Cher monsieur,
Bonjour,
Votre situation est intéressante et le notaire a tout à fait raison d'être réticent à insérer une telle clause dans l'acte de liquidation-partage pour plusieurs raisons essentielles. Cela ne signifie pas que votre accord est impossible, mais qu'il doit être formalisé différemment.
1. Pourquoi le notaire est réticent à inclure cette clause dans l'acte de liquidation-partage ?
L'acte de liquidation-partage a pour objectif de mettre fin à l'indivision et de liquider définitivement les droits de chacun sur les biens communs (ou indivis) suite au
divorce. Il vise à rendre les attributions définitives et claires.
Une clause de reversement d'une plus-value future est une obligation de faire ou de donner qui est :
Future et incertaine : La vente future et l'existence d'une plus-value ne sont pas garanties.
Personnelle : C'est une obligation entre vous et votre ex-épouse, qui ne concerne pas la nature du bien lui-même après le partage.
Potentiellement complexe fiscalement : La qualification fiscale de cette "plus-value" future reversée est incertaine si elle est incluse dans l'acte de partage initial. Est-ce un complément de partage ? Une rente ? Un revenu ? Cela pourrait poser des problèmes lors de la revente et du paiement futur.
Contre nature de l'acte : Le notaire, en tant qu'officier public, garantit la sécurité juridique des actes qu'il rédige. Insérer une clause aussi "conditionnelle" et "future" dans un acte qui vise à clore une situation peut créer de l'incertitude et des difficultés d'interprétation ou d'exécution dans le futur, ce qui est contraire à sa mission de conseil et de sécurité.
2. L'action en complément de part (rescision pour lésion)
Le notaire vous a parlé de l'action en rescision pour lésion (ou action en complément de part dans le cadre d'un partage, prévue par l'article 889 du Code civil). Vous avez bien compris ses limites :
Elle vise à protéger un copartageant qui aurait été lésé de plus du quart de la valeur de sa part au moment du partage.
Elle doit être exercée dans un délai de deux ans à compter du partage.
Elle permettrait à votre ex-épouse de demander un complément si elle estime qu'elle a été sous-payée par rapport à la valeur réelle de sa part au moment du partage.
Cette action ne correspond pas du tout à votre accord, qui porte sur une plus-value future et spéculative, et non sur une lésion constatée au moment du partage. Elle ne permet pas d'atteindre votre objectif.
3. La solution : l'accord sous seing privé
Effectivement, la rédaction d'un accord sous seing privé est la voie la plus appropriée pour formaliser votre engagement.
Avantages de l'accord sous seing privé :
Liberté contractuelle : Vous êtes libres de fixer les modalités qui vous conviennent (sans limitation de durée, sans limitation de valeur, bénéficiaire spécifique - Madame de son vivant).
Confidentialité : Cet accord ne sera pas public, contrairement à un acte notarié publié au service de la publicité foncière.
Flexibilité : Vous pouvez y détailler précisément la méthode de calcul de la plus-value, les obligations d'information, les modalités de paiement, etc.
Inconvénients et précautions à prendre avec l'accord sous seing privé :
Force exécutoire : Contrairement à un acte notarié (acte authentique) qui a force exécutoire (permettant un recouvrement forcé en cas de non-paiement sans repasser devant un juge), un acte sous seing privé nécessite, en cas de litige, de saisir un juge (le Tribunal Judiciaire) pour en obtenir l'exécution forcée.
Opposabilité aux tiers : L'accord ne lie que vous et votre ex-épouse. Un futur acheteur du bien n'est pas concerné par cette clause. L'obligation vous incombe personnellement, et non au bien lui-même.
Définition précise des termes : Il est crucial que cet accord soit rédigé avec la plus grande précision pour éviter toute ambiguïté future. Vous devez définir clairement :
Ce qu'est la "plus-value éventuelle" (prix de revente moins la valeur figurant dans l'acte de partage, mais aussi frais de vente, travaux éventuels ?).
La preuve du prix de revente.
Les délais de paiement.
Les obligations d'information (ex: Madame doit être informée de la mise en vente, du prix de vente, etc.).
Les modalités de vérification pour Madame.
Durée de vie de la clause : Vous souhaitez "sans limitation de durée". C'est possible.
Caractère personnel pour Madame : Vous souhaitez que cette possibilité soit "réservée à Madame et au cours de son vivant". Cela signifie qu'à son décès, le droit s'éteindrait et ne serait pas transmis à ses héritiers. Cela doit être clairement stipulé.
Décès du débiteur (vous) : Précisez que l'obligation de payer la plus-value vous est personnelle, et qu'en cas de décès, elle se transmettra à vos héritiers (sauf si vous souhaitez une clause spécifique à ce sujet, ce qui serait plus complexe).
Fiscalité de la somme reversée : La somme que vous verserez à Madame au titre de cette plus-value future devra être qualifiée fiscalement au moment du versement. Il est recommandé de consulter un fiscaliste pour anticiper les implications pour vous (est-ce une charge déductible ?) et pour elle (est-ce un revenu imposable ?). Il est possible que cela soit considéré comme un supplément de prix de vente de sa part, mais la qualification dépendra de la rédaction de la clause et de l'interprétation de l'administration fiscale.
Recommandation
Il est fortement recommandé de faire rédiger cet accord sous seing privé par un avocat spécialisé en droit de la famille ou en droit des contrats.
Un avocat pourra :
S'assurer de la validité juridique de la clause et de sa rédaction conforme à votre volonté.
Anticiper les difficultés d'exécution et les litiges potentiels.
Vous conseiller sur les éventuelles implications fiscales.
S'assurer que l'accord est bien distingué de l'acte de partage pour éviter toute confusion.
En résumé, le notaire a raison de ne pas l'insérer dans l'acte de partage. Un accord sous seing privé est la bonne solution, mais il doit être rédigé avec une extrême précision pour protéger les intérêts des deux parties sur le long terme.
Merci d’indiquer que j’ai répondu à votre question en cliquant sur le bouton vert de ma réponse.