Chère Madame,
Votre question est très pertinente et touche à un point sensible en droit de la famille et du patrimoine : la qualification des biens lors d'une séparation ou d'un divorce, notamment des sommes exceptionnelles comme une prime de licenciement.
En France, la possibilité de "mettre une prime de licenciement sur une assurance-vie ou en donation pour que le conjoint n'ait le droit à rien" est très difficile, voire impossible à garantir légalement, surtout si vous êtes marié sous le régime de la communauté réduite aux acquêts (le régime légal par défaut sans contrat de mariage).
1. Prime de licenciement et régime matrimonial
La nature de la prime de licenciement (bien propre ou bien commun) est déterminante pour son partage en cas de divorce.
Régime de la communauté réduite aux acquêts (le plus courant) :
Les salaires et revenus du travail perçus pendant le mariage sont des biens communs.
La prime de licenciement est, par principe, considérée comme un revenu de remplacement (elle compense la perte d'un emploi et donc de revenus). Par conséquent, elle tombe dans la communauté, même si elle est perçue après une ordonnance de non-conciliation ou même après la séparation de fait des époux, tant que la communauté n'est pas dissoute (c'est-à-dire jusqu'au jugement de divorce).
Exception : Une prime de licenciement peut être considérée comme un bien propre si elle vise à réparer un préjudice personnel et moral (par exemple, un harcèlement, une discrimination avérée) distinct de la seule perte d'emploi. Cette qualification doit être clairement établie et prouvée, idéalement stipulée comme telle dans la transaction de licenciement ou un jugement des prud'hommes. C'est une situation rare et qui peut être contestée par le conjoint devant le juge aux affaires familiales.
Régime de la séparation de biens :
Chaque époux conserve ses biens propres, y compris ceux acquis pendant le mariage avec ses propres revenus. Dans ce régime, la prime de licenciement reste un bien propre de l'époux qui la perçoit et n'est pas partagée.
Cependant, si l'autre conjoint a contribué au financement du ménage pendant que l'époux percevant la prime était sans emploi, ou s'il y a eu un appauvrissement de l'un au profit de l'autre, des mécanismes comme la prestation compensatoire peuvent s'appliquer et tenir compte de cette prime.
2. Placer la prime sur une assurance-vie ou en donation
a. Assurance-vie
Contrat souscrit avant le mariage : Si le contrat a été souscrit avant le mariage, il reste un bien propre. Cependant, si les primes de licenciement (qui sont des fonds communs) sont versées sur ce contrat pendant le mariage, la valeur de rachat correspondant à ces versements peut être soumise à récompense à la communauté lors du divorce. En d'autres termes, vous devriez à votre conjoint la moitié des sommes versées depuis la communauté.
Contrat souscrit pendant le mariage (avec des fonds communs) : L'assurance-vie, si elle est alimentée par des salaires ou revenus communs, est considérée comme un bien commun. En cas de divorce, la valeur de rachat du contrat au jour de la liquidation de la communauté devra être partagée par moitié entre les époux. Mettre la prime de licenciement (si elle est considérée comme commune) sur une assurance-vie ne la rendra pas "intouchable" pour votre conjoint.
Tenter de dissimuler des fonds ou de les "détourner" de la communauté via une assurance-vie dans l'optique d'un divorce est risqué. Le conjoint peut demander une expertise patrimoniale et faire "rapporter" ces sommes à la communauté.
b. Donation
Donation au conjoint : Si vous faites une donation de cette prime à votre conjoint avant le divorce, la donation est généralement irrévocable si elle a pris effet pendant le mariage. Vous ne pourriez pas la récupérer.
Donation à un tiers (enfant, parent, etc.) : Si vous donnez la prime à un tiers (par exemple, vos enfants) dans le but manifeste de soustraire ces fonds à la liquidation de la communauté, votre conjoint pourrait arguer d'une fraude aux droits de la communauté et demander que ces sommes soient réintégrées dans la masse à partager lors du divorce. Une telle action est généralement suspecte si elle intervient juste avant ou pendant la procédure de divorce.
3. Implications et conseils
Toute tentative de "vider" un patrimoine commun ou de le cacher dans l'optique d'un divorce sera probablement découverte par l'avocat de votre conjoint lors de la liquidation du régime matrimonial et pourra être très mal perçue par le juge. Cela pourrait même vous être préjudiciable dans la fixation d'une éventuelle prestation compensatoire que vous pourriez avoir à verser.
Le meilleur conseil est de consulter un avocat spécialisé en droit de la famille. Il pourra :
Analyser précisément votre régime matrimonial.
Évaluer la nature exacte de votre prime de licenciement (si une partie pourrait être qualifiée de réparation de préjudice personnel).
Vous expliquer les règles de partage de votre patrimoine en fonction de votre situation.
Vous conseiller sur la manière la plus juste et légale de gérer ces fonds dans le cadre de votre séparation ou divorce, sans risquer des procédures coûteuses et potentiellement défavorables pour fraude.
Tenter de "ne rien donner" à votre conjoint via des montages financiers pendant une procédure de séparation/divorce est généralement une fausse bonne idée qui peut se retourner contre vous. La transparence, même si elle est difficile, est souvent la meilleure voie dans ces situations complexes.
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il y a 13 heures
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