Bonjour,
Je comprends tout à fait votre inquiétude et votre sentiment que ce testament ne reflète pas les intentions réelles de votre père concernant ses comptes bancaires. C'est une situation complexe, car le terme "usufruit des biens m'appartenant" peut être interprété différemment selon le type de bien.
L'usufruit et les comptes bancaires : un point délicat
L'usufruit est le droit d'utiliser un bien et d'en percevoir les revenus, sans pouvoir en disposer (le vendre, le détruire). Le nu-propriétaire, en l'occurrence vous et les autres héritiers, dispose du bien mais ne peut pas l'utiliser ni en percevoir les revenus tant que l'usufruit dure.
Quand l'usufruit porte sur de l'argent (sommes d'argent sur des comptes bancaires, valeurs mobilières), on parle de quasi-usufruit.
Le principe du quasi-usufruit : L'argent est une chose consomptible, c'est-à-dire qu'elle se consomme par son usage. L'usufruitier (l'ancienne concubine) a le droit d'utiliser l'argent comme bon lui semble (le dépenser). En contrepartie, elle a une dette de restitution envers les nus-propriétaires (vous et les autres héritiers) au moment de l'extinction de l'usufruit (généralement à son décès). Elle devra alors restituer l'équivalent de la somme reçue.
Les implications pratiques : Si votre père a légué "l'usufruit des biens m'appartenant", cela inclut, en principe, les comptes bancaires. L'ancienne concubine pourrait donc demander à avoir la main sur ces sommes d'argent, ce qui est évidemment contraire à ce que vous pensez être la volonté de votre père.
Possibilité de contester l'application de l'usufruit sur les comptes bancaires
Contester une telle disposition est difficile mais pas impossible, car l'interprétation des testaments relève souvent du cas par cas et de l'appréciation du juge.
Voici les arguments et actions que vous pourriez envisager :
L'interprétation de la volonté du testateur :
Caractère général de la formule : "Je lègue l'usufruit des biens m'appartenant" est une formule très générale. Votre argument principal sera de démontrer que, compte tenu des relations financières strictement séparées et de l'absence de partage d'argent de son vivant, l'intention de votre père n'était pas d'inclure les comptes bancaires dans cet usufruit.
Preuves de l'intention : C'est le point le plus important. Vous devrez apporter des éléments prouvant que cette volonté n'était pas celle de votre père :
Témoignages : De vous-même, d'autres membres de la famille, d'amis proches de votre père qui pourraient attester de ses intentions et de la nature de sa relation financière avec son ancienne concubine.
Absence de comptes communs : Le fait qu'ils n'aient jamais eu de comptes communs est un argument fort.
Séparation des dépenses : Tout élément montrant que chacun assumait ses propres dépenses.
Absence de libéralités antérieures : Si votre père ne lui a jamais fait de donations importantes de son vivant (virements réguliers, sommes d'argent données).
Contextes de rédaction du testament : Il faudrait essayer de savoir dans quel contexte ce testament a été rédigé il y a 20 ans. Les relations étaient-elles différentes à l'époque ?
La limite de la quotité disponible et la réserve héréditaire :
Même si l'usufruit est appliqué, il ne peut pas porter atteinte à votre réserve héréditaire (la part de l'héritage qui vous revient de droit en tant qu'enfant).
Si l'usufruit sur l'ensemble des biens (y compris les comptes) excède la quotité disponible (la part dont votre père pouvait disposer librement), vous pourriez demander une réduction de cette libéralité. Ce calcul est complexe et doit être fait par le notaire.
Les sûretés pour le quasi-usufruit :
En principe, l'usufruitier doit fournir une caution pour garantir la restitution des biens à la fin de l'usufruit. Pour le quasi-usufruit, il peut être exigé de l'usufruitier qu'il fournisse une sûreté (une garantie, par exemple, le blocage d'une somme d'argent ou une hypothèque) ou qu'il fasse un inventaire des sommes et biens reçus.
Cela pourrait ne pas empêcher l'utilisation des fonds, mais cela garantirait la restitution à terme et pourrait, d'une certaine manière, limiter sa liberté totale sur l'argent.
Que faire concrètement ?
Discuter avec le notaire chargé de la succession :
Exprimez-lui vos doutes et vos arguments concernant l'interprétation du testament et l'intention de votre père concernant les comptes bancaires.
Le notaire a un rôle de conseil et peut tenter une médiation. Il est le premier interlocuteur pour l'application du testament. Il pourra vous informer précisément sur les droits de chacun et les démarches possibles.
Solliciter l'aide d'un avocat spécialisé en droit des successions :
C'est l'étape la plus probable si le notaire ne peut pas résoudre le problème à l'amiable ou si l'ancienne concubine insiste pour bénéficier de l'usufruit sur les comptes.
L'avocat pourra analyser le testament, votre situation familiale, et les preuves que vous pouvez apporter pour étayer l'intention de votre père.
Il pourra ensuite vous représenter pour contester cette application de l'usufruit devant le Tribunal Judiciaire (si un accord amiable n'est pas possible). C'est le juge qui aura le dernier mot sur l'interprétation de la volonté du défunt.
Votre conviction que votre père n'aurait pas souhaité qu'elle bénéficie des comptes bancaires est un point de départ légitime pour une contestation. La difficulté sera d'apporter des preuves concrètes et irréfutables pour étayer cette intention devant le juge, étant donné la généralité de la formule utilisée dans le testament.
N'hésitez pas à avancer ces arguments auprès du notaire en premier lieu.
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