Le contexte : une élection dans une ligue régionale de sport de combat
Le 1er décembre 2024, la Ligue Occitanie de Kickboxing, Muaythaï et Disciplines Associées (LOKMDA), organe déconcentré régional de la Fédération française de Kickboxing, Muaythaï et disciplines associées (FFKMDA), organise une assemblée générale pour élire ses dirigeants.
Deux listes sont en compétition. Mais quelques minutes avant l'ouverture du scrutin, la liste conduite par un opposant au président sortant est écartée par ce dernier.
Les raisons avancées ?
- Sa liste de candidats n'aurait pas été envoyée par lettre recommandée mais seulement par courrier électronique ;
- Un des membres de la liste s'est désisté quelques jours avant le vote, ce qui rendrait la liste incomplète.
Résultat : seule la liste du président sortant reste en course et remporte naturellement l'élection.
Que dit le droit associatif en pareil cas ?
Le candidat évincé saisit le Tribunal judiciaire de Toulouse pour faire annuler l'élection. Il avance plusieurs arguments qui soulignent l'importance des statuts et méritent d'être connus de toute personne impliquée dans la vie associative, en particulier sportive :
- Les modalités de candidature
Les statuts de la ligue précisaient que les candidatures devaient être "parvenues au siège de la ligue" au moins 12 jours avant le scrutin. Rien n'y imposait formellement l'envoi par lettre recommandée. Or, dans l'appel à candidature diffusé par la ligue elle-même, deux options étaient proposées : envoi par courrier électronique ou par courrier recommandé.
L'appel à candidature - censé respecter les statuts - venait donc préciser les règles. Le candidat évincé avait bien respecté l'une des deux modalités proposées : l'envoi par courrier électronique.
- Désistement d'un membre de la liste
Un des membres de la liste s'était désisté après le dépôt officiel de la candidature.
Mais les statuts prévoyaient que les conditions d'éligibilité devaient être remplies au moment du dépôt de la liste. Le désistement intervenu plus tard ne devait donc pas rendre la liste invalide.
- Absence de notification écrite de la décision de rejet
Enfin, aucune décision écrite et motivée de rejet de la liste n'avait été transmise au candidat concerné avant l'assemblée générale.
Or, les statuts exigeaient qu'un tel rejet soit formalisé par écrit, permettant au candidat de réagir ou de contester.En matière associative, les statuts constituent la loi de l'association. Il est donc primordial de les examiner et de s'assurer qu'ils ont été respectés, notamment à l'occasion d'une assemblée générale, en particulier élective.
La décision du tribunal
Le Tribunal judiciaire de Toulouse a annulé l'élection.
Il a estimé que :
- La liste de candidats rejetée était valide et aurait donc dû être acceptée ;
- L'envoi de la liste par courrier électronique était conforme à l'appel à candidature et aux statuts ;
- Le rejet de la liste de candidats n'avait pas été notifié correctement, ce qui constitue une irrégularité majeure.
Le tribunal a donc désigné un mandataire ad hoc chargé d'organiser de nouvelles élections, en veillant à la transparence du processus. Cette décision illustre les conséquences en cas d'annulation d'une élection associative : un mandataire, c'est-à-dire un tiers, est nommé pour organiser de nouvelles élections, les dirigeants irrégulièrement élus n'étant pas à même de remplir cette mission.
L'importance de cette affaire pour toutes les associations
Cette affaire n'est pas isolée. Elle met en lumière plusieurs questions pratiques que tout responsable associatif (ou candidat à une élection) devrait se poser :
- Les règles sont-elles claires et cohérentes ?
Lorsque les statuts disent une chose mais qu'un appel à candidature en dit une autre, les adhérents peuvent être trompés. Il est essentiel que les modalités d'organisation soient simples, précises et cohérentes.
- Peut-on écarter une liste de candidats de manière discrétionnaire ?
Non. Une décision d'exclusion, surtout en matière électorale, ne peut pas être arbitraire. Elle doit répondre aux critères définis par les statuts de l'association et respecter la procédure fixée par ces derniers.
- Saisir le tribunal est-il obligatoire pour faire valoir ses droits ?
Dans certaines situations, oui. Mais il existe aussi des modes alternatifs de règlement des différends, comme la conciliation via le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF), qui avait d'ailleurs été tentée dans cette affaire. Dans la plupart des cas, en matière sportive, la conciliation devant le CNOSF constitue même un préalable obligatoire à la saisine du tribunal.
A retenir pour vos futures élections associatives
Que vous soyez candidat ou dirigeant, des réflexes simples sont à adopter :
- Lisez attentivement les statuts de l'association : ce sont vos "règles du jeu" ;
- Formulez clairement vos appels à candidature ;
- Respectez les délais et les formes de notification prévues par les statuts.
Et surtout : en cas de doute, consultez un professionnel pour éviter des élections annulées et des conflits internes, ou pour contester les délibérations d'une assemblée générale si celle-ci vous semble irrégulière.