Cher monsieur,
C'est une excellente question qui touche à un point fondamental de la procédure d'appel : le principe de la stabilité des parties et les modalités de la succession d'une société à une autre.
Lorsqu'un appel est formé, les parties à la procédure sont clairement désignées dans la déclaration d'appel. Ce principe est crucial pour garantir les droits de la défense et la bonne administration de la justice. L'appelant doit pouvoir identifier précisément contre qui il exerce son recours.
Vous soulevez un point très pertinent : une société intimée peut-elle modifier unilatéralement sa désignation, en prétendant qu'une autre société lui a succédé sans qu'une fusion (ou une autre opération de restructuration comme une scission, un apport partiel d'actifs, ou une transmission universelle de patrimoine - TUP - en cas de dissolution sans liquidation d'une EURL/SASU) n'ait été officiellement enregistrée au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS) ?
La réponse est clairement non, l'intimée n'a pas le droit de modifier unilatéralement la désignation de la partie intimée pour ce motif.
Le juge ne peut statuer que sur les parties qui lui sont régulièrement soumises. La Cour de cassation rappelle constamment que l'instance est liée entre les parties désignées dans les actes de procédure (déclaration d'appel, conclusions). Modifier cette désignation sans justification légale ou sans acte juridique de substitution est une violation de ce principe.
Pour qu'une société "vienne aux droits" d'une autre (c'est-à-dire lui succède légalement dans ses droits et obligations), il faut qu'une opération juridique de restructuration (fusion, scission, TUP, etc.) ait eu lieu. Ces opérations doivent impérativement être publiées et enregistrées au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS) pour être opposables aux tiers (y compris à l'appelant).
La Cour de cassation exige que la société qui se prétend titulaire des droits de l'autre (par exemple, par fusion-absorption) produise les extraits Kbis des deux sociétés (celle qui absorbe et celle qui est absorbée) attestant de la fusion et de la radiation de la société absorbée.
Tant que cette publication et cette radiation n'ont pas eu lieu, la société désignée initialement reste la partie à la procédure.
La Cour de cassation a jugé à plusieurs reprises que la seule allégation d'une succession par fusion-absorption est insuffisante. Il faut la preuve de la publicité légale de cette fusion (Cass. Com., 15 mai 2001, n° 98-17.702 ; Cass. 2e Civ., 16 septembre 2004, n° 02-14.819). Sans cette preuve, la société originellement appelée reste la seule partie.
L'appelant a formé son recours contre une entité juridique précise. Cette entité ne disparaît pas de la procédure du simple fait qu'elle allègue qu'une autre société lui a succédé, surtout si cette succession n'est pas rendue publique par les formalités du RCS. Il n'y a pas de "dessaisissement" automatique de la première intimée au profit d'une prétendue nouvelle partie.
Permettre une telle modification unilatérale mettrait l'appelant dans une situation intenable : il ne saurait plus contre qui il agit, ni si le jugement rendu sera exécutoire. C'est pourquoi les tribunaux sont très stricts sur l'identité des parties.
Ce que l'intimée devrait faire (si une succession légale existe)
Si une opération de restructuration (fusion, TUP, etc.) a réellement eu lieu, la société qui vient aux droits de l'autre devrait :
Intervenir volontairement dans la procédure (si elle n'était pas initialement partie).
Produire les documents officiels (extraits Kbis, traité de fusion, procès-verbal d'assemblée générale) attestant de la succession légale et de sa publication au RCS.
En l'absence de ces preuves formelles et de la publicité au RCS, la société initialement désignée dans la déclaration d'appel reste la partie légitime à l'instance. Si l'intimée persiste à vouloir imposer cette "nouvelle" désignation sans preuve, vous pouvez le soulever devant la Cour d'appel, qui devra en tirer les conséquences sur l'identité des parties à la procédure.
Merci d’indiquer que j’ai répondu à votre question en cliquant sur le bouton vert de ma réponse.
Cliquez ici pour commenter la réponse ci-dessus