Bonjour,
Je comprends parfaitement votre détresse. Ce que vous vivez est une situation intenable et illégale, qui génère un stress psychologique immense. Vous n'êtes absolument pas dans l'obligation de "quémander" votre salaire, c'est un droit fondamental et l'employeur a des obligations très claires. Votre conseillère financière a raison, ce n'est vraiment pas bon signe.
Voici les faits, vos droits et les étapes que vous pouvez envisager.
Les pratiques illégales de votre employeur
Ce que votre employeur fait est totalement illégal à plusieurs titres :
Le paiement fractionné du salaire : Le Code du travail (Article L3242-1) stipule que le salaire doit être payé une fois par mois. Le fractionnement du paiement du salaire en plusieurs acomptes n'est pas permis, sauf cas très spécifiques (par exemple, un acompte sur le travail déjà effectué, mais le solde doit être versé à date fixe). Payer le salaire en plusieurs fois de cette manière, de façon irrégulière, est une infraction.
Le retard de paiement du salaire : Le salaire doit être versé à une date fixe, généralement en fin de mois ou au début du mois suivant le travail effectué. Tout retard est illégal.
Le paiement depuis un compte personnel : Un employeur doit payer ses salariés depuis le compte bancaire de l'entreprise. Payer depuis un compte personnel peut masquer des difficultés financières de l'entreprise, des tentatives de fraude, ou une confusion des patrimoines, ce qui est très préoccupant.
L'absence de justification : Les raisons invoquées par votre employeur ("l'état s'est grassement servi") ne sont pas valables. Les cotisations sociales sont prélevées sur le salaire brut, mais le salaire net doit être versé au salarié à la bonne date.
Vos droits et les actions à mener
Vous devez agir rapidement pour protéger vos droits et votre situation financière et psychologique.
Rassemblez toutes les preuves :
Fiches de paie : Elles indiquent normalement la date d'établissement et le montant net à payer.
Relevés bancaires : Ils prouvent les dates et montants des virements reçus, ainsi que les rejets de prélèvement et les frais bancaires associés.
Communications écrites : Conservez tous les SMS, e-mails, ou autres messages où vous réclamez votre salaire et où votre employeur répond ou justifie ses retards.
Témoignages des collègues : Les discussions avec vos collègues prouvent que cette pratique est systématisée et que vous n'êtes pas un cas isolé.
Mise en demeure formelle de votre employeur :
Envoyez une lettre recommandée avec accusé de réception à votre employeur.
Exigez le paiement intégral et à date fixe de votre salaire (y compris le reliquat qui vous est dû pour le mois en cours, et les mois précédents si applicable).
Exigez le remboursement de tous les frais bancaires (rejets, agios, etc.) occasionnés par ces retards. Joignez les relevés prouvant ces frais.
Indiquez que ses pratiques sont illégales et contraires au Code du travail.
Fixez une date limite très courte (par exemple, 48 ou 72 heures) pour le paiement et le remboursement des frais.
Conservez précieusement l'original de votre lettre et l'accusé de réception.
Contactez les autorités compétentes :
L'Inspection du Travail : C'est l'organisme qui veille au respect du Code du travail.
Vous pouvez signaler les pratiques de votre employeur (paiement fractionné, retards de salaire, paiement depuis un compte personnel).
Ils peuvent intervenir auprès de l'employeur pour lui rappeler ses obligations et constater les infractions.
C'est une démarche confidentielle.
Site : https://code.travail.gouv.fr/contact (rubrique "Contacter l'inspection du travail").
Le Conseil de Prud'hommes : C'est la juridiction compétente pour régler les litiges entre salariés et employeurs.
Vous pouvez saisir le Conseil de Prud'hommes pour demander le paiement de vos salaires et des frais bancaires.
Vous pouvez également demander des dommages et intérêts pour le préjudice subi (stress, angoisse, dégradations psychologiques et financières). Les juges sont sensibles à l'impact des retards de salaire sur la vie des salariés.
Le fait que 5 de vos collègues aient démissionné et que la pratique soit connue dans l'entreprise constitue un élément de preuve important.
L'action en justice peut également permettre de rompre votre contrat de travail aux torts de l'employeur (prise d'acte de rupture), ce qui équivaudrait à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, vous donnant droit à des indemnités et au chômage.
Important : Avant de saisir le Conseil de Prud'hommes, une tentative de conciliation est souvent obligatoire.
Envisagez de démissionner (après avoir sécurisé vos arrières) :
La situation est intenable et affecte gravement votre santé. Cependant, démissionner sans précaution peut vous priver de certains droits (notamment aux allocations chômage).
Si vous devez partir rapidement, vous pouvez envisager une prise d'acte de la rupture du contrat de travail ou une résiliation judiciaire du contrat. Ces deux options permettent de faire constater par le Conseil de Prud'hommes que le contrat a été rompu en raison des fautes graves de l'employeur, et donc d'obtenir les indemnités liées à un licenciement abusif et l'ouverture de vos droits au chômage.
Ces démarches sont complexes et nécessitent impérativement l'accompagnement d'un avocat.
Pourquoi agir avec un avocat ?
Un avocat spécialisé en droit du travail pourra analyser toutes vos preuves, vous conseiller sur la meilleure stratégie (Inspection du Travail, Prud'hommes, prise d'acte), rédiger les courriers et les requêtes, et vous représenter.
Il est essentiel d'être bien défendu face à un employeur qui ne respecte pas la loi.
Ce que vous vivez est une forme de harcèlement moral par la pression financière. Vous avez le droit d'être payé correctement et à temps. Ne laissez pas cette situation vous détruire. Prenez les devants et faites-vous accompagner.
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il y a 1 jour
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