Bonjour Maître,
Je vous remercie pour vos réponses.
J’aurais une question concernant la garantie décennale : le fait de résilier le contrat aux torts exclusifs de l’artisan permet-il d’enclencher la garantie décennale ?
Bien cordialement
il y a 7 jours
Cher monsieur,
C'est une situation malheureusement fréquente et très stressante, surtout avec un crédit immobilier qui court. Vous avez plusieurs leviers d'action pour contraindre cet artisan et obtenir réparation.
Il convient de distinguer plusieurs points dans votre situation.
I. Contraindre l'artisan à terminer les travaux
La première étape est de formaliser les choses pour laisser une trace écrite de toutes vos démarches.
1. Mise en Demeure de Reprendre et Finir les Travaux
Envoyez une Lettre Recommandée avec Accusé de Réception (LRAR) à l'artisan. C'est un préalable indispensable avant toute action judiciaire.
Contenu de la lettre :
Rappelez le contrat signé (date, nature des travaux, délai initial d'un mois et demi).
Constatez le dépassement de délai (8 mois écoulés).
Liste des travaux restants à effectuer.
Listez les malfaçons déjà constatées (même si non définitives).
Mettez-le en demeure de reprendre et achever les travaux sous un délai précis et raisonnable (ex: 8, 10 ou 15 jours).
Indiquez qu'à défaut, vous serez contraint de faire appel à une autre entreprise, à ses frais, et d'engager les procédures nécessaires pour obtenir réparation de tous vos préjudices.
Gardez précieusement une copie de cette lettre et l'avis de réception.
2. Constat d'Huissier (Commissaire de Justice)
Si l'artisan ne réagit pas à la mise en demeure, ou si la situation est très conflictuelle, faire réaliser un constat d'huissier est une preuve irréfutable de l'état d'avancement des travaux et des malfaçons. Cela aura un poids considérable si l'affaire va devant les tribunaux.
II. Engager la responsabilité de l'artisan et demander des dommages et intérêts
Vous pouvez engager différentes procédures pour obtenir réparation.
1. La responsabilité contractuelle pour inexécution ou mauvaise exécution
C'est le fondement principal de votre action pour le retard et les malfaçons.
Mise en demeure de s'exécuter ou d'indemniser : La LRAR mentionnée ci-dessus sert également à cela.
Résiliation du contrat aux torts exclusifs de l'artisan : Si l'artisan ne réagit pas à la mise en demeure et ne reprend pas les travaux, vous pourrez envisager de résilier le contrat.
Cette résiliation peut se faire soit par une nouvelle LRAR (résolution unilatérale pour inexécution grave, sous réserve qu'elle soit fondée et acceptée par le juge a posteriori), soit directement par la voie judiciaire.
Attention : Résilier unilatéralement un contrat peut être risqué si ce n'est pas fait dans les règles ou si les manquements de l'artisan ne sont pas jugés suffisamment graves par un tribunal. L'idéal est que la résiliation soit prononcée ou validée par un juge.
2. Action judiciaire pour dommages et intérêts
Si l'artisan refuse de s'exécuter ou de vous indemniser à l'amiable, vous devrez saisir le tribunal compétent (Tribunal Judiciaire).
Vous pourrez demander :
La condamnation de l'artisan à terminer les travaux sous astreinte (pénalité par jour de retard).
La résiliation du contrat à ses torts, avec la possibilité de faire réaliser les travaux par une autre entreprise à ses frais.
Des dommages et intérêts pour tous les préjudices subis.
III. La Garantie Décennale
La garantie décennale couvre les dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui le rendent impropre à sa destination, pendant 10 ans à compter de la réception des travaux.
Malfaçons avant réception : Les malfaçons que vous constatez avant la réception des travaux (comme c'est votre cas) relèvent de la responsabilité contractuelle de l'artisan, et non de la garantie décennale. C'est l'artisan qui est tenu de réaliser les travaux conformément au contrat et aux règles de l'art.
Enclenchement de la décennale par la résiliation ? Non. Le fait de résilier le contrat n'enclenche pas la garantie décennale. La garantie décennale ne commence à courir qu'à compter de la date de réception des travaux.
Que faire alors ? Si vous résiliez le contrat, vous devrez faire finir les travaux par une autre entreprise. Une fois les travaux achevés, il y aura une réception des travaux avec la nouvelle entreprise (ou une réception judiciaire si le contexte l'exige). C'est à partir de cette date que la garantie décennale de la nouvelle entreprise (si elle fait des malfaçons) ou une éventuelle responsabilité décennale de l'artisan initial pour des ouvrages déjà terminés et réceptionnés (ce qui n'est pas votre cas ici puisque les travaux ne sont pas finis) pourrait s'appliquer.
IV. Chiffrer votre préjudice
Pour demander des dommages et intérêts, vous devez pouvoir chiffrer vos pertes.
Préjudice de retard :
Coût de votre crédit immobilier : Multipliez vos mensualités de crédit (1 300 €) par le nombre de mois de retard par rapport au délai contractuel (8 mois - 1,5 mois = 6,5 mois de retard). Cela représente une base de calcul pour le préjudice lié à l'impossibilité d'utiliser l'appartement.
Frais supplémentaires : Logement temporaire, loyers payés ailleurs, garde-meuble, etc.
Manque à gagner : Si l'appartement était destiné à la location, vous pouvez chiffrer les loyers non perçus.
Préjudice lié aux malfaçons et non-achèvement :
Devis de reprise : Faites réaliser des devis par d'autres entreprises qualifiées pour l'achèvement des travaux restants et la reprise des malfaçons constatées. Cela vous donnera un coût précis à réclamer.
Expertise : Si les sommes sont importantes, une expertise judiciaire (demandée au juge) sera probablement nécessaire. Un expert désigné par le tribunal évaluera précisément l'étendue des malfaçons, les travaux nécessaires à leur reprise et le montant des préjudices.
Préjudice moral :
Le stress, l'angoisse, le désagrément causés par cette situation peuvent également être indemnisés. C'est le juge qui en fixera le montant.
Conseil essentiel :
Compte tenu de la complexité de la situation (retard, malfaçons, crédit immobilier, enjeux financiers), il est vivement recommandé de consulter un avocat spécialisé en droit de la construction dès que possible. Il pourra analyser votre contrat, évaluer précisément vos droits, vous aider à chiffrer votre préjudice, et vous guider à travers les différentes étapes juridiques. Il est crucial d'être bien accompagné pour maximiser vos chances d'obtenir gain de cause.
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