(i) La rupture du contrat est-elle fautive ?
Même lorsque le contrat de freelance est très favorable à l'ESN, il est essentiel de vérifier que les conditions de résiliation ont été strictement respectées. À défaut, le freelance pourra invoquer une rupture fautive de son contrat et tenter d'obtenir, par voie transactionnelle ou devant les tribunaux, une indemnisation correspondant à son gain manqué jusqu'à la fin du contrat.
Il n'est par exemple pas rare que le contrat de freelance prévoie que la résiliation devra être effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception. Si cette exigence formelle est prévue dans le contrat et qu'elle n'est pas respectée, la rupture pourra être considérée comme fautive.
Il en va de même pour le préavis, qui doit être strictement respecté.
À noter que, même en cas de faute grave du freelance, la rupture du contrat par l'ESN pourra, dans certains cas, ouvrir droit à une indemnisation pour le freelance, si certaines conditions contractuelles ou légales de résiliation n'ont pas été respectées. Il est ainsi souvent nécessaire d'adresser une mise en demeure avant de pouvoir notifier la résiliation pour faute.
Au vu de ce qui précède, il est préférable de ne pas répondre à une notification de résiliation avant d'avoir analysé les conditions dans lesquelles celle-ci est intervenue. Un freelance qui répondrait par SMS à un message vocal de l'ESN lui annonçant la résiliation de son contrat pourrait ainsi se priver de l'argument selon lequel la résiliation ne lui a jamais été notifiée...
(ii) La rupture des relations est-elle brutale ?
À supposer même que la résiliation soit conforme au contrat, le freelance pourra envisager d'obtenir réparation sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies.
Cela suppose une certaine continuité dans les relations, c'est-à-dire une relation dans la durée, même sous des formes différentes et éventuellement via différents intermédiaires. Par exemple, une personne ayant d'abord travaillé indirectement via un contrat de portage salarial conclu avec une société tierce, puis directement via un contrat de freelance, auprès d'une ESN, pourra invoquer le fait que ces deux relations visaient à l'exécution d'une même prestation pour démontrer la continuité des relations avec l'ESN.
La durée et la nature des relations entre le freelance et l'ESN doivent également être prises en compte : s'agit-il d'un contrat à durée indéterminée ou d'un contrat à durée déterminée ? Selon la réponse à cette question, mais aussi en fonction de l'historique contractuel entre les parties (renouvellement de contrats à durée déterminée, par exemple), il sera plus ou moins aisé de qualifier une " relation commerciale établie " au sens du Code de commerce.
S'il y a effectivement eu une rupture brutale de la relation commerciale établie, le freelance pourra obtenir une indemnisation correspondant à sa marge sur coûts variables pour la durée du préavis qui aurait dû lui être accordé. Il a également la possibilité d'obtenir la publication du jugement à intervenir aux frais de l'ESN, ce qui est un instrument utile pour inciter ce dernier à transiger.
Confronté à la résiliation de son contrat, le freelance n'est donc pas totalement démuni, surtout s'il est en mesure de faire pression sur l'ESN pour obtenir une résolution rapide du différend. Pour ce faire, il pourra faire appel à un avocat, idéalement le plus tôt possible après la résiliation, afin d'identifier ensemble les meilleures solutions juridiques et procédurales.