Différence entre rtt et modulation du temps de travail
Sujet (Cloturé) initié par mathieu j, il y a 1 an - 1692 vues
Bonjour,
Pour le passage des 39 heures de travail hebdomadaire à la nouvelle durée légale de 35 heures, le 1er janvier 2002, notre convention collective proposait 2 options aux entreprises : - elles pouvaient organiser cette réduction en mettant en place une durée de travail de 35 heures qui devenait effectivement des semaines de 35 heures. ou alors - elles pouvaient organiser la réduction du temps de travail en deça de 39 heures par l'octroi de jours de repos : continuer à travailler 39 heures/semaine et en contrepartie octroyer des jours de repos (RTT) aux salariés. Mon employeur a fait le choix de la seconde option : on a continué à travailler 39 heures hebdomadaires et en contrepartie, on accumulait des heures RTT (4 heures/semaine) qui nous permettaient de bénéficier de jours de congés "RTT" que l'on prenait à notre convenance et en accord avec l'employeur.
Mon employeur entend désormais supprimer les RTT et mettre en place uniquement des semaines de 35 heures. Pour ce faire, il considère que le système RTT n'est rien d'autre qu'un système de modulation des 35 heures comme un autre. Dès lors, si l'employeur pouvait mettre en place (ou pas) ce dispositif de modulation, il est libre, à sa guise, de le quitter et de revenir au "droit commun", à savoir des semaines de simplement 35 heures et ainsi mettre un terme à l'octroi de jours de congés RTT. Pour lui, le dispositif RTT n'est donc rien de plus qu'un dispositif de modulation auquel, bien évidemment, il peut, de manière unilatérale, mettre un terme en arguant de plus, que la modulation est un système dérogatoire et considéré comme désavantageux pour les salariés. De notre côté, en tant que salariés, l'analyse n'est pas la même : les jours de congés RTT qui équivalent et permettent 4 à 5 semaines de congés supplémentaires , en plus des 5 semaines de congés payés sont considérés comme un avantage indéniable et une contrepartie supplémentaire à notre travail et un acquis à préserver.
Un employeur peut-il, de manière unilatérale, mettre un terme à l'octroi de RTT sous prétexte de simplement mettre un terme à un dispositif de modulation ? ou alors, est-il tenu de respecter l'option qu'il avait choisi en 2002, à savoir maintien d'une durée hebdomadaire de 39 heures et octroi de RTT ? Une remarque en plus : l'option choisie en 2002 avait été choisie de manière unilatérale par l'employeur vu qu'à l'époque, il n'y avait pas de représentant du personnel, ni délégué syndical dans l'entreprise.
L'employeur peut parfaitement mettre fin à un engagement unilatéral qui suppose suppose l'octroi d'un avantage au salarié (tout comme à un usage).
La jurisprudence s'est prononcée sur les conditions cumulatives permettant à l'employeur de mettre fin à cet engagement unilatéral:
-informer les représentants du personnel, -prévenir individuellement chaque salarié par courrier recommandé, -respecter un délai de prévenance suffisant afin de permettre d’éventuelles négociations.
La dénonciation de l'engagement unilatérale de l'employeur ne peut résulter que du respect de cette procédure formelle.
A voir également si ces RTT n'ont pas été contractualisés dans le contrat de travail de certains salariés. Pour ces salariés, leur accord sera nécessaire.
Vous soulignez bien que l'engagement unilatéral suppose l'octroi d'un avantage supplémentaire. Le fait de maintenir, à partir de 2002, la durée hebdo à 39 heures alors que la durée légale est désormais de 35 heures et de rémunérer ce dépassement hebdomadaire de 4 heures par un repos compensateur de remplacement non majoré ( c'est à dire des RTT) est-il l'octroi d'un avantage supplémentaire ou davantage un dispositif dérogatoire aux heures supplémentaires résultant dès lors d'un accord ?
Le bénéfice de la décision unilatérale de l'employeur ne peut pas être moins favorable au salarié que les lois, règlements et accords collectifs et contrats de travail, c'est en cela qu'on le qualifie d'avantage. Dans le cas présent, il sagissait de travailler sur une moyenne de 35 heures sans perte de salaire et avec l'octroi de RTT.
Même si les RTT étaient octroyés dans le cadre d'un accord collectif, cela n'empecherait pas, in fine, votre employeur de les supprimer en lieu et place d'une durée de travail de 35 heures, en l'absence de tout nouvel accord d'entreprise, cela nécessitant cependant un délai beaucoup plus long.
Enfin la dénonciation d'un usage ou d'un DUE obéit aux mêmes conditions que rappelées précédemment. A titre d'exemple, j'ai lu un arrêt concernant un groupe de salariés qui contestait la dénonciation de l'usage dans l'entreprise qui consistait à effectuer 37h50 de travail par semaine moyennant 14 journées de RTT par an.
