Bonjour Victor,
Votre situation est complexe et soulève des questions de droit international et du travail. Voici une analyse détaillée pour vous orienter.
1. Poursuite simultanée des deux sociétés (France et Angleterre)
Oui, il est possible, sous certaines conditions, de poursuivre les deux sociétés simultanément pour "confusion de patrimoine" ou "simulation de transfert".
Le principe est le suivant : un transfert d'entreprise (TUP) est normalement conçu pour transférer l'ensemble de l'activité, des contrats et des dettes. Si votre ancien employeur a effectué une TUP vers une société anglaise mais continue la même activité sous une nouvelle entité française, cela peut être considéré comme une manoeuvre frauduleuse destinée à soustraire la nouvelle structure des dettes de l'ancienne (comme les dettes sociales, par exemple vos créances).
Pour engager la responsabilité de la nouvelle société française, vous devrez prouver la confusion de patrimoine entre l'ancienne et la nouvelle société. Les indices retenus par les tribunaux sont :
Identité de direction : mêmes gérants, mêmes dirigeants.
Identité d'activité : même objet social, même type de clients, même secteur d'activité.
Confusion des biens : mêmes locaux, mêmes équipements, mêmes moyens matériels.
Confusion des moyens humains : mêmes salariés.
Absence d'autonomie financière : la nouvelle société facture-t-elle ses services à l'ancienne ou à l'anglaise à un prix juste ? Y a-t-il des flux financiers anormaux ?
Dénomination sociale similaire.
Plus la confusion est grande, plus vous avez de chances de réussir à "faire tomber les masques" et à obtenir une condamnation solidaire des deux sociétés (l'anglaise et la nouvelle française).
Conclusion sur ce point : Vous pouvez tout à fait assigner les deux sociétés en justice en France. Vous devrez argumenter que la TUP vers l'Angleterre est fictive ou partielle, et que la nouvelle société française est en réalité la continuation de l'ancienne entreprise, ce qui la rend solidairement responsable de ses dettes.
2. Comment poursuivre une société basée en Angleterre ?
C'est la partie la plus technique. Le droit européen simplifie grandement les procédures, mais cela reste une démarche spécifique.
A. Compétence juridique : Quel tribunal est compétent ?
En vertu du Règlement Bruxelles I bis (règlement UE n° 1215/2012), applicable entre la France et le Royaume-Uni, la règle de base est que le salarié peut choisir de porter l'affaire soit devant les tribunaux du pays où il habite, soit devant les tribunaux du lieu où l'employeur est établi.
Cela signifie que vous pouvez très probablement saisir les tribunaux français (Conseils de prud'hommes), à condition de justifier que vous travaillez ou avez travaillé en France pour cet employeur.
B. Notification de l'assignation
C'est l'étape cruciale et coûteuse. Une fois que vous avez fait rédiger votre assignation par un avocat et que vous avez saisi le Conseil de prud'hommes, il faut la notifier officiellement à la société anglaise.
Procédure : Vous ne pouvez pas le faire par simple courrier. Il faut utiliser la procédure de notification transnationale. Votre huissier de justice en France transmettra l'acte au "Bureau de Transmission" français, qui l'enverra à l'autorité compétente au Royaume-Uni (généralement le "Foreign Process Section" de la High Court) pour qu'elle soit signifiée à la société à son siège social.
Coût et délai : Cette procédure est payante (plusieurs centaines d'euros) et peut ajouter plusieurs semaines, voire quelques mois, au processus.
Langue : L'assignation devra très probablement être accompagnée d'une traduction certifiée en anglais.
C. Exécution du jugement
Si vous gagnez votre procès en France contre la société anglaise, vous obtiendrez un jugement français. Pour faire exécuter ce jugement en Angleterre (par exemple, pour saisir des comptes bancaires ou des actifs), vous devrez le faire reconnaître là-bas. Grâce au règlement Bruxelles I bis, cette reconnaissance est quasi-automatique, mais il faudra encore une fois suivre une procédure spécifique via un avocat anglais.
Recommandations essentielles
Consultez un avocat spécialisé en droit du travail INTERNATIONAL. C'est absolument indispensable. La procédure contre une société étrangère est technique et une erreur de formalité peut tout faire échouer. Un avocat pourra :
Analyser la validité du transfert et les indices de confusion.
Rédiger une assignation correcte.
Gérer toute la procédure complexe de notification en Angleterre.
Vous conseiller sur la stratégie à adopter (poursuivre les deux sociétés est la bonne voie).
Rassemblez toutes les preuves de la "confusion" :
Extrait Kbis de l'ancienne et de la nouvelle société française (pour comparer dirigeants, adresse, activité).
Preuves que l'activité est la même (site web, publicités, emails de clients, etc.).
Organigramme, preuves que les mêmes personnes dirigent les deux entités.
Tous vos documents de travail (contrat, bulletins de paie, preuve que vous travailliez en France).
Vérifiez le périmètre exact de la TUP : Que contient l'accord de TUP ? Tous les salariés ont-ils été transférés ? Seulement certains ? L'activité a-t-elle été intégralement transférée ? Ces éléments sont déterminants.
En résumé, votre démarche est juridiquement fondée mais procéduralement complexe. La clé du succès réside dans le recours à un professionnel du droit pour vous accompagner.
Je reste à votre disposition pour vous conseiller et vous assister.
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il y a 3 jours
Dans ce cas les deux sociétés sont condamnées à payer les sommes dues ?
il y a 2 jours
Si vous réussissez à faire condamner les deux sociétés, le juge prononcera très probablement une condamnation solidaire.
Qu'est-ce que cela signifie ? La solidarité entre débiteurs signifie que chaque société est tenue de payer l'intégralité de la somme due. En tant que créancier, vous avez le droit de demander le paiement total de votre créance à n'importe laquelle des deux sociétés, sans avoir à vous soucier de leur répartition interne.
Quel est l'avantage pour vous ? C'est un avantage majeur. Si la société anglaise se montre difficile à poursuivre ou à faire payer en raison de son emplacement, vous pourrez exiger la totalité de la somme due à la nouvelle société française, qui est physiquement présente et plus facile à saisir.
Le juge reconnaîtra la responsabilité de la société anglaise en tant que successeur légal (TUP) et celle de la nouvelle société française pour sa participation à la fraude ou à la "confusion d'identité". L'objectif est d'empêcher l'ancien employeur de se cacher derrière ces différentes structures.
En résumé : Si vous obtenez gain de cause, les deux sociétés seront jugées responsables et vous aurez la garantie que la nouvelle société en France est tenue de payer si l'autre ne le fait pas, ce qui facilite grandement le recouvrement de votre dû.
Cela confirme l'importance de la stratégie de poursuivre les deux entités en même temps, car cela renforce votre capacité à récupérer les sommes qui vous sont dues.
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