Les conditions d'allongement du délai de prescription
Depuis la loi de finances pour 2025, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due lorsqu'une personne physique se prévaut d'une "fausse domiciliation fiscale à l'étranger".
Auparavant, les redressements fiscaux fondés sur une remise en cause du pays de résidence fiscale étaient soumis au délai de prescription de droit commun de 3 ans, sauf si des marqueurs d'évasion fiscale particuliers justifiant une prescription décennale étaient constitués par ailleurs. Les autres motifs de prescription décennale les plus courants sont ceux des activités occultes (i.e. jamais déclarées en France) et les comptes à l'étranger non déclarés à l'administration française.
Dorénavant, l'allongement de la prescription à 10 ans sera systématiquement possible pour les cas de "fausse domiciliation fiscale à l'étranger", à moins que le contribuable ait quand même déclaré des revenus en France sous une catégorie erronée.
L'allongement du délai de prescription n'est pas rétroactif. Cela signifie qu'il ne peut pas remettre en cause des situations pour lesquelles la prescription était déjà légalement acquise lors de la promulgation de la loi de finances pour 2025 publiée le 15 février 2025.
Si l'allongement du délai de prescription vaut pour l'avenir, il ne saurait permettre de remettre en cause une prescription de l'année 2021 si celle-ci était déjà prescrite lors de la promulgation de la loi de finances pour 2025.
Implications
Au vu du caractère particulièrement large de la rédaction du texte, on peut s'inquiéter de voir un certain nombre de contribuables qui se feront notifier (souvent très longtemps après les faits) des redressements fiscaux très significatifs. Pas forcément parce qu'ils auraient réellement éludé l'impôt français, mais parce qu'ils seraient en difficulté d'apporter la preuve de leur domiciliation à l'étranger par exemple.
Devant cette inquiétude, un député des Français établis à l'étranger a demandé au Gouvernement ce qu'il fallait entendre par "fausse domiciliation" à l'étranger. Le Gouvernement a répondu le 5 juin 2025.
Le Gouvernement tente de rassurer en expliquant que cette disposition a pour objet de donner à l'administration le temps nécessaire pour remettre en cause la situation des contribuables qui afin de se soustraire en France à tout ou partie de leurs obligations fiscales, se déclarent domiciliés à l'étranger alors que leur domicile fiscal est en réalité situé en France. Sont concernées les situations dans lesquelles existe une manifestation claire, quelle qu'en soit la forme, de l'intention du contribuable, afin de se soustraire en France à tout ou partie de ses obligations fiscales, de se prévaloir d'une domiciliation fiscale à l'étranger et dont l'administration établit qu'elle est contraire à la réalité.
Il semblerait donc que l'administration fiscale serait tenue d'apporter la preuve d'un élément intentionnel pour mettre en oeuvre le délai de prescription de 10 ans. Les contribuables de bonne foi qui auraient simplement commis une erreur d'application des règles pourraient donc y échapper.
Logiquement, on pourrait toutefois s'attendre à ce que les services de contrôle fassent une interprétation extensive de l'intention du contribuable de se prévaloir d'une résidence fiscale à l'étranger. Le contribuable de bonne foi qui se borne à défendre son analyse des textes est potentiellement concerné. A ce jour, on ignore encore quelle méthode serait retenue par les juridictions pour départager entre les contribuables de mauvaise foi et les autres.
On ne saurait donc trop recommander aux contribuables potentiellement concernés de documenter leurs affaires dans les 10 années antérieures, et de prendre conseil en cas de litige.