Ils estimaient que ces horaires étaient non seulement contractualisés mais qu'ils étaient également déterminants au moment de la conclusion du contrat de travail ; il ne s'agissait pas d'un simple engagement unilatéral de l'employeur traduisant un usage modifiable à la suite d'une dénonciation.
Le groupe de salariés a été débouté de ses demandes (Cour d'appel, Douai, Chambre sociale, 16 Juillet 2021 – n° 19/02411), l'employeur ayant régulièrement dénoncé l'DUE/Usage, l'arrêt n'est pas très clair sur la qualification à donner.
Les pistes à explorer serait celle d'un dialogie social dans l'entreprise afin de négocier un accord d'entreprise qui pourrait aboutir un accord gagnant-gagnant avec in fine moins de RTT mais quand même des jours de repos supplémentaires.
Enfin, en cas d'échec des négo, l'autre piste à explorer serait via les salariés protégés... Modifier simplement leur conditions de travail (notamment les horaires de travail) suppose leur accord. Or, passer de 39 à 35 heures suppose une modification des horaires de travail, ce qui nécessite a priori leur accord. Ca pourrait être un peu le caillou dans la chaussure. Je n'ai pâs creusé le point (notamment au niveau de la JP) mais ça serait éventuellement un piste à creuser...
Le jugement de la cour d'Appel est curieux dans le sens qu'il considère qu'un système dérogatoire aux régimes des heures supplémentaires puisse être un usage ou une DUE ... ! L'employeur des salariés avait-il annoncé et défini expressément que la durée de travail dans l'entreprise était de 37h50 compensée par des RTT ? ou alors était-ce simplement un constat qui établissait que les salariés avaient l'habitude de faire des semaines de 37h50 compensées (irrégulièrement ?) par des RTT ? S'il est vrai que les heures supplémentaires (non contractualisées) ne sont pas une obligation à laquelle est tenue l'employeur, il n'empêche que les heures supplémentaires systématiques sont aussi une modification du contrat qui requiert l'accord du salarié. Ainsi, dans le cas où l'employeur définit d'emblée et de manière unilatérale une durée hebdomadaire dans l'entreprise supérieure à la durée légale à laquelle les salaries sont soumis et doivent respecter chaque semaine, il apparaît étrange que l'employeur puisse, de manière unilatérale, réduire cette durée hebdomadaire (à laquelle étaient tenus ses salariés) et surtout, supprimer la rémunération afférente à ces heures de travail dépassant systématiquement la durée légale. Dans un tel cas, n'a t-il pas été imposée aux salariés puis finalement acceptée par eux, une durée de travail hebdomadaire supérieure à la durée légale ?
On ne peut pas considérer qu'on leur a imposé une durée de travail supérieure à la durée légale puisque par le biais d'un aménagement conventionnel de la durée du travail sur l'année (moyennant l'octroi de journées de repos), ils travaillent in fine au cours de l'année durant une durée moyenne hebdomadaire de 35 heures, soit la durée légale.
De plus, il n'est pas question de modifier la rémunération des salariés.
Un salarié qui fait 35 heures par semaine touchera autant qu'un autre salarié qui fait 39 heures par semaine et qui, par le biais de dispositions conventionnelles aboutissent à une durée moyenne de 35 heures par semaine (avec un lissage de la rémunération).
Ce qui va différer c'est les RTT (via les dispositions conventionnelles) et le déclenchement des heures supplémentaires. Il sera impossible pour un salarié qui bénéficie d'un horaire classique de 35 heures sans aménagement de travailler au dela de cette durée légale sans percevoir d'heures supplémentaires. Il percevra une rémunération et une majoration en plus. Ce que n'aura pas le salarié bénéficiant de dispositions conventionnelles telles que vous les mentionnez.
Enfin un employeur peut revenir sur une décision unilatérale, un usage ou même un accord collectif moyennant le respect de conditions spcifiques. La seule limite étant lorsque cela a été contractualisé avec le salarié.
Les plaideurs pourront tenter diverses approches pour tenter de justifier de la réalité de cette contractualisation comme dans l'arrêt mentionné précédemment mais les chances de succès me semblent aléatoires voir faibles.
Je me permets encore une question. Vous indiquez qu'un employeur peut revenir sur une décision unilatérale, un usage ou même un accord collectif moyennant le respect de conditions spécifiques. Concernant l'usage et la DUE, le formalisme pour y mettre un terme est clair et bien établi. Est-ce le même formalisme pour sortir de dispositions conventionnelles (convention collective en l'occurrence), ici un dispositif RTT conventionnel de branche ? Notamment si rien n'est indiqué dans la convention collective pour une "sortie du dispositif conventionnel RTT".
A nouveau, un grand merci à vous pour la qualité de vos explications.
Bien souvent des conventions collectives permettaient à l'employeur de mettre en place des dispositions particulières négociées par la branche par le biais de la conclusions d'accord collectif (ce qui supposait il y a encore quelques années, la présence de délégués syndicaux), parfois cette mise en place supposait également l'information ou la consultation des IRP (quand il y en a avait) et quand il n'y avait ni DS (ou absence d'accord), ni IRP, la convention collective permettait à l'employeur la mise en place des dispositions conventionnelles en cause sans information des IRP (qui n'existaient pas) et sans accord collectif.
Dans un tel cas, on peut donc supposer qu'il s'agit bien d'une DUE par laquelle il a décidé de l'application d'un aménagement conventionnel du temps de temps de travail et sur laquelle celui-ci revenir. Donc oui c'est bien le même formalisme.
On pourrait rapprocher ce fonctionnement par exemple des contreparties qui doivent être prévues lorsque le temps de déplacement professionnel dépasse le temps de trajet habituel du salarié (articles L3121-7 et L3121-8 du Code du travail). Ces contreparties doivent être fixées par un accord collectif, à défaut unilatéralement après consultation du CSE, à défaut par simple DUE. L'employeur pouvant toujours y revenir moyennant la procédure indiquées, à moins de les avoir contractualisées.
Et si on analyse par élimination, cela ne correspond pas non plus à la dénonciation d'un accord d'entreprise, ni à la dénonciation d'une convention collective. Et enfin, cela ne peut être non plus assimilé à une modification du contrat de travail.
Enfin, je souligne le fait que le nombre d'heures réalisées sur l'année, tout comme votre rémunération, ne va pas être impactée dans votre cas, dès lors ce n'est pas une modification du contrat de travail. Ce sont en revanche vos horaires sur la semaine qui vont être modifiées (35 au liue de 39), ce qui constitue une simple modification de vos conditions de travail, ce qui ne nécessite pas votre accord (à l'exception des salariés protégés).
En l'espèce, avant 2002, nous avions un contrat classique de 39 heures hebdo. Mon avenant au contrat contrat de travail (et celui de mes collègues) du 1er janvier 2002 est laconique. Il indique simplement le passage à un horaire hebdomadaire de 35 heures et l'octroi de RTT en contrepartie des heures de travail effectivement réalisées : - Il ne renvoie pas à un dispositif particulier de la convention collective concernant l'aménagement du temps de travail : ce n'est que maintenant, voulant désormais supprimer les RTT que l'employeur y fait référence. - L'avenant n'indique aucune annualisation, ni durée annuelle du temps de travail, ni lissage de rémunération.
En fait, l'avenant se contente d'indiquer le passage à un horaire de 35 heures hebdomadaires alors que, dans les faits, nous avons continué à travailler systématiquement 39 heures hebdo. et qu'en pratique, l'employeur nous rémunérait les heures "au-delà des 35 heures" par un repos compensateur de remplacement non majoré. C'est bien, cette pratique qui nous amène (à tort ?) à considérer que les heures "au-delà de 35 heures" étaient rémunérées sous forme de jours de congés supplémentaires. Dès lors, le passage à une durée effective de 35 heures hebdo. et la suppression des jours de congés nous apparaissent être, tout au moins, une modification de la structure de notre rémunération.
C'est assez complexe, en définitive, compte-tenu du fait que nous n'avons jamais considéré travailler sous un régime d'aménagement du temps de travail mais, bien au contraire, être tenus de travailler 39 heures hebdo. et donc être légitimement rémunérés selon cet horaire.
Qu'en pensez-vous ?
Encore merci pour la très grande qualité de vos réponses.
Pour conclure définitivement le point, le remplacement par l'employeur du paiement des heures supplémentaires et de ses majorations par un repos compensateur nécessite que cette possibilite soit prévue un accord d'entreprise ou une convention de branche (est-ce votre cas?).
Par ailleurs, il me semble impossible qu'un tel accord puisse supprimer les majorations afférentes. Ce qui démontrerait qu'il ne s'agit pas de repos compensateur.
Si c'était cependant le cas, votre fiche de paie mentionnerait des repos compensateurs et non des jours de RTT.
Enfin, vous indiquez que l'avenant à votre contrat de travail précise que un passage à un horaire hebdomadaire de 35 heures et l'octroi de RTT en contrepartie des heures de travail effectivement réalisées au dela de 35 heures. C'est précisément votre cas et cela renvoit donc implicitement aux dispositions conventionnelles.
Au mieux votre argumentaire est audacieux. Tout se plaide mais tout ne se gagne pas.
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