Bonjour,
Je comprends parfaitement votre détresse et le sentiment d'impuissance face à une telle situation. Être confronté à des refus d'aide juridictionnelle alors que l'on se sait éligible et avoir des dossiers jugés fondés est une "maltraitance institutionnelle" comme vous le dites, et un obstacle majeur à l'accès à la justice. C'est d'autant plus difficile que les décisions du Bureau d'Aide Juridictionnelle (BAJ) de la Cour d'appel sont, en effet, insusceptibles de recours.
Examinons les points que vous soulevez :
1. Quels recours contre un refus d'AJ insusceptible de recours ?
L'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique stipule que les décisions du président du bureau d'aide juridictionnelle (ou de la cour d'appel en cas de recours) ne sont pas susceptibles de recours. C'est une particularité forte de cette procédure.
Cependant, cette absence de recours direct ne signifie pas que vous êtes totalement démuni face à un dysfonctionnement grave de l'administration.
Le Défenseur des Droits : Vous l'avez déjà saisi. Même si le résultat n'a pas été satisfaisant la première fois, il est possible de le resaisir si de nouveaux éléments apparaissent (comme les refus successifs malgré l'éligibilité). Insistez sur le caractère systémique du problème et l'atteinte à votre droit d'accès à un juge. Le Défenseur des Droits n'a pas un pouvoir contraignant, mais ses recommandations peuvent faire bouger les lignes et ses rapports peuvent avoir un poids.
Recours contentieux contre l'État (voir point 2) : C'est la voie la plus lourde, mais potentiellement la plus efficace pour obtenir reconnaissance et réparation d'un préjudice lié à un dysfonctionnement du service public de la justice.
Action en responsabilité disciplinaire ou administrative (limitée) : En théorie, un comportement fautif d'un agent ou d'un service peut faire l'objet de signalement. Mais en pratique, pour des refus d'AJ, c'est très difficile à mettre en œuvre et rarement efficace pour débloquer votre situation.
2. Poursuivre l'État (représentant le BAJ) : sur quels fondements juridiques ?
Oui, vous pouvez envisager de poursuivre l'État pour faute lourde du service public de la justice ou pour un dysfonctionnement du service public de la justice qui vous aurait causé un préjudice. Cela relève du droit de la responsabilité administrative.
Les fondements précis pourraient être :
La faute lourde du service public de la justice : C'est une faute d'une gravité telle qu'elle révèle une défaillance manifeste de l'administration. Des refus répétés et injustifiés d'aide juridictionnelle, alors que votre éligibilité et le bien-fondé de vos demandes (selon des avocats) sont avérés, pourraient être interprétés comme une faute lourde, notamment si cela vous prive de manière effective de l'accès à la justice.
Le dysfonctionnement du service public : Même sans caractériser une faute lourde, un dysfonctionnement grave et répété du BAJ qui vous prive de manière anormale de votre droit à l'AJ peut engager la responsabilité de l'État.
Atteinte au droit à un procès équitable (Article 6 § 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme) : Le refus d'aide juridictionnelle peut, dans certains cas extrêmes, être considéré comme une violation de votre droit à un procès équitable si cela vous empêche concrètement d'accéder à un juge pour défendre vos droits. C'est un argument souvent invoqué dans ces situations.
Objectif de la poursuite : Obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice que vous avez subi du fait de ce refus (préjudice moral, préjudice matériel si vous avez dû avancer des frais, perte de chance de défendre vos dossiers, etc.).
Compétence : Le recours se fera devant le Tribunal Administratif compétent (celui du lieu où siège le BAJ qui a pris la décision, donc probablement Caen dans votre cas).
3. Comment trouver un avocat acceptant l'aide juridictionnelle pour ce type de recours ? Quelle spécialité ?
C'est effectivement le cœur du problème et le cercle vicieux que vous décrivez.
Spécialité : Il vous faut un avocat spécialisé en droit public ou plus spécifiquement en droit administratif, car vous allez poursuivre l'État. Un avocat avec une bonne connaissance du droit de l'aide juridictionnelle serait un plus.
Comment le convaincre ? C'est la partie la plus difficile, car un avocat désigné au titre de l'AJ est rémunéré par l'État. Or, si le BAJ refuse l'AJ pour votre dossier principal, il y a de fortes chances qu'il refuse aussi pour le recours contre l'État (sauf si vous déposez une nouvelle demande d'AJ spécifiquement pour le recours contre l'État en expliquant la situation).
Stratégie :
Expliquez précisément votre dossier : Insistez sur le caractère répété des refus malgré votre éligibilité, les écrits d'autres avocats, et votre situation de handicap.
Précisez l'enjeu : Montrez que la question n'est plus seulement d'obtenir l'AJ pour vos dossiers originels, mais de faire reconnaître une faute de l'État qui vous prive d'un droit fondamental.
Dossier béton : Présentez un dossier déjà très bien étayé avec toutes les preuves de vos demandes d'AJ, les refus, les attestations d'avocats, et les preuves de votre éligibilité (revenus).
Recherche spécifique : Cherchez des avocats qui ont déjà traité des dossiers de responsabilité administrative ou de recours contre l'État. Certains cabinets sont plus audacieux et pourraient être intéressés par la complexité et l'aspect "principe" de votre affaire, même s'ils savent que la rémunération via l'AJ peut être un parcours du combattant.
Consultation initiale : Demandez des consultations gratuites ou à tarif réduit pour exposer votre cas. Si l'avocat pense que le dossier est solide, il sera plus enclin à vous aider.
4. Convaincre un avocat de vous défendre au titre de l'AJ contre l'État
Comme dit précédemment, c'est le défi. L'avocat est conscient que sa rémunération dépendra de la décision du BAJ.
La nouvelle demande d'AJ : Vous devrez déposer une nouvelle demande d'aide juridictionnelle spécifiquement pour l'action en responsabilité contre l'État. Dans cette demande, vous devrez motiver pourquoi vous estimez que le BAJ a commis une faute en refusant l'AJ pour vos dossiers précédents, et pourquoi cette nouvelle demande doit être acceptée pour vous permettre d'ester en justice contre l'État lui-même.
Le principe "pas de travail sans désignation" : Oui, c'est une réalité pour les avocats travaillant à l'AJ. Cependant, un avocat peut accepter de monter le dossier de demande d'AJ pour le recours contre l'État et de commencer à préparer le terrain si le dossier lui semble très solide, mais sans engagement formel de sa part avant la désignation.
Associations d'avocats/du Barreau : Certaines structures du Barreau (commissions d'aide juridictionnelle) ou des associations d'avocats peuvent avoir des avocats plus impliqués dans la défense des droits fondamentaux.
5. Autres organismes juridiques de défense des "laissés-pour-compte" (hors Défenseur des Droits)
Étant en situation de handicap et vulnérable, il existe d'autres structures :
Associations d'aide aux victimes et d'accès au droit : De nombreuses associations locales ou nationales offrent des consultations juridiques gratuites ou des permanences. Cherchez celles qui aident spécifiquement les personnes en situation de handicap ou les victimes de discrimination. Elles peuvent vous orienter vers des avocats.
Maisons de Justice et du Droit (MJD) : Elles proposent des consultations juridiques gratuites et peuvent vous orienter.
Conseils Départementaux de l'Accès au Droit (CDAD) : Présents dans chaque département, les CDAD ont pour mission de développer l'accès au droit. Ils peuvent vous informer sur vos droits, vous orienter vers des professionnels du droit ou des associations.
Associations de défense des droits des personnes handicapées : Elles connaissent les spécificités juridiques liées au handicap et peuvent vous apporter un soutien.
Le Droit au Logement (DAL) ou d'autres associations de défense des locataires/citoyens : Elles n'ont pas un rôle juridique direct sur l'AJ, mais peuvent soutenir des actions face aux institutions.
Concernant le Défenseur des Droits : Le fait qu'il n'ait pas pu vous aider la première fois ne signifie pas que le recours est inutile. Si vous fournissez un dossier encore plus étayé sur le caractère répété et injustifié des refus, il pourrait avoir un poids plus important.
Votre situation est un cas d'école de l'accès effectif à la justice. Ne baissez pas les bras. La persévérance, la documentation précise de votre dossier, et la recherche ciblée d'un avocat sont vos meilleures armes.
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il y a 4 jours
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