Cher Monsieur,
Bonjour,
Votre situation est typique des difficultés rencontrées dans les successions complexes, surtout en présence de remariages et de biens communs. Le fait que le notaire ait renvoyé au Tribunal via un PV de dires montre qu'il se trouve bloqué et a besoin d'une décision judiciaire pour avancer.
Analysons vos questions :
Le notaire nous avait dit que l'on pouvait à tout moment de la procédure revenir à un accord amiable.
C'est tout à fait exact. Même en pleine procédure judiciaire, les parties peuvent à tout moment trouver un accord amiable qui met fin au litige. Cet accord devra ensuite être homologué par le Tribunal pour avoir force exécutoire, ou un nouvel acte notarié pourra être établi. L'idée est toujours de favoriser une solution concertée plutôt qu'une décision imposée par le juge.
Les héritiers de la mère peuvent-ils renoncer aux réductions des donations effectuées par leur mère pour ne plus dépendre des contestations côté succession paternelle ?
Oui, les héritiers peuvent renoncer à l'action en réduction. L'action en réduction est un droit destiné à protéger la réserve héréditaire. Si les héritiers concernés estiment qu'ils n'ont pas été lésés (ou acceptent de ne pas se prévaloir de cette lésion), ils peuvent renoncer à demander la réduction des donations de leur mère.
Cependant, la difficulté que vous soulevez ne porte pas uniquement sur l'action en réduction, mais sur l'évaluation des donations elles-mêmes. Vous mentionnez que :
"Les donations immobilières ont été actualisées au moment du partage."
"Cette donation immobilière est susceptible d’être révisée par le Tribunal et cela aurait alors des conséquences sur les montants à partager dans les deux successions."
Cela signifie que le litige porte sur la valeur de rapport ou de réduction de la donation immobilière d'un bien commun. Si le Tribunal doit statuer sur la valeur de ce bien commun (ou de la part du père dans ce bien), cette décision aura un impact direct sur la valeur à prendre en compte pour la succession de la mère, même si ses héritiers renoncent à l'action en réduction. La valeur de la donation de la mère, bien qu'elle ne soit pas contestée en soi, dépendra de la valeur finale du bien commun telle que déterminée ou validée par le Tribunal.
En d'autres termes, même en renonçant aux réductions, si la base de calcul (la valeur du bien donné) est elle-même l'objet d'un litige qui concerne la part du père, cela peut indirectement bloquer la finalisation de la succession de la mère car les deux masses successorales sont liées par ce bien commun.
Pourrait-on alors demander au notaire de régler la succession de la mère sans devoir attendre les futures décisions du Tribunal ?
En théorie, oui, un partage partiel de succession est possible. Cela signifie qu'on peut décider de liquider et partager une partie des biens, ou une seule des successions lorsqu'elles sont distinctes.
Pour que cela soit possible, il faut l'accord unanime de tous les héritiers concernés par la succession de la mère. Si tous les enfants de la mère sont d'accord pour que cette succession soit réglée indépendamment et pour renoncer aux actions en réduction, le notaire pourrait être en mesure de le faire.
Cependant, il y a des réserves importantes.
Le notaire pourrait-il refuser de traiter séparément les successions? Si oui, pourquoi ?
Oui, le notaire pourrait refuser ou être très réticent, et ce pour de bonnes raisons :
Interdépendance des successions : Même si la contestation porte sur la succession paternelle, le fait que la donation immobilière concerne un bien commun au couple crée un lien intrinsèque entre les deux successions. Si la valeur de ce bien est réévaluée par le Tribunal pour la succession du père, cela aura des répercussions sur la masse successorale de la mère, et donc sur les calculs de rapport et de réduction pour sa propre succession, même si vous y renoncez. Le notaire ne peut pas finaliser une succession si l'un de ses éléments constitutifs (ici, la valeur d'un bien commun) est encore incertain ou contesté judiciairement.
Sécurité juridique : Le notaire a une obligation de conseil et de sécurité juridique de l'acte qu'il établit. S'il réalise un partage partiel alors qu'un élément fondamental (la valeur d'un bien commun) est en litige devant le Tribunal, il prend le risque que ce partage soit ensuite contesté ou remis en cause, entraînant de nouvelles procédures et potentiellement sa responsabilité. Il ne souhaite pas que son acte soit "caduque" ou "faux" suite à la décision du Tribunal.
Complexité des comptes d'indivision et de succession : Lors du décès d'un couple, il y a souvent des flux financiers et des dettes/créances entre les deux patrimoines. Séparer prématurément les successions peut rendre les comptes finaux extrêmement complexes, voire impossibles à équilibrer correctement sans la résolution du point litigieux.
Décision du premier jugement : Si le premier jugement a ordonné le partage "des successions d'un couple" sans spécifier de séparation, le notaire pourrait se sentir lié par une approche globale ordonnée par la justice.
En conclusion :
Bien que la renonciation à l'action en réduction par les héritiers de la mère soit un pas vers la simplification, elle ne résout pas nécessairement le problème sous-jacent de la dépendance de la valeur des biens communs à la décision du Tribunal.
Votre meilleure démarche est de discuter très précisément de cette proposition avec votre notaire et votre avocat. Expliquez-leur que vous êtes prêt à renoncer aux réductions côté maternel et demandez-leur si, au vu de la nature exacte de la contestation sur la donation du père (porte-t-elle sur le principe de la donation, ou sur la valeur du bien commun à l'instant T ?), un partage partiel de la succession de la mère serait juridiquement solide et acceptable pour le notaire.
Il est probable que le notaire insiste sur le fait que tant que la valeur de la donation du bien commun n'est pas définitivement fixée par le Tribunal, il ne pourra pas finaliser complètement la liquidation de la succession de la mère sans risque d'erreur ou de contestation future.
Merci d'indiquer que j'ai répondu à votre question en cliquant sur le bouton vert de ma réponse.
Bonjour Maitre,
Je suis très agréablement surpris par la rapidité de votre réponse et par la richesse de son contenu. Je découvre beaucoup de choses sur la complexité des successions dans une famille dite " recomposée". Hélas cela ne va pas dans le sens que je souhaiterais mais vous m'avez très bien informé de ce à quoi je dois m'attendre.
Merci beaucoup.
Cordialement, Franck
il y a 1 jour
Je vous en prie.
Bien à vous
il y a 1 jour
Cliquez ici pour ajouter un commentaire