Les conditions du référé suspension : urgence et doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée
Le référé suspension est une procédure d'urgence prévue par l'article L.521-1 du Code de justice administrative. Elle permet de suspendre l'exécution d'une décision administrative (telle qu'une décision émanant d'une fédération sportive délégataire, en particulier relative à l'organisation des compétitions) si deux conditions cumulatives sont réunies :
- l'urgence, qui est caractérisée en présence d'un préjudice immédiat et grave causé à la situation du requérant. En l'espèce, le FC 93 Bobigny faisait valoir que l'impossibilité d'accéder au championnat National 1 lui causait un préjudice financier et une perte de chance de percevoir des subventions liées à l'accession en division supérieure ;
- l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée. Au cas présent, le club arguait que la décision de la FFF de ne pas l'intégrer au championnat National 1 constituait une rupture d'égalité entre les équipes et était contraire au principe de l'équité sportive.
Cependant, la jurisprudence rappelle qu'une décision administrative doit encore être susceptible d'exécution pour pouvoir être suspendue dans le cadre d'un référé suspension. Dit autrement, si la décision a produit tous ses effets – par exemple, lorsque le championnat a déjà débuté – le juge ne peut plus en ordonner la suspension.
La décision du juge administratif : le début des championnats conduit au rejet de la requête
Dans l'affaire du FC 93 Bobigny, le juge des référés a relevé que les championnats de National 1 et de National 2 avaient débuté respectivement les 8 et 16 août 2025. La décision fixant leur composition devait donc être regardée comme entièrement exécutée.
Cette position n'est pas nouvelle :
- en 2024, le GOAL FC, relégué de National 1 en National 2, avait vu sa requête rejetée pour la même raison par le Tribunal administratif de Paris.
- Plus largement, la jurisprudence administrative considère qu'une décision sportive relative à la détermination des clubs appelés à participer à une compétition devient insusceptible de suspension dès le coup d'envoi de la saison.
Point clé : le contentieux du référé suspension en matière sportive se heurte à l'impossibilité de suspendre une décision entièrement exécutée. Ce principe protège la stabilité des compétitions mais limite fortement les recours ouverts aux clubs : le FC 93 Bobigny n'a pu obtenir gain de cause, quand bien même il existait une place vacante laissée par la relégation tardive de l'AC Ajaccio.
Les limites des règlements fédéraux et la nécessité d'une réforme
Le coeur du problème réside dans le calendrier réglementaire :
- les groupes de National 1 et de National 2 doivent être homologués au plus tard le 17 juillet par le Bureau Exécutif de la Ligue du Football Amateur ("BELFA").
- Or, la DNCG peut encore prononcer des décisions de relégation administrative après cette date, comme ce fut le cas pour l'AC Ajaccio le 13 août 2025.
Ce décalage crée des situations paradoxales : un championnat est homologué avec un nombre déterminé de clubs, mais quelques semaines plus tard une relégation laisse une place vacante, sans possibilité réglementaire d'y remédier.
Conséquence pratique : le championnat National 1 2025-2026 sera disputé par 17 clubs et non 18, malgré l'existence d'un candidat légitime. En pareil cas, les clubs doivent tenir compte de ces contraintes règlementaires, anticiper les délais correspondants et envisager une stratégie procédurale en conséquence.Dans le prolongement de cette affaire, la FFF a d'ailleurs annoncé la mise en place d'un groupe de travail destiné à réviser ses règlements afin d'éviter que de telles situations se reproduisent à l'avenir.
Conseils pratiques aux dirigeants de clubs amateurs
Pour les dirigeants de clubs amateurs, cette affaire offre plusieurs enseignements utiles :
- Anticiper les délais : surveillez attentivement le calendrier fédéral (dates d'homologation des groupes, décisions de la DNCG, débuts de championnat). Un recours introduit trop tard est voué à l'échec.
- Constituer un dossier solide : rassemblez sans attendre les éléments financiers, sportifs et réglementaires permettant de démontrer l'urgence et le caractère sérieux de la contestation.
- Utiliser la procédure de conciliation devant le CNOSF : avant de saisir le juge, il peut être utile de saisir le CNOSF dans le cadre d'une procédure de conciliation. Les dispositions du Code du sport permettent de mettre en ?uvre cette procédure en urgence et instaure un dialogue avec les instances fédérales, sous l'égide d'un conciliateur et de manière confidentielle, afin de tenter de parvenir à une solution amiable.
- Agir en amont de la saison : toute contestation doit, dans la mesure du possible, être initiée avant le premier match officiel. Une fois le championnat lancé, la marge de man?uvre juridique est quasi nulle.
- Se faire accompagner : dans des contentieux aussi techniques, le recours à un avocat est vivement recommandé afin de sécuriser les démarches et maximiser les chances de succès.
À retenir pour les clubs amateurs : la vigilance quant au calendrier et la réactivité dans la saisine des instances et/ou des juridictions sont essentielles pour protéger vos intérêts sportifs et éviter des situations irréversibles.