Cher monsieur,
Bonjour,
Votre question est très pertinente car elle touche à un point de tension entre la loi et l'application administrative concernant la naturalisation, notamment pour les étudiants diplômés en France.
Analysons les deux éléments que vous mentionnez :
1. L'Article 21-26 du Code civil (Réduction du délai de résidence)
Cet article est clair et constitue le droit en vigueur :
"Le délai de cinq ans est réduit à deux ans pour l'étranger qui justifie avoir accompli avec succès deux années d'études supérieures en vue de l'obtention d'un diplôme délivré par un établissement d'enseignement supérieur français."
Ceci inclut les diplômés de Master en France. Le délai de résidence requis est donc légalement ramené à deux ans.
2. La "circulaire Retailleau de mai 2025" et l'exigence de 5 ans de vie professionnelle stable
C'est là que réside l'ambiguïté.
Nature d'une circulaire : Une circulaire est une instruction administrative. Son rôle est d'interpréter et de préciser l'application d'une loi. Elle ne peut pas créer de nouvelles lois ni contredire une loi existante. Si une circulaire va à l'encontre du Code civil, elle est illégale et peut être contestée devant les juridictions administratives.
L'exigence de vie professionnelle stable : Il est vrai que, au-delà du simple respect du délai de résidence, l'administration (préfectures et SDANF) évalue la qualité de l'insertion professionnelle de l'étranger demandant la naturalisation. Cela inclut la stabilité de l'emploi (CDI, revenus réguliers et suffisants pour subvenir à ses besoins), la contribution aux impôts et cotisations sociales. C'est un critère d'appréciation de l'intégration du demandeur dans la société française.
Dans la pratique, même pour les diplômés à 2 ans, une expérience professionnelle stable de quelques années (souvent 2 à 3 ans de CDI après l'obtention du diplôme) est fortement valorisée et souvent attendue pour que le dossier soit considéré comme solide. Cela ne signifie pas que c'est une exigence légale de 5 ans pour tous, mais plutôt une appréciation administrative de la solidité de l'intégration professionnelle.
Réponse à votre question :
Un étudiant étranger diplômé d’un master en France est-il désormais obligé d’attendre 5 ans de vie professionnelle pour faire la demande de naturalisation et pour pouvoir être naturalisé ?
En droit pur : Non. L'article 21-26 du Code civil est toujours en vigueur et prévoit bien un délai de résidence de 2 ans pour les diplômés de Master. Une circulaire ne peut pas abroger ou modifier cette disposition législative.
En pratique administrative : Il est possible que la circulaire Retailleau, si elle existe avec ce contenu, mette un accent très fort sur la nécessité d'une insertion professionnelle très solide et durable. Cela pourrait inciter les services préfectoraux à se montrer plus exigeants et à ne considérer un dossier comme "mur" et prêt à aboutir que s'il présente une vie professionnelle stable sur une durée plus longue (qui pourrait, dans certains cas d'appréciation subjective, approcher les 5 ans), même si le critère légal de résidence est de 2 ans.
Cette exigence va-t-elle à l’encontre du droit en vigueur ?
Si une circulaire imposait formellement et explicitement un délai de 5 ans de vie professionnelle comme une condition sine qua non pour les diplômés de Master, cela irait effectivement à l'encontre de l'article 21-26 du Code civil et pourrait être contesté devant les tribunaux administratifs pour excès de pouvoir.
Cependant, il est plus fréquent que les circulaires ne soient pas aussi directes, mais qu'elles durcissent l'interprétation des critères d'intégration, rendant la naturalisation plus difficile sans modifier explicitement la loi.
Que faire ?
Référez-vous à la loi : Votre droit à une réduction de délai de résidence à 2 ans en tant que diplômé de Master est inscrit dans la loi.
Préparez un dossier solide : Au-delà du délai, la qualité de votre insertion est primordiale. Avoir un CDI, des revenus suffisants et stables depuis un certain temps (même si ce n'est pas 5 ans) est un atout majeur. Montrez votre intégration sociale, linguistique et civique.
Consultez un spécialiste : Pour une situation aussi précise, il est fortement recommandé de consulter un avocat spécialisé en droit de la nationalité ou une association d'aide aux étrangers. Ils sont au fait des dernières instructions administratives (même les plus récentes comme celle que vous mentionnez) et de la manière dont elles sont appliquées concrètement par les préfectures, et pourront vous conseiller sur le meilleur moment pour déposer votre demande et sur les arguments à mettre en avant.
Il est important de distinguer ce qui est une condition légale stricte (le délai de résidence de 2 ans) de ce qui est une appréciation administrative de l'intégration (la solidité de la vie professionnelle). Les circulaires peuvent influencer la seconde, mais ne peuvent pas modifier la première.
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