Bonjour François,
Votre situation est complexe et montre bien les difficultés à anticiper une reprise dans un métier physiquement exigeant. Vos questions sont tout à fait pertinentes.
Voici une analyse détaillée de votre situation et des réponses à vos interrogations.
1. Le compte-rendu du chirurgien est-il suffisant pour une déclaration d'inaptitude ?
Probablement pas de manière automatique, mais il est très utile et nécessaire.
Le médecin du travail prend sa décision de manière indépendante en se basant sur :
Vos capacités fonctionnelles (ce que vous êtes capable de faire, tel que décrit par le chirurgien).
Les exigences de votre poste de travail (les contraintes physiques réelles de votre métier de chauffeur routier : manutention, ports de charges, gestes répétitifs, vibrations, etc.).
Le compte-rendu de votre chirurgien est un élément médical crucial qui alimente le dossier. Il décrit objectivement vos limitations (manque de force) et vos capacités conservées (mobilités satisfaisantes). Cependant, la conclusion ("je ne me sentais pas à reprendre") est subjective. Le médecin du travail devra faire le lien entre ces éléments médicaux et les contraintes de votre emploi.
En résumé : Le courrier est nécessaire mais pas suffisant seul. C'est la confrontation de votre état de santé avec votre fiche de poste qui permettra au médecin du travail de statuer.
2. Est-il judicieux de demander une visite de pré-reprise ?
Absolument. C'est même la démarche la plus importante et la plus judicieuse que vous puissiez faire.
La visite de pré-reprise a été spécialement conçue pour votre situation. Elle permet, alors que vous êtes encore en arrêt, d'anticiper les problèmes de reprise et de trouver des solutions avant la fin de votre arrêt.
Ses objectifs pour vous sont :
Évaluer votre aptitude à reprendre votre poste de travail précis.
Étudier les possibilités d'aménagement de votre poste ou de votre temps de travail (même si vous êtes pessimiste, c'est au médecin de l'évaluer).
Envisager un reclassement si l'inaptitude à votre poste est prononcée (recherche d'un autre poste dans l'entreprise qui correspond à vos capacités).
Éviter une reprise suivie d'un nouvel arrêt pour le même problème ou pour l'épaule controlatérale.
Comment la demander ? Vous, votre médecin traitant ou votre employeur pouvez en faire la demande. Prenez les devants et écrivez un courrier simple au service de santé au travail pour en solliciter une.
3. Utilité d'un courrier de votre médecin traitant pour la seconde épaule
Oui, c'est très utile, voire indispensable.
Votre médecin traitant a une vision globale de votre état de santé. Le fait que votre seconde épaule soit déjà douloureuse (bursite) est un argument médical extrêmement important.
Cela montre que :
Vous avez une pathologie bilatérale sous-jacente ou aggravée par votre travail.
La sursollicitation de l'épaule saine pour compenser l'épaule opérée risque d'aggraver ou de déclencher une nouvelle incapacité.
Un courrier de votre médecin traitant décrivant ces douleurs et ce risque sera très influent pour le médecin du travail. Il renforce considérablement l'argument selon lequel un retour à un poste de manutention lourde n'est pas médicalement souhaitable et pourrait être dangereux pour vous.
4. "Je ne pense pas qu'un aménagement soit possible..."
C'est une pensée courante, mais laissez le médecin du travail en juger.
Votre métier de chauffeur routier comporte plusieurs facets : la conduite, mais aussi la logistique, le chargement/déchargement, la paperasse. Un aménagement pourrait consister en :
Une évolution de poste : vers un poste de conducteur sans manutention (livraison en colis léger, transport de fonds, etc.) ou un poste sédentaire dans la logistique.
Des aides techniques : utilisation de chariots élévateurs, de diables spécifiques, limitation du poids des charges à manipuler.
Une organisation du travail : travail en binôme pour la manutention.
Même si les possibilités vous semblent limitées, la visite de pré-reprise est justement le moment d'en discuter. Si le médecin du travail conclut à une inaptitude au poste (ce qui est probable au vu des éléments que vous apportez), l'employeur est alors dans l'obligation de rechercher un reclassement pour vous dans l'entreprise. Si aucun reclassement n'est possible, alors l'inaptitude est définitive et peut mener à une rupture du contrat de travail pour inaptitude (avec des indemnités spécifiques).
Synthèse des conseils
Sollicitez sans attendre une visite de pré-reprise auprès de la médecine du travail.
Demandez à votre médecin traitant un courrier détaillant l'état de vos deux épaules, vos douleurs, vos limitations fonctionnelles et les risques professionnels associés à une reprise sans aménagement.
Rassemblez tous vos documents médicaux (compte-rendu opératoire, compte-rendu du chirurgien, courrier du médecin traitant) et apportez-les à la visite médicale.
Soyez ouvert à la discussion sur l'aménagement ou le reclassement, même si vous êtes sceptique. C'est la procédure légale.
Cette démarche proactive est la meilleure façon de protéger votre santé à long terme et d'anticiper sereinement votre retour au travail, quelle qu'en soit la forme.
Je reste à votre disposition pour vous conseiller et vous assister.
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il y a 15 heures
Bonjour Maitre PETSOKO,
Je vous remercie vivement pour votre réponse de grande qualité et bien détaillée.
Vous avez bien compris ma situation et y avez répondu de maniere très claire.
Encore merci et n'hésiterai pas a faire appel à vous si besoin.
Cordialement.
il y a 14 heures
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