Les éléments tirés de la vie personnelle du salarié et la relation de travail
L’employeur peut-il se fonder sur un élément tiré de la vie personnelle du salarié pour prendre une décision telle qu’une sanction disciplinaire ou un licenciement disciplinaire ?
- Le licenciement pour trouble objectif cause au fonctionnement de l’entreprise
Selon la Cour de cassation, si en principe, il ne peut être procédé au licenciement d’un salarié pour une cause tirée de sa vie privée, il en est autrement lorsque le comportement de l’intéressé, compte tenu de ses fonctions et de la finalité propre de l’entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière (Cass. soc. 20 novembre 1991).
En découlent 2 conséquences :
- un fait tiré de la vie personnelle ne peut justifier une procédure disciplinaire.
Le principe est celui de l’immunité disciplinaire pour les faits liés à la vie personnelle du salarié. L’employeur ne peut engager une procédure disciplinaire suite à un évènement qui concerne le salarié mais qui est survenu en dehors du temps et du lieu de travail (ex. l’incarcération du salarié, son divorce avec la fille du dirigeant de l’entreprise, etc),
- Un fait tiré de la vie personnelle peut justifier un licenciement NON disciplinaire si l’employeur démontre l’existence d’un trouble objectif causé à l’entreprise par le comportement du salarié.
Ici, la cause de licenciement repose non sur une faute du salarié, mais sur le trouble objectif causé à l’entreprise par le comportement de ce salarié.
En effet, même si le comportement du salarié ne se rattache pas à sa vie professionnelle, il peut de façon exceptionnelle constituer une cause non fautive de licenciement.
Pour pouvoir invoquer l’existence d’un trouble objectif, il faut donc apprécier trois catégories de critères :
- Les fonctions du salarié. Par exemple, le comportement perturbateur est plus facilement constaté pour un cadre que pour un employé,
- La finalité propre de l’entreprise,
- Les conséquences objectives pour l’entreprise de l’agissement du salarié. La simple invocation d’une perte de confiance à l’égard du salarié est subjective, et ne suffit pas à démontrer un trouble objectif causé à l’entreprise (Cass. soc. 16 décembre 1998, Bull. civ. V, n° 559).
- Vie personnelle et sanction disciplinaire
Par exception, un employeur peut se fonder sur un fait tiré de la vie personnelle du salarié pour prononcer une sanction disciplinaire dans deux principaux cas :
- Lorsque le fait relevant de la vie personnelle peut être rattaché à la vie professionnelle du salarié,
Ce rattachement d'un fait à la vie professionnelle peut trouver son origine dans les fonctions du salarié.
Par exemple, le fait pour un salarié chauffeur à la conduite de véhicules automobiles de se voir retirer son permis de conduire pour des faits de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, même commis en dehors de son temps de travail, se rattache à sa vie professionnelle (Cass. soc., 2 déc. 2003).
De même, des faits qui se sont produits en dehors du temps de travail mais à l’intérieur de l’entreprise peuvent être rattachés à la vie professionnelle du salarié.
Par exemple, un salarié passible de sanctions disciplinaires le salarié ivre qui se livre dans l'entreprise, mais en dehors de son temps de travail, à des actes de violence (Cass. soc., 28 mars 2000).
- La violation de l'obligation de loyauté.
Même en dehors de son temps de travail et du lieu de travail, le salarié reste lié à son employeur par une obligation de loyauté.
L’employeur peut donc prononcer une sanction disciplinaire, allant jusqu’au licenciement pour faute grave, à l’encontre d’un salarié qui a utilisé une période de congés pour effectuer une formation au sein d’une entreprise concurrente (Cass. soc. 10 mai 2001).
Est aussi fautif, le fait pour un mécanicien automobile de procéder pendant une période d'arrêt de travail à la réparation d'un véhicule pour son compte en faisant appel à un autre mécanicien de la société (Cass. soc., 21 octobre 2003).