Chère madame,
Votre situation est très préoccupante et nécessite une action rapide et éclairée pour protéger vos droits. La direction de votre groupe met une pression considérable sur vous, et les informations qu'elle vous donne sur la démission en cas de refus de mutation sont potentiellement trompeuses.
Voici une analyse de votre situation et les démarches à envisager :
1. Le Plan de Sauvegarde de l'Emploi (PSE) et votre situation
Un PSE déjà en cours : Le fait qu'un PSE ait été mis en place en février pour 4 magasins montre que le groupe est bien dans une logique de restructuration due à des difficultés économiques.
Fermeture de votre magasin : La fermeture de votre magasin pour impayés de loyers est clairement une raison économique justifiant des licenciements.
Peut-on réintégrer un PSE existant ?
En principe, un PSE a un périmètre défini lors de sa mise en place et est homologué par la Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS, ex-DIRECCTE).
Cependant, si la fermeture de votre magasin entraîne des licenciements économiques qui n'étaient pas prévus et qui, seuls ou combinés à d'autres, atteignent les seuils légaux de licenciement collectif (plus de 10 salariés licenciés sur une période de 30 jours dans une entreprise de 50 salariés et plus), l'employeur a l'obligation de mettre en place un nouveau PSE ou d'amender le PSE existant.
Il est tout à fait possible que la fermeture de votre magasin entre dans cette logique et devrait être couverte par un dispositif de PSE, vous donnant droit à des mesures d'accompagnement bien plus avantageuses.
2. Vos droits si vous refusez la mutation
C'est un point capital et ce que vous dit la direction ("démissionner et perdre vos droits") est souvent une pression infondée.
La mutation : Modification du contrat de travail
Une mutation géographique peut être considérée soit comme un simple changement des conditions de travail, soit comme une modification substantielle de votre contrat de travail.
Si votre contrat de travail prévoit une clause de mobilité qui est précise (ex : tout le bassin parisien) et que le nouveau magasin est dans un périmètre raisonnable (temps de transport similaire), cela pourrait être considéré comme un simple changement des conditions de travail. Le refus pourrait alors être une cause de licenciement pour faute (rare en cas de difficultés économiques).
Cependant, le plus souvent, une mutation est une modification substantielle du contrat de travail : si le nouveau lieu est très éloigné (temps de trajet doublé, par exemple), si votre fonction ou vos responsabilités changent, si vos horaires ou votre rémunération sont modifiés.
Votre droit de refuser : En cas de modification substantielle de votre contrat de travail pour motif économique, vous avez le droit de la refuser.
Conséquences du refus d'une modification pour motif économique :
Si vous refusez une modification substantielle proposée pour motif économique, l'employeur ne peut pas vous forcer à démissionner.
Votre employeur devra alors enclencher une procédure de licenciement économique. Ce licenciement vous ouvre droit à :
Les indemnités légales (ou conventionnelles si plus favorables) de licenciement.
Les indemnités compensatrices de préavis (sauf si vous acceptez le CSP, voir ci-dessous).
Les indemnités compensatrices de congés payés.
Les allocations chômage (aide au retour à l'emploi - ARE) de France Travail (ex-Pôle Emploi).
Très probablement, la proposition d'un Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP).
Le Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP) :
Si votre entreprise est concernée par un PSE ou si elle licencie pour motif économique et emploie plus de 1000 salariés (ou est en redressement/liquidation judiciaire), elle est tenue de proposer le CSP.
Le CSP est très avantageux : vous bénéficiez d'une Allocation de Sécurisation Professionnelle (ASP) équivalente à 75% de votre ancien salaire de référence (supérieure à l'ARE classique) pendant 12 mois, ainsi que d'un accompagnement renforcé pour votre reclassement. Vous avez tout intérêt à obtenir un licenciement économique pour pouvoir accepter le CSP.
3. La situation financière de l'entreprise
Retards de salaire : C'est une faute grave de l'employeur. Vous pourriez saisir le Conseil de Prud'hommes pour exiger le paiement immédiat et éventuellement des dommages et intérêts. Cela justifierait également une prise d'acte de la rupture ou une résiliation judiciaire aux torts de l'employeur (ce qui équivaudrait à un licenciement).
Redressement ou liquidation judiciaire :
Si l'entreprise entre en redressement judiciaire, un administrateur est nommé et élabore un plan de continuation ou de cession. Des licenciements peuvent avoir lieu dans ce cadre, souvent sous la forme d'un PSE.
Si l'entreprise est mise en liquidation judiciaire, elle est fermée et tous les salariés sont licenciés pour motif économique. Dans ce cas, toutes les sommes dues aux salariés (salaires, indemnités de préavis, indemnités de licenciement, etc.) sont garanties et payées par l'AGS (Association pour la gestion du régime de Garantie des créances des Salariés), dans les limites fixées par la loi. C'est une sécurité importante pour les salariés.
Que faire concrètement ?
Ne démissionnez surtout pas ! C'est le piège à éviter absolument.
Exigez une proposition de mutation écrite : Demandez à votre direction de vous formaliser cette proposition de mutation par écrit, en précisant toutes les conditions (lieu exact, poste, rémunération, horaires).
Consultez un avocat spécialisé en droit du travail :
C'est la démarche la plus importante. Ne restez pas seul(e) face à votre employeur, surtout dans ce contexte de difficultés et de PSE.
L'avocat pourra analyser votre situation, votre contrat de travail, la proposition de mutation.
Il vous conseillera sur la meilleure stratégie : refuser la mutation pour obtenir un licenciement économique (et le CSP), ou négocier un départ dans le cadre du PSE existant (si possible).
Il pourra vérifier si la fermeture de votre magasin aurait dû, elle aussi, déclencher une procédure de licenciement collectif avec un PSE ou une extension du PSE existant.
Il pourra intervenir pour les retards de salaires.
Il vous éclairera sur vos droits exacts en cas de redressement/liquidation.
La situation est complexe car elle mêle plusieurs aspects du droit du travail (licenciement économique, PSE, mutation, garanties en cas de faillite). Un avocat spécialisé sera votre meilleur atout pour défendre vos intérêts et sécuriser votre avenir professionnel et financier.
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