Les conditions de la reconnaissance de l'adultère comme une faute justifiant un divorce aux torts exclusifs de l'époux infidèle
En matière de divorce pour faute, le fait illicite doit consister en un manquement aux " devoirs et obligations du mariage ".
Pour déterminer si la faute commise par un époux est susceptible de fonder une demande en divorce pour faute, il convient donc d'identifier l'obligation ou le devoir qui a été violé.
Au nombre des devoirs et obligations qui doivent être observés par les époux figurent notamment :
- L'obligation de vie commune ;
- Le devoir de respect ;
- Le devoir de fidélité ;
- Le devoir de secours ;
- Le devoir d'assistance ;
- L'obligation de contribuer aux charges du mariage.
La jurisprudence et la doctrine précisent de manière constante que la faute relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.
Ainsi, en matière d'adultère, pour que celui-ci soit reconnu comme une faute justifiant le divorce aux torts exclusifs du conjoint infidèle, les conditions suivantes doivent être remplies :
- La faute doit rendre le maintien de la vie commune intolérable ;
- La faute constitue une violation grave et/ou renouvelée aux devoirs et obligations du mariage ;
- L'époux plaignant dispose de preuves tangibles et recevables de ses accusations ;
- L'adultère est réalisé intentionnellement et volontairement par l'époux infidèle, et a entraîné des conséquences considérables sur le mariage et la vie familiale.
Étant précisé que la charge de la preuve du manquement aux devoirs du mariage repose sur l'époux à l'origine de la demande en divorce pour faute.
Et force est de constater qu'une telle preuve est aujourd'hui difficile à apporter à l'aune des évolutions légales et jurisprudentielles.
La preuve de l'adultère à l'aune des dernières évolutions jurisprudentielles
Si l'adultère peut être établi par tout mode de preuve (Article 259 du Code Civil), il demeure que celle-ci doit être loyale et légale.
Pour qu'elles soient prises en compte par le Juge, les preuves doivent ainsi être obtenues de manière non frauduleuse.
Tel n'est notamment pas le cas :
- De preuves obtenues suite à une menace, une violence ou une fraude ;
- De preuves portant atteinte à la vie privée du conjoint ;
- De preuves obtenues par intrusion illégale (exemple : piratage de téléphone).
Aux termes d'une jurisprudences récente, il est ainsi constant que :
- S'agissant de SMS : Ceux-ci ne doivent pas provenir d'un téléphone verrouillé par un mot de passe. Si c'est le cas, cette preuve n'est pas admissible car constitue une violation de la vie privée de l'autre conjoint. Les SMS doivent provenir d'un téléphone familial par exemple ;
- S'agissant de mails : à l'instar des SMS, les mails ne doivent pas provenir d'une boite mail à laquelle le conjoint aurait accédé de façon frauduleuse.
Par ailleurs, il est désormais nécessaire de démonter le caractère de gravité de la violation au devoir de fidélité.
Pour ce faire, le Juge peut examiner si des fautes ont été commises par l'autre époux, et si ces fautes sont de nature à enlever à l'adultère le caractère de gravité.
Il est ainsi admis, dans certaines circonstances, que les torts initiaux d'un conjoint sont si graves que l'autre époux s'est octroyé une liberté admissible.
Pour exemple, si un époux a des torts graves (abandon du conjoint par exemple), l'adultère de l'autre époux, postérieurement à l'abandon, peut être excusé par le Juge.
A ainsi notamment été jugé que " la distance affective peut expliquer l'éventuelle liaison adultérine de l'épouse à laquelle, elle ôte le caractère fautif de l'adultère, a supposé avéré."
Force est ainsi de constater que les règles entourant le devoir de fidélité entre époux sont aujourd'hui moins nettes et tranchées qu'auparavant.