est important de vérifier si cette pratique était justifiée ou abusive.
N'hésitez pas si vous avez d'autres questions après avoir consulté vos documents.
Merci d'indiquer que j'ai répondu à votre question en cliquant sur le bouton vert de ma réponse.
Cliquez ici pour commenter la réponse ci-dessus