1. Un fait de la vie personnelle ne peut pas justifier un licenciement disciplinaire (sauf exceptions)
La salariée travaillait comme agent de service au sein d'une association chargée de la protection de l'enfance.
Ses fonctions consistaient à entretenir les locaux, pas à assurer le suivi éducatif des mineurs.
Pourtant, son employeur l'avait déjà sanctionnée par un avertissement puis par une mise à pied de trois jours parce qu'elle avait remis des Bibles à des jeunes accueillis.
En 2018, elle rend visite à une adolescente hospitalisée et lui offre un nouvel exemplaire.
L'employeur considère qu'il s'agit d'un comportement prosélyte et prononce son licenciement pour faute.
Or, ce geste avait eu lieu en dehors du temps de travail, en dehors du lieu de travail et sans lien avec ses fonctions professionnelles.
Dans ce contexte, il relevait uniquement de sa vie personnelle.
La Cour de cassation rappelle que ce type de fait ne peut pas servir de fondement à un licenciement disciplinaire.
2. La liberté religieuse est une liberté protégée contre les discriminations
La salariée contestait son licenciement en expliquant qu'il sanctionnait uniquement ses convictions religieuses.
La cour d'appel de Versailles avait rejeté cet argument. Pour elle, le comportement de la salariée relevait d'un abus de la liberté d'expression : remettre une Bible à une mineure vulnérable pouvait être considéré comme une tentative d'influence contraire aux valeurs de neutralité de l'association.
Mais la Cour de cassation a pris une position différente. Elle souligne que l'acte reproché n'était pas injurieux ni excessif, et qu'il avait été accompli en dehors de toute mission professionnelle.
Dans ces conditions, le licenciement constituait une discrimination fondée sur la religion, ce qui le rendait automatiquement nul.
3. Neutralité au travail : une obligation qui a des limites
L'association mettait en avant son règlement intérieur, qui impose à tous ses salariés une obligation de neutralité et de réserve, afin de protéger des mineurs fragiles et influençables.
La cour d'appel avait validé cet argument, considérant que même un agent de service pouvait entrer en contact avec les jeunes et risquait de les influencer.
La Cour de cassation nuance : la neutralité s'applique dans le cadre du contrat de travail, pas dans la vie personnelle. Ici, la salariée était agent de service et non éducatrice.
Elle n'était pas en mission lorsqu'elle a rendu visite à la mineure hospitalisée. Son geste ne relevait donc pas de ses obligations professionnelles.
La distinction est importante : si elle avait été éducatrice et avait agi dans le cadre de son travail, la solution aurait pu être différente